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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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I.2.3. Crise sociale

Quant à la crise sociale, elle est de deux ordres. D'abord par l'accroissement de la fréquence des conflits entre éleveurs et agriculteurs qui constituent pour tous une perte de temps, d'argent et de production sociale. Au cours de chaque saison des pluies, des conflits opposent les agriculteurs et les éleveurs mbororo pour le respect des espaces délimités et réservés au pâturage (hurum). Ces conflits sont provoqués par le fait que les agriculteurs n'ont pas cessé d'y cultiver. Or, les espaces réservés aux bétails appartiennent en principe autant aux éleveurs qu'aux agriculteurs. Mais, les éleveurs sont plus engagés dans la préservation de ces espaces parce qu'ils ont plus d'animaux que les agriculteurs. S'estimant dans leurs droits, ils ne se privent pas d'y pâturer. Malgré les conventions locales mises en place, rien n'est fait à l'encontre des agriculteurs qui cultivent les parcours et les pistes. Lorsque des dégâts sont perpétrés dans les champs, les agriculteurs portent plainte surtout auprès des autorités traditionnelles qui ne se privent pas de légiférer afin de bénéficier des avantages liés aux règlements des litiges.

La crise sociale est également interne aux communautés d'éleveurs en particulier chez les jeunes qui ne souhaitent plus passer tout leur temps à berger les troupeaux. Au sein même des sociétés nomades, l'élevage mobile est de plus en plus considéré comme une activité pénible et fort contraignante, que la plupart des jeunes n'ont aucun désir d'entreprendre. De plus, le travail de berger est dévalorisé dans les sociétés rurales. Ces travailleurs sont en effet mal payés (5 000 FCFA par mois environ ou un veau

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après 5 mois de travail) et assez souvent mal considérés par les habitants. Certaines personnes ne voient en eux que de simples manoeuvres sans instruction. Les fils de paysans non-peuls cessent de faire ce travail après 18 ans. Ils préfèrent cultiver la terre et se marier. Par contre, les Mbororo continuent plus volontiers ce travail passé l'âge de 20 ans, sans doute par goût et aptitude mais aussi par manque d'autres opportunités professionnelles. Les membres des nouvelles générations qui acceptent de rester et de vivre de l'élevage sont cependant de moins en moins nombreux. Beaucoup prennent goût aux « lumières de la ville », y cherchent du travail salarié ou non et entreprennent des activités non pastorales (location de maisons, moto taxi, taxi brousse, commerce...).

Le recours à des bergers parfois non issus de la communauté d'éleveurs devient fréquent et affecte les performances des troupeaux et la gestion rationnelle des pâturages. En effet, il se pose le problème de transmission des pratiques et modes de gestion traditionnelle des parcours. Les bergers salariés, dont un nombre croissant ne sont plus des Peuls, sont en effet moins outillés et moins motivés pour la préservation des parcours et de leurs ressources naturelles que les anciens bergers Peuls. Leurs connaissances traditionnelles des plantes et de la nature sont insuffisantes. Le risque majeur de cette distanciation entre la conduite du troupeau et les autres activités (agriculture, commerce du bétail) est l'absence de contrôle et de gestion des grands parcours pourtant essentiels au maintien de la transhumance, et donc aux systèmes d'élevage extensifs.

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