I.2.4. Problème de gouvernance
La crise s'observe aussi en termes de gouvernance avec la
dualité des décideurs, publics et coutumiers, dont certains
perçoivent des taxes non officielles pour la résolution de
conflits, le passage et la vente du bétail et les droits de
transhumance. En effet, les dépenses annuelles liées aux diverses
taxes traditionnelles souvent arbitraires sont importantes pour les
éleveurs mbororo potentiellement riches en bovins. La zakkat
constitue la plus courante. Celle qui est versée au Laamii'do
est appelée jomorngol laamii'do ou hacce leddi
(droit de la terre du Laamii'do). Par ailleurs, les
éleveurs mbororo s'acquittent régulièrement des collectes
ponctuelles (umroore
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laamii'do) qu'impose le Laamii'do aux
habitants de son territoire lors d'un événement dans son
lamidat (funérailles, fêtes, réception d'une
autorité...), mais aussi pour la réfection de sa clôture,
des murs de ses concessions... Sur le plan administratif et officiel, tous les
éleveurs mbororo paient l'impôt forfaitaire annuel de 3 500
FCFA/an par adulte actif. À cela, il faut ajouter des taxes sur
l'élevage comme la taxe de transhumance, le laissez-passer sanitaire, la
taxe d'inspection sanitaire, la taxe de marché pour la commune. Les
Mbororo sont également taxés pour défaut de fosse septique
par le Service d'Hygiène.
Le Nord-Cameroun se trouve actuellement dans un contexte
où la question de la gestion et de l'organisation du territoire rural
est devenue un enjeu majeur à la fois pour les acteurs (agriculteurs,
éleveurs, lobbies environnementaux...) et pour les structures publiques,
parapubliques et non gouvernementales en charge de cette gestion. La
réduction des inégalités, la recherche d'une plus grande
équité et la préservation des ressources naturelles
(conservation de la biodiversité, maintien du potentiel productif des
territoires) sont devenus des impératifs qui impliquent la mise en place
de nouvelles modalités de gouvernance territoriale.
I.3. Pression permanente sur les territoires de
mobilités pastorales
Le territoire rural au Nord-Cameroun est occupé
principalement par l'agriculture, l'élevage et l'entretien de la
biodiversité (faune sauvage des aires protégées et
accessoirement la biodiversité liée à toutes les
activités de l'homme) qu'il convient de présenter avec leurs
contraintes et défis (Figure 5).
Augmentation du cheptel
![](Les-territoires-de-mobilite-pastorale-Quelle-mobilite-dans-un-contexte-de-pression-sur-le-t10.png)
PRESSIONS SUR LES TERRITOIRES DE MOBILITÉS
PASTORALES
- Occupation de plus de 45% de la région
- Interdiction de pâturage dans ces zones
- Convoitise par les éleveurs transhumants et
sédentaires - Manque d'intérêt des populations riveraines
dans le projet de conservation
Présence des aires
protégées
Omniprésence des autorités
traditionnelles
- Prééminence des droits traditionnels sur la
législation foncière de l'Etat
- Gestion coutumière des espaces de pâturage
- Accès aux territoires pastoraux conditionnés par
le paiement de l'impôt traditionnel
- Renégociation de l'accès aux parcours
- Rôles prépondérant dans le
règlement des conflits ruraux
- Ingérence dans l'organisation des déplacements
des troupeaux
- Efficacité relatives des comités de gestion
des parcours mis en place par les projets
- Réduction constante des territoires d'élevage
- Dégradation des parcours
- Multiplication des acteurs pratiquants l'élevage
- Concurrences et conflits pour l'accès et le
contrôle des ressources agropastorales - Difficulté
d'amélioration de la productivité des parcours
Migrations permanentes
- Seuil migratoire dans les zones d'accueil
non défini
- Augmentation de la population
- Accroissement des surfaces agricoles
- Dégradation des terres agricoles et
pastorales
- Multiplication des conflits agriculteurs/éleveurs
Insécurité foncière en milieu
rural
- Revendications foncières concurrentes et litiges aux
issues parfois tragiques
- Blocage des processus de renouvellement des parcours
naturels
- Accaparement rapide et individualisé des
ressources
- Rareté d'instances légitimes d'arbitrage et
confusion des responsabilités en matière foncière
- Persistance de conflits non résolus
- Augmentation des dépenses des faveurs d'arbitres
improbables
- Repli sur l'ethnie et éloignement du citoyen envers le
projet de nation
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Figure 5. Pressions et contraintes sur les
territoires de mobilité pastorale
De nombreuses pressions et contraintes pèsent sur les
territoires de mobilité pastorale : migrations permanente,
insécurité sur le foncier rural, augmentation du cheptel bovin,
omniprésence des autorités traditionnelles, présence des
aires protégées.
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