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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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I.3.3. Omniprésence des autorités traditionnelles

Au Nord-Cameroun, il existe dans les faits une prééminence du droit traditionnel sur la législation foncière de l'État. C'est pour cela que les espaces de pâturage où les éleveurs vont en transhumance sont coutumièrement gérés par les chefferies et les sarkin saanou y sont omniprésents. Ainsi, même si la législation foncière camerounaise existe depuis 1932, elle n'empêche pas la prédominance du droit coutumier sur le droit « moderne » en zone rurale18 : la terre appartient au laamii'do qui en concède l'usage à ses sujets à condition de payer l'impôt traditionnel sur les revenus des ruraux, la zakkat19 et dans certains cas, ils prélèvent des taxes sur le commerce des produits vivriers (céréales, arachide) (Beauvillain, 1989).

18 La colonisation européenne va instaurer une administration étatique au-dessus des lamidats pour la gestion de l'ensemble du territoire tout en laissant le contrôle foncier aux lamibé (Ndembou, 1998).

19 Aumône légale instituée par le Coran. Normalement, la zakkat doit être prélevée pour constituer un grenier public et distribuée aux indigents en cas de nécessité. Elle a été depuis longtemps détournée pour n'être plus qu'une redevance versée au profit du laamii'do. Le paiement de la zakkat est une forme d'allégeance au laamii'do (Seignobos et Tourneux, 2002). Dans le lamidat de Tchéboa par exemple, chaque chef d'exploitation doit, pour la culture du coton, payer entre 1 000 et 5 000 Fcfa suivant la superficie plantée et donner entre deux à cinq tasses de céréales suivant l'importance de la production à ce titre. Tout manquement entraîne bastonnade ou réduction autoritaire de l'exploitation concédée (Ndembou, 1998).

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Les autorités coutumières restent dans toutes les situations et aux trois degrés de chefferie une force politique, sociale et décisionnelle à ne pas négliger, et continuent à jouer un rôle fondamental dans l'organisation du territoire, l'État les reconnaissant comme rouage de l'administration du territoire. Ces acteurs gardent notamment un rôle important dans la gestion du foncier (gestion coutumière), le règlement des conflits, l'organisation des déplacements des troupeaux et de la vie économique (taxation des productions agricoles et des ménages via la zakkat). Dans les zones de peuplement hétérogène les populations rurales cherchent à s'émanciper, surtout lorsque le pouvoir coutumier entrave leurs initiatives et les taxent trop fortement. La mise en place des actions du programme et leur chance de réussite nécessitent d'associer les autorités coutumières au plus haut niveau, dans le cadre d'un dialogue constructif et en toute transparence.

En plus de la gestion du foncier rural, le laamii'do et les chefs sous son autorité gèrent la circulation du bétail sur le territoire du lamidat. En contrepartie, le laamii'do doit apporter secours aux plus démunis et aux populations touchées par des accidents climatiques ou des incendies. Plus globalement, il doit faire régner la paix et la bonne entente entre les différents groupes sociaux qui peuplent son lamidat. Cette capacité à contrôler la totalité de son territoire (les activités, l'accès aux ressources naturelles et les flux de biens et de personnes) au besoin en mobilisant ses gardes (daugari), constitue la principale force du laamii'do.

L'insécurité foncière tant pour les agriculteurs que pour les éleveurs constitue une entrave majeure aux politiques de développement et de protection de l'environnement au Nord-Cameroun. La question foncière s'est donc imposée d'elle-même dans cette région et a été progressivement intégrée dans les projets de développement qui ont essayé de la résoudre mais avec peu de succès. Aujourd'hui, elle a été momentanément délaissée parce qu'elle est complexe et que les projets n'ont pas encore trouvé de solution simple pour la résoudre : les accords locaux entre acteurs ont beaucoup de mal à se maintenir après l'arrêt des projets (Raimond et al., 2010). C'est ainsi que agriculteurs ou éleveurs n'ont aucune emprise définitive sur les terres car elles sont gérées par les autorités coutumières dites « autochtones » qui ravivent les mises à

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distances des migrants. L'État est supposé dominer le système foulbé et donner la mesure des choses en même temps qu'il intervient dans la plaine pour permettre aux chefs de famille de produire plus pour vivre mieux, ce qui dérange les potentats locaux, peu favorables à la promotion des populations qu'ils contrôlent. Ne pouvant désobéir à la hiérarchie foulbé pour bénéficier du développement promu par un État qui ne les protège pas, ils vivent donc, au jour le jour, d'autant plus que le climat reste erratique pour une agriculture non irriguée. Dans ce contexte, les larges zones exclusives à la biodiversité subit les assauts permanents et soutenus des agriculteurs et des éleveurs.

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