Pour Semin (2007), le système tontinier en Afrique
trouve son fondement dans les liens sociaux qui unissaient les membres. La
pratique courante du système tontinier africain découle d'une
monétarisation des habitudes de collectivisation dans les
sociétés traditionnelles africaines. Il s'agissait dès
lors de regroupements entre voisins ou entre personnes d'un même
6 Source :
https://www.lafinancepourtous.com/?s=la+tontine
consulté le 12 juin 2021.
7 Ce sujet fut abordé dans un roman de Robert
Louis STEVENSON intitulé « un mort encombrant » et
plus tard adapté au cinéma en 1966 dans le film « un
mort en pleine forme ». Le scenario est simple deux jeunes gens se
retrouvent les uniques survivants d'une tontine, s'ensuit des accidents de
chemin de fer et autres péripéties. Plus récemment, la
série à succès les Simpson y consacre un épisode,
grand père Simpson et le trésor maudit.
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groupe d'âge, pour s'entraider mutuellement à
tour de rôle lors des différents travaux (labour, récolte,
restauration des toitures...).
Les systèmes tontiniers africains sont sans doute ceux
qui ont étés le plus étudiés au cours de la
décennie 80, ils sont présents dans la majeure partie des pays
africains. C'est à partir de leur monétarisation que des
écris mentionnant l'existence des réseaux tontiniers en Afrique
sont apparus. C'est le cas en 1952 avec les travaux de Bascom sur «
l'Esusu » au Nigéria qui serait apparu vers le milieu du
XIXème siècle et dans les pays voisins où il est
pratiqué couramment par les musulmans Yorubas. Puis au cours des
années suivantes, de plus en plus d'informations sur ce type de pratique
vont permettre de mieux connaitre les mécanismes tontiniers, et de
s'apercevoir que les regroupements tontiniers existent en fait dans de
très nombreux pays d'Afrique. Ce sont les pays d'Afrique de l'ouest qui
feront d'abord l'objet d'études sur le système tontinier
notamment le Benin, le Nigéria, le Sénégal, le Niger.
v Au Benin
Le Benin est probablement l'un des pays d'Afrique occidentale
où le phénomène tontinier s'est particulièrement
développé au XIXème siècle. Connu sous le nom de
« Adjolou », pratiquement tous les hommes et toutes les femmes de
plus de 18ans y participaient depuis des années (Gasse-Hellio, 2000). On
y trouvait des tontines mutuelles ou tournantes qui sont des associations des
personnes se connaissant bien et désireuse de se prêter et de
s'emprunter un peu d'argent pendant un certain temps. Lorsque chacun percevait
sa mise, le groupe se disloquait à moins que les participants
décidèrent de recommencer une nouvelle fois (Lelart, 1989). Ces
formes de tontines sont très pratiquées au bénin depuis
leur apparition.
De même, une enquête réalisée par
Gnansounou en 1989 sur les marchés de Cotonou à saint-michel
faisait mention d'une autre forme de tontine : les tontines commerciales ou
ambulantes. Dans cette forme, tout reposait sur un tontinier qui collectait
périodiquement l'argent de ses clients et les remboursait à la
date convenue. Cette forte pratique des tontines béninoise semblait
provenir d'une réaction des populations aux programmes d'ajustement
élaborés par le fond monétaire et la banque mondiale.
Aujourd'hui plus de 60% de la population au Bénin recourent aux services
du système tontinier pour financer des petits projets, acheter des biens
et surtout régler des problèmes ponctuels (Hedi, 2016).
v Au Sénégal
Le système tontinier sénégalais tire ses
origines des regroupements d'entraide basée sur le travail physique de
groupe (labour, construction d'une maison...). Selon Nzeumen (1993), la
monétarisation de ces derniers va se manifester en raison des
difficultés d'accès des
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populations sénégalaises à faible
revenus au crédit bancaire local calqué sur le model occident.
L'influence de l'islam et l'importance des relations sociales auraient
également influencé leur monétarisation (Dromain,
1989).
Une enquête réalisée en 1985 par le
ministère sénégalais de l'habitait estimait à 89%
le taux de participation aux AREC par les ménages
sénégalais. De même, l'enquête ressort l'existence de
trois types de tontines au Sénégal à savoir : la tontine
financière pour la réalisation des projets à visé
économique ; la tontine commerciale qui représente une caisse
d'épargne utile aux vendeurs ; et la tontine mutuelle basé sur la
distribution rotative de l'épargne entre les participants utile pour
gérer les charges familiales.
Aujourd'hui, l'importance des AREC sénégalaise
n'est plus à démontrer. L'existence et le succès du
système tontinier au Sénégal doivent semble-t-il,
être attribués à un phénomène d'exclusion
relative d'une très large fraction des populations des circuits
financiers modernes. Ainsi la force actuelle du système tontinier
sénégalais réside dans leur mode d'organisation. Les
caractéristiques du système culturel et économique
environnant constituent également un point fort de ses regroupements
(Lelart, 1990).
v Cameroun
Le Cameroun est incontestablement l'un des pays en Afrique
centrale où la pratique des systèmes tontiniers est le plus
répandu. Connu sur le non de « Djanguis », ils sont des
pratiques extrêmement vielles et très âgées, un pur
produit de la société camerounaise africaine. L'économiste
camerounais Nzeumen (1988) situe leur origine au Cameroun dans les
sociétés traditionnelles marquées par un esprit
communautaire de solidarité et d'entraide réciproque. Le but de
ces regroupements était la promotion de la sécurité
sociale des membres, la recherche de la sécurité et de la
promotion sociale des membres. Dans un contexte économique marqué
par l'absence de structures de financements formels, il était question
de réunir les ressources financières nécessaires au
financement du développement de ces sociétés.
Dans leur forme primitive, ils ont tourné autour
d'échange de travaux productifs et de denrées alimentaires. Les
membres réunis sous le sceau de l'amitié se devaient mutuellement
soutien et assistance. Leur monétarisation est apparue dans
l'ouest-Cameroun avant la colonisation où les transactions se faisaient
en cauris, en perle, en manilles ou en tringles de laiton (Henry et al. 1991).
C'est au tournant des années 1980 avec la crise bancaire qui avait
profondément affaibli le Cameroun que les systèmes tontiniers
vont connaitre un essor considérable avec pour fondement la
solidarité, le culte de l'effort, la réalisation de soi... qui
ont contribué à leur pérennité. La tontine
camerounaise tire aussi son origine de la période
40
précédent la traite négrière, au
cours de laquelle des formes de tontine ont pris naissance (Ngeubou et al.
2002).
Au Cameroun, c'est surtout dans la culture «
Bamiléké » plus connu en langue vernaculaire sous le nom de
« tchoua'ah » que la perception et l'importance du
système tontinier est prépondérant. Comme le souligne
Kemayou & al. (2011 : 169) « Leur importance est telle qu'il est
presque difficile de voir cette communauté dans une région sans
la pratique d'une tontine ». Cette pratique se transmet de
père en fils et fait partie des richesses léguées en
héritage. Ayant conservé leurs valeurs d'antan, elles se
caractérisent aujourd'hui par une action de solidarité visant
à aider un membre en difficulté ou financer les projets
collectifs ou individuels. Ces regroupements sont désormais
convoités par la majorité des hommes d'affaires et grands
commerçants d'origine bamiléké qui y transitent des
centaines de milles (Brillet, 2012).
Aujourd'hui le système tontinier est pratiqué
en Afrique et au Cameroun par plusieurs catégories d'acteurs et sous
diverses formes en fonction des besoins de ces derniers.