I.2.3. Crise sociale
Quant à la crise sociale, elle est de deux ordres.
D'abord par l'accroissement de la fréquence des conflits entre
éleveurs et agriculteurs qui constituent pour tous une perte de temps,
d'argent et de production sociale. Au cours de chaque saison des pluies, des
conflits opposent les agriculteurs et les éleveurs mbororo pour le
respect des espaces délimités et réservés au
pâturage (hurum). Ces conflits sont provoqués par le fait
que les agriculteurs n'ont pas cessé d'y cultiver. Or, les espaces
réservés aux bétails appartiennent en principe autant aux
éleveurs qu'aux agriculteurs. Mais, les éleveurs sont plus
engagés dans la préservation de ces espaces parce qu'ils ont plus
d'animaux que les agriculteurs. S'estimant dans leurs droits, ils ne se privent
pas d'y pâturer. Malgré les conventions locales mises en place,
rien n'est fait à l'encontre des agriculteurs qui cultivent les parcours
et les pistes. Lorsque des dégâts sont perpétrés
dans les champs, les agriculteurs portent plainte surtout auprès des
autorités traditionnelles qui ne se privent pas de
légiférer afin de bénéficier des avantages
liés aux règlements des litiges.
La crise sociale est également interne aux
communautés d'éleveurs en particulier chez les jeunes qui ne
souhaitent plus passer tout leur temps à berger les troupeaux. Au sein
même des sociétés nomades, l'élevage mobile est de
plus en plus considéré comme une activité pénible
et fort contraignante, que la plupart des jeunes n'ont aucun désir
d'entreprendre. De plus, le travail de berger est dévalorisé dans
les sociétés rurales. Ces travailleurs sont en effet mal
payés (5 000 FCFA par mois environ ou un veau
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après 5 mois de travail) et assez souvent mal
considérés par les habitants. Certaines personnes ne voient en
eux que de simples manoeuvres sans instruction. Les fils de paysans non-peuls
cessent de faire ce travail après 18 ans. Ils préfèrent
cultiver la terre et se marier. Par contre, les Mbororo continuent plus
volontiers ce travail passé l'âge de 20 ans, sans doute par
goût et aptitude mais aussi par manque d'autres opportunités
professionnelles. Les membres des nouvelles générations qui
acceptent de rester et de vivre de l'élevage sont cependant de moins en
moins nombreux. Beaucoup prennent goût aux « lumières de la
ville », y cherchent du travail salarié ou non et entreprennent des
activités non pastorales (location de maisons, moto taxi, taxi brousse,
commerce...).
Le recours à des bergers parfois non issus de la
communauté d'éleveurs devient fréquent et affecte les
performances des troupeaux et la gestion rationnelle des pâturages. En
effet, il se pose le problème de transmission des pratiques et modes de
gestion traditionnelle des parcours. Les bergers salariés, dont un
nombre croissant ne sont plus des Peuls, sont en effet moins outillés et
moins motivés pour la préservation des parcours et de leurs
ressources naturelles que les anciens bergers Peuls. Leurs connaissances
traditionnelles des plantes et de la nature sont insuffisantes. Le risque
majeur de cette distanciation entre la conduite du troupeau et les autres
activités (agriculture, commerce du bétail) est l'absence de
contrôle et de gestion des grands parcours pourtant essentiels au
maintien de la transhumance, et donc aux systèmes d'élevage
extensifs.
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