1-2-1- Le model PULL et PUSH des motivations
entrepreneuriales
v Le model Pull et l'entrepreneur
opportuniste
Dans le model « Pull », Gilad et Levine
considèrent que la création d'entreprise résulte d'un
choix délibéré de personnes intéressés par
l'activité entrepreneuriale ou d'une culture entrepreneuriale. Dans ce
cas, l'individu qui prend l'initiative de créer une entreprise le fait
de manière volontaire et délibérée, il peut donc
être considéré comme un entrepreneur opportuniste qui
recherche avant tout l'autonomie, l'indépendance. Il est
également motivé par la recherche de gains économiques
déterminé par sa capacité à identifier et à
exploiter les opportunités d'affaires qui s'offrent à lui.
L'opportunité se présente dans ce cas comme le principal facteur
influençant l'entrepreneur « Pull ». Concernant
l'opportunité, un entrepreneur de notre population d'étude nous
avoue que :
Ce qui m'a motivé dans l'élevage c'est que,
pendant des fins d'années j'ai beaucoup fait dans la vente des porcs
pour des amis. Et au bout de deux ans trois ans j'ai vu que ça
rapportait beaucoup d'argent et qu'ils s'en sortaient bien, voilà
comment j'ai compris que pourquoi moi-même je ne peux pas aussi le faire
c'est comme ça que je me suis vraiment lancé à mon niveau.
(Entretien du 20 janvier 2022 avec Gérard de ADJAS à
Abobo).
Elle fait référence à la faculté
pour l'entrepreneur d'identifier un manque ou un besoin dans le marché
et de combler ce besoin à travers de nouveaux produits ou services, de
nouvelles marchandises, et de dégager des bénéfices
supérieurs aux coûts de production de l'entrepreneur. En somme,
l'entrepreneur opportuniste s'inscrit dans la logique de l'entrepreneur
Schumpetérien motivé par la recherche de gains économiques
et le désir d'indépendance.
v Le model Push et l'entrepreneur par
nécessité
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Dans le model « Push », Gilad et Levine (1986)
postulent que les individus qui se trouvent en situation de
nécessité, voire de précarité sont contraints
à créer leur entreprise par des facteurs externes et
négatifs. Il peut s'agir entre autres : de la difficulté à
trouver un emploi stable, le salaire médiocre, le travail non flexible
ou encore l'insatisfaction au travail. Ces facteurs motivationnels se
retrouvent chez les porteurs de projet en situation de discontinuité
négative par rapport à la trajectoire de vie qu'ils se sont
fixés. L'entrepreneur de type Push se présente comme un
entrepreneur soumis à la contrainte, dans la mesure où l'ensemble
des situations qui s'imposent à lui créée la
nécessité de s'auto-employer (Gilad et Levine, cité par
Nkakleu, 2016 : 8). Dans ces conditions, les individus motivés par les
facteurs Push peuvent être considérés comme des exclus de
la société, à cet effet ils cherchent à s'affirmer
et à être reconnu de tous à travers la création
d'entreprise. En somme les motivations des entrepreneurs contraints ou de
nécessités résultent de deux dimensions : à savoir
la motivation de nature économique qui résulte de la perte d'un
emploi. Et la motivation de nature non économique qui provient de
l'insatisfaction d'une vie professionnelle et du désir de
s'auto-affirmer. En contexte camerounais, les entrepreneurs de
nécessité se battent le plus au quotidien pour leur survie. Leur
motivation principale à ce niveau provient de la nécessité
de rechercher beaucoup d'argent pour prendre soin d'eux et assurer les charges
familiales. Les propos d'un répondant en sont la parfaite illustration
:
La situation économique déjà
actuelle qui n'est pas du tout facile de joindre les deux bouts, parce que
justement ce que tu peux avoir sur le plan professionnel parfois est
insuffisant. Vue la conjoncture économique même déjà
actuelle, et les charges qui ne sont pas du tout évident.
(Entretien du 30 décembre 2021 avec Loïc d'EMERCOM à
Oyom-Abang chapelle).
Les propos de cet enquêté traduisent tout
simplement le désir des populations à faible revenu à
faire face aux contraintes économiques. Le coût de vie et les
contraintes familiales leurs amènent ainsi à trouver d'autres
sources de revenus afin de s'en sortir au quotidien.
Au-delà des facteurs motivationnels de nature (Pull)
et (Push) présentés comme agissant de façon exclusive sur
les entrepreneurs volontaires et contraints. Les économistes tels que
Gabarret et Vedel (2015) mettent en exergue une approche mixte des motivations
entrepreneuriales constituées d'une part des facteurs motivationnels
positifs et des facteurs négatifs, et d'autre part les facteurs
motivationnels économiques et non économiques.
Gabaret et Vedel (2015) constatent que ce sont les facteurs
négatifs en général (chômage, manque d'argent) qui
déclenchent chez les individus la décision de création
des
1-2-2- Les facteurs motivationnels négatifs et
positifs/économiques et non économiques
61
entreprises. Mais la combinaison de ces facteurs
négatifs aux facteurs positifs (désir de travailler, désir
d'augmenter son revenu) est à la base de la création
d'entreprise. Les facteurs négatifs et positifs se situent sur un
continuum qui associés aux motivations économiques et non
économiques, aboutissent à plusieurs combinaisons qu'on peut
qualifier de motivations mixtes.
Tableau 1 : Les dimensions de la motivation
entrepreneuriale
Facteurs motivationnels
|
Négatifs
|
Positifs
|
Non-économiques
|
Manque de satisfaction
|
Désir de satisfaction
|
|
Désir d'indépendance
|
Économiques
|
Manque d'emploi
|
Désir de travailler
|
|
Désir d'augmentation de
revenu
|
|
Source : Gabarret et Vedel (2015 : 15).
