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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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I.3.2. Augmentation du cheptel et réduction des territoires d'élevage

Le territoire dédié à l'élevage s'est fortement transformé au cours des dernières décennies. Le cheptel a augmenté sans modification notable dans le système d'élevage. Les parcours de transhumance se sont considérablement rétrécis à l'Extrême-Nord et s'étendent eux aussi vers la vallée de la Bénoué où le nombre de bovins par habitant est déjà assez élevé (Dugué et al., 1994). Depuis une trentaine d'années, la densité en bovins détenus par les Peul s'est accrue du fait du croît naturel mais aussi d'un flux migratoire d'éleveurs Mbororo venant du Nigeria. De plus, la proximité de la ville de Garoua où nombre de fonctionnaires et de notables locaux ont capitalisé une part de leurs revenus dans l'élevage, y augmente encore les densités animales et partant, les conflits avec les agriculteurs. Ainsi, l'augmentation des effectifs des bovins et l'accroissement des surfaces cultivées ont engendré la réduction des territoires d'élevage.

L'élevage des ruminants (bovins principalement) en pleine expansion, est pratiqué par différentes catégories sociales : éleveurs Mbororo et Fulbé qui possèdent la majorité du bétail bovin, agriculteurs producteurs de céréales et de coton dont les troupeaux sont de petite taille et de fonctionnaires et commerçants qui confient leurs troupeaux aux éleveurs. Les effectifs du cheptel sont en augmentation alors que les superficies pâturables ont fortement régressé. Elles sont passées pour la Région du Nord de 7 millions d'hectares pour 160 000 têtes de bovins en 1974 à 3,5 millions d'hectares en 1996 pour un effectif 8 fois plus important de bovins. Ce chiffre va crescendo tandis que les surfaces continuent de diminuer. L'élevage pratiqué par les éleveurs peuls semi-sédentaires ou transhumant est conduit de façon extensive sans recourir à la culture fourragère, ni à l'achat massif d'aliments du bétail ou à la mise en défens des parcours les plus dégradés. Il s'appuie d'une part sur le prélèvement par les troupeaux de ressources fourragères « collectives », non appropriées par des individus - vaine pâture après les récoltes, parcours naturels exondés et de bas-fonds - et d'autre part, sur la mobilité du bétail au cours de l'année. En zone de surcharge en bétail, on peut considérer que ces systèmes d'élevage se caractérisent par une exploitation minière des ressources pastorales dont la dégradation peut être exacerbée par les feux de

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brousse. La saturation de l'espace suite à l'extension des cultures au détriment des pâturages, rend difficile la coexistence de l'agriculture et de l'élevage sur ces territoires. La concurrence et les conflits pour l'accès aux ressources agropastorales se multiplient et l'avenir du pastoralisme est incertain (Dongmo et al., 2009). Les éleveurs utilisent divers types de territoires pour leurs activités : les territoires d'attache, les territoires proches pour la petite transhumance et les territoires lointains pour la grande transhumance (Kossoumna Liba'a, 2008).

La plupart des techniciens chargés d'élaborer et de mettre en oeuvre les politiques foncières ont longtemps avancé l'appropriation individuelle (et l'arrêt de la transhumance) comme condition de développement du secteur d'élevage. L'état actuel des travaux de la recherche fournit des éléments nouveaux et la condamnation des utilisations communautaires des parcours. De même des principes considérés comme les piliers du pastoralisme (capacité de charge, dégradation...) sont remis en cause ou du moins relativisés (Scoones, 1999 ; Onana, 1995). Une étude de Boutrais (1978) notait déjà que « les éleveurs ne possèdent pas leurs pâturages et n'ont jamais l'assurance de pouvoir y rester longtemps. L'incertitude foncière entrave tout investissement quelconque des éleveurs, aussi bien dans leur habitat que dans leurs pâturages. Régler le problème foncier des pâturages représente le préalable indispensable à toute amélioration de l'élevage traditionnel... ».

Malgré de nombreux échanges entre les communautés d'éleveurs et d'agriculteurs (travail, matériel, produits, etc.), l'amélioration de productivité et de la gestion des parcours bornés de petite surface et des grands parcours n'a pu se faire. Ce manque de collaboration s'explique en partie par le poids inégal qu'occupe l'élevage au sein des deux communautés. Les agriculteurs cherchent d'abord à accroitre leur surface cultivée sans par exemple envisager de valoriser l'excédent de fumure animale produit par les animaux des éleveurs lors des parcages sur l'espace de pâturage.

Par contre, les éleveurs veulent préserver un vaste espace de parcours, capable au moins d'accueillir toute l'année une partie du troupeau pour la production de lait. Les comités de gestion mis en place par les projets de développement ou d'appui à la gestion des territoires ruraux (DPGT, GESEP, APESS, PDOB...) pour le maintien des

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parcours sécurisés n'apparaissent pas comme un dispositif de gestion stable, performant et confirmé à moyen et long terme. Ce qui montre que la situation pastorale ne peut pas s'améliorer avec des règles subsidiaires créées par des projets malgré leur engagement et leur efficacité en dehors du cadre législatif. Vu la faiblesse des superficies de parcours sécurisés en question et les difficultés techniques et sociales pour en améliorer la productivité, la transhumance apparait incontournable pour les éleveurs de cette région.

La durabilité basée sur le maintien de la transhumance reste aujourd'hui fonction, d'une part du règlement de l'insécurité des biens et des personnes et d'autre part, de la capacité des éleveurs à s'organiser collectivement pour revendiquer des espaces suffisants en y assurant la gestion des ressources naturelles pastorales. Cette situation est exacerbée par l'omniprésence des autorités traditionnelles dans la gestion des territoires ruraux.

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