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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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I.3.1. Migrations et augmentation des surfaces agricoles

Les surfaces dédiées à l'agriculture sont en constante augmentation à cause de l'accroissement de la population rurale due au croît naturel et aux migrations. En effet, la croissance démographique et l'ouverture du Nord-Cameroun aux marchés régionaux et internationaux ont fortement modifié le fonctionnement des sociétés rurales (Roupsard, 1987). Dès les années 1950, le colonisateur se distingue par une volonté de promouvoir la mise en valeur économique de la région par l'introduction notamment des cultures de rente parmi lesquelles le coton et l'arachide. C'est dans ce souci que la CFDT (Compagnie Française pour le Développement des Textiles) va apparaître au Nord-Cameroun. Les populations païennes des plaines et des rives du Logone vont ainsi bénéficier de programmes de formation et de vulgarisation agricoles, auxquelles

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vont venir s'adjoindre l'extension de la scolarisation et l'évangélisation. Certains groupes qui se trouvaient nombreux sur un espace pauvre et exigu vont également être déplacés de gré ou de force. Pendant le premier plan quinquennal (1960-1965), on s'est soucié dans la région septentrionale, de rééquilibrer population et ressources par le biais de petits projets (Ndembou, 1998).

Les performances cotonnières, compromises par les sécheresses des années 1970, vont obliger cependant l'État à déplacer le pôle géographique de la culture du coton vers la vallée de la Bénoué où les densités à ce moment-là étaient inférieures à 20 habitants/km2. Entretemps, la CFDT devient une société nationale (SODECOTON) avec le déplacement de la Direction Générale de Kaélé (Extrême-Nord) à Garoua dans le Nord. De plus, à partir des années 1980, les terroirs de l'Extrême-Nord vont se dégrader et se saturer. Dans les Monts Mandara par exemple, les densités atteignent 50 à plus de 100 habitants/km2. C'est pour cela que, dans le souci de corriger l'inégale répartition de la population dans le Nord et l'Extrême-Nord par rapport aux ressources naturelles et faire mettre en valeur les immenses réserves foncières, l'administration camerounaise va favoriser et même provoquer les déplacements de certains groupes ethniques (Toupouri, Massa, Guiziga, Guidar, Moundang, Mafa, Mofou...) vers le bassin de la Bénoué.

L'Etat du Cameroun a toujours joué un rôle important dans les déplacements des hommes et de leurs biens à travers les instances publiques de gestion et d'aménagement du territoire rural. C'est ainsi qu'une Mission d'Étude pour l'Aménagement de la Vallée Supérieure de la Bénoué (MEAVSB) va être créée en 1974 pour organiser et encadrer les migrations à travers les projets Nord-Est Bénoué (NEB16) et Sud-Est Bénoué (SEB) qui vont déplacer plus de 100 000 personnes entre 1974 et 1986 (Koulandi, 1986).

16 Le NEB a fait reposer toute son action sur la mise en place d'une infrastructure avec comme élément clé le pont sur le Mayo Kebbi qui, en 1975, ouvrait les espaces des lamidats de Bé et de Bibémi, et sur le déplacement des populations de l'Extrême-Nord. Dès le début, le suivi des migrants n'a pas été sérieusement pris en compte. Par la suite et jusqu'à la fin du NEB en 1993, le projet a déchiffré et identifié entre 90 000 et 130 000 migrants (Seignobos, 2002).

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Le flux migratoire, une fois amorcé, induit ensuite son propre flux. Les premiers arrivés donnent l'information à ceux restés au pays, fournissent les moyens de déplacement et d'hébergement à l'arrivée. C'est ainsi que de 1986 à nos jours, au flux organisé des migrants a ensuite suivi un flux spontané, de plus en plus important, faisant toujours courir le risque pour les zones d'accueil d'une « crise migratoire » car des seuils d'acceptabilité n'ont jamais été définis, ni par les encadrements de projets, ni par les administrations concernées (Seignobos, 2002). Ces migrations sont favorisées par l'État, la SODECOTON et certaines ONG comme le Comité Diocésain de Développement (CDD) qui réfectionnent une ancienne piste des troupeaux ou une route temporaire17, ouvre une pénétrante à partir d'un axe principal, jusqu'à un site éventuel d'installation des populations, crée un point d'eau, une école ou un centre de santé... Ainsi, depuis 1976, le bassin de la Bénoué connaît une augmentation régulière du nombre de migrants « spontanés ». La population a presque doublé entre 1976 et 1987 grâce à un taux de croissance annuelle d'environ 3,5% et un taux d'immigration de 2,8% (Bonifica, 1992). Dans certains villages, la proportion des migrants avoisine 70% de la population totale (Boutinot, 1995). Le croît démographique annuel en milieu rural entre 1980 et 2000 est ainsi estimé pour la région du Nord à 6% dont 3% environ de croît naturel et l'équivalent lié aux flux migratoires.

Aujourd'hui, la densité de population rurale du Nord-Cameroun dépasse 50 habitants/km2 avec certaines zones à plus de 100 habitants/km2 (Dongmo, 2009). Ces évolutions ont entraîné une forte concurrence entre ces différents acteurs (notamment agriculteurs et éleveurs) pour l'accès aux ressources naturelles. La culture continue sans pratique de la jachère s'est généralisée. Ce qui engendre une forte dégradation des terres agricoles et des parcours (baisse de fertilité du sol, prolifération d'adventices et de plantes non appétées par le bétail).

17 Par exemple la route Ngong-Tchéboa-Touroua. Avant 1985, cette route n'était praticable qu'en saison sèche (entre octobre et juin). La SODECOTON (Société d'État) entreprend sa réfection pour la rendre permanente à partir de cette date.

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