Nkakleu (2016) s'inscrit dans cette logique dans une
recherche portant sur les motivations des entrepreneurs aux pieds nus au
Cameroun. Il ressort que les facteurs motivationnels des entrepreneurs sont
à la fois économiques et non économiques,
influencées par des facteurs positifs et négatifs.
v Les motivations économiques
Il s'agit entre autres de la perte d'emploi qui provoque le
manque de ressources financières, le désir de gagner de l'argent,
le désir d'épargner, le salaire insuffisant dans l'emploi
occupé ou encore l'opportunité d'affaires. Les entrepreneurs aux
pieds nus qui renvoient aux entrepreneurs informels ou de
nécessités sont la plupart du temps confrontés à
l'insatisfaction des besoins vitaux de bases. Ces besoins concernent
généralement l'alimentation, la santé, le logement,
l'éducation des enfants, le déplacement... en effet comme
l'explique Nkalkleu, (2016 : 14), « c'est la recherche du
bien-être qui favorise chez ces derniers la création de diverses
activités de survie ». De même, ces motivations à
entreprendre sont influencées par de nombreuses dimensions telles que
:
Ø Le désir de faire quelque chose : il faut
dire que l'exercice d'un métier est un impératif pour pouvoir
vivre au quotidien.
Ø Sortir de la situation de sans emploi : entreprendre
une activité permet non seulement de passer du statut de chômeur
à travailleur, mais également de pouvoir s'occuper de son temps.
Les affirmations d'un répondant en sont la preuve :
62
Ce qui m'a motivé à développer mon
activité, c'était le désir de s'occuper il fallait que
j'aie une profession. Vous savez ce n'est pas facile de s'insérer dans
la fonction publique donc il me fallait avoir une occupation, et il fallait
également que je participe au développement à mon niveau
(entretien du 27décembre 2021 avec Aristide à Tsinga).
Ø Devenir son propre patron :
généralement, le fait pour un individu de créer sa propre
affaire dans le but de sortir du statut de sans emploi fait de ce dernier son
propre patron qui s'auto fixera des règles et des principes de
fonctionnement.
v Les motivations non économiques
Les motivations non économiques sont pour Nkakleu
(idem) essentiellement des motivations sociales qui peuvent être
représentées en quatre (4) catégories. Il s'agit entre
autres :
Ø L'aide de la famille, la satisfaction des besoins
alimentaires des enfants, la scolarisation des enfants, la satisfaction des
besoins personnels. Généralement, ces facteurs motivationnels
sont communs aux hommes et aux femmes micro entrepreneurs dans l'univers
camerounais qui recherche avant tout à satisfaire les besoins
essentiels.
Ø La recherche d'indépendance et d'autonomie,
la poursuite des études supérieures, la réalisation d'une
passion, la poursuite d'un entrepreneur ayant réussi. En allant dans ce
sens, un enquêté affirme :
Ce qui m'a réellement motivé a
démarré mon activité entrepreneuriale je suis jeune
étudiant avec mes différents diplômes, j'ai eu à
faire les concours mainte fois et je n'ai pas réussi, et avec
l'âge et avec le temps qui passe. J'ai voulu exercer quelque chose qui
puisse me donner de quoi manger pour ne plus dépendre des parents »
(entretien du 04 janvier 2022 avec Gérôme d'EMERCOM au
camp-Sonel).
Tout comme les facteurs précédents, ils sont
également communs aux hommes et aux femmes. Il est courant de voir dans
les marchés et les villes camerounaises, des jeunes très jeunes
micro entrepreneur de nécessité qui se lancent dans des petits
commerces dans le but d'accumuler des bénéfices afin de pouvoir
se payer la scolarité en période de rentrée scolaire.
Certains encore le font dans le but de s'autonomiser dû à la
faible offre d'emploi du secteur public.
Ø La troisième catégorie concerne des
facteurs exclusivement liés aux femmes. Il s'agit notamment : la prise
en charge de la grossesse par la femme, la souffrance dans le foyer conjugal,
disposé de temps pour effectuer les tâches
ménagères.
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La difficulté liée à la vie conjugale
amène certaines femmes à s'autonomiser pour mieux prendre soin
d'elles et du foyer dans un contexte ou l'époux ne joue pas toujours son
rôle. Une jeune entrepreneure expliquait à cet effet que :
Ce qui m'a motivé c'est le fait déjà
d'être une femme au foyer. Tu as la charge des enfants, tu as ton mari
qui sort chaque jour pour travailler avec son travail son salaire et les
enfants on ne parvenait pas toujours à joindre les deux bouts. Compte
tenu de mon dynamisme, voilà pourquoi j'ai décidé de
mettre sur pied de démarrer mon petit élevage (entretien du
28 décembre 2021 avec Simone d'EMERCOM à Nkolbisson-chapelle).
Ø La dernière catégorie concerne des
facteurs liés essentiellement aux hommes qui sont motivé par le
désir de quitter leur famille ou de quitter le pays.
Dans les sociétés patriarcales africaines et
camerounaise, le garçon est généralement appelé
à quitter la famille parentale pour s'autonomiser et fonder sa propre
famille. L'absence d'emploi constitue la plupart du temps un frein à
leur départ. Les pressions familiales, sociales et le poids de
l'âge leur contraint souvent et à s'auto employer à travers
des micros et petites entreprises dans divers secteurs d'activités, ceci
dans le but de s'autonomiser et de fonder une famille.
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