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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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V.3.6.2. Concertation au niveau communal

Identification ou création des comités communaux

Il s'agira dans un premier temps d'identifier ou de créer des comités communaux de concertation. De nombreuses communes se sont déjà dotées de structures de concertation, dans le cadre de projets précédents : CCPA (commission communale de planification et d'aménagement) et commission technique pour le projet PDOB ; CPAC (Comité paritaire d'approbation et de supervision au niveau communal.) et commission technique d'aménagement pour le projet PNDT ; commission technique d'aménagement du territoire et sous-commission technique (agriculture, élevage, forêt et environnement) pour le PDUGT ; commission consultative de règlement des litiges ; Agents de développement recrutés dans le cadre du PNDP.

Il s'agira, dans la mesure du possible, d'éviter de créer des nouvelles structures (qui ne manqueraient pas d'être perçues comme des comités d'un autre projet s'ajoutant aux structures existantes) et d'utiliser, en les adaptant autant que faire se peut aux besoins d'une véritable concertation locale. On ne peut néanmoins exclure que dans certains cas de nouvelles structures communales devront être créées, soit parce qu'il n'existe pas de structure existante fonctionnelle, soit parce qu'elles auront été discréditées auprès de certains acteurs incontournables, soit parce que les règles de fonctionnement des structures existantes ne peuvent être adaptées pour en faire de véritables structures de concertation.

Le comité de concertation communal s'attachera à réunir des représentants des diverses autorités et catégories socio-professionnelles existantes : administration territoriale (sous-préfet), chefferie traditionnelle, élus communaux, représentants des agriculteurs et des éleveurs, forestiers, garde-chasse, transhumants... Au fur et à mesure du choix des villages, des représentants de ces derniers seront intégrés. Le choix des membres sera le fruit d'une concertation entre les autorités et l'instance de gestion des actions à mener.

La nature du Comité de concertation est dans un premier temps obligatoirement ambigu : c'est d'abord un forum ; c'est aussi une commission, lieu d'instruction et d'analyse de situations complexes ; mais c'est aussi probablement une arène, un lieu de

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décision informelle. Ce choix n'est pas orthodoxe mais il est nécessaire pour garantir l'accord entre les « quatre pouvoirs » : société civile, chefferie, Commune, administration. Le comité préparera la décision formelle qui, en l'absence de texte, pourrait être constituée d'une délibération du conseil communal, contresignée par les autorités traditionnelles et administratives.

Le nombre des participants aux commissions doit, dans un premier temps, être estimé en fonction d'un équilibre recherché entre l'exhaustivité et l'efficacité. Dans la fonction forum, un plus grand nombre est recherché pour assurer la diffusion des idées. Dans la fonction commission, la délégation à un petit groupe et surtout aux comités villageois sera recherchée. Dans la fonction « décision informelle », l'intérêt est que les accords entre les trois pouvoirs soient contrôlés par des représentants.

Contenu de la concertation au niveau communal

Le comité effectuera un réel travail :

- réalisation du zonage ;

- propositions de choix de villages ;

- validation de l'ensemble des plans villageois ;

- validation des schémas de cohérence communale ;

- instruction et validation des plans intra-villageois et intercommunaux.

Il jouera un rôle de premier plan dans la délimitation des pistes de moyenne et grande transhumance (qui traversent plusieurs villages d'une même commune et parfois plusieurs communes). Il assurera le suivi de la réalisation des plans villageois tout au long du déroulement de l'action de concertation. Il pourra également se saisir de la problématique foncière. Le rôle du comité ne peut être déterminé et limité à l'avance : il évoluera, selon les dynamiques propres à chaque commune, et en fonction des forces en présence et des conditions locales.

Un animateur communal aura pour responsabilité d'organiser et de faire vivre la concertation communale. Benkahla et Hochet (2013) précisent que dans une négociation, le métier d'animateur (ou de facilitateur) consiste à savoir accompagner la recherche de solutions à des problèmes, par des acteurs qui sont dans des positions

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différentes et ont des intérêts différents. Cela passe par des discussions individuelles ou collectives pour comprendre comment se pose le problème pour les différents groups d'acteurs concernés, par l'animation de rencontres et de discussions qui permettent de débattre des problèmes et des solutions possibles, tout en assurant la prise de parole de tous et en respectant les façons locales de s'exprimer et de négocier (les cadres sociaux de la négociation) tout en assurant la prise de parole de tous. L'animateur a une fonction d'aide à la recherche de solutions par les acteurs concernés, et non un rôle d'expert qui propose ses solutions. Or les agents de développement tendent spontanément à jouer ce rôle d'expert. Agir en tant que facilitateur suppose un positionnement et une sensibilité particulière, parfois un apprentissage spécifique.

Une des premières tâches du comité de coordination communal sera de réaliser un zonage à dire d'acteurs. La méthode de zonage proposée s'appuie sur les connaissances que les acteurs locaux et régionaux ont de leur territoire. Cette connaissance est confrontée avec les documents cartographiques existants. Il s'agit de formaliser l'ensemble de ces connaissances pour délimiter les villages et les zones « affectées » (zones d'habitation, zones agricoles, zones pastorales, zones de chasse, zones de conservation...).

Le zonage à dire d'acteur permet l'établissement rapide d'une première organisation de l'espace qui peut donner de la cohérence aux actions au niveau villageois.

Cas spécifique des couloirs de transhumance

Pour le cas spécifique des couloirs de transhumance, la délimitation des pistes à bétail constituera un des points d'application principaux du zonage au niveau communal. La question des pistes à bétail et des couloirs de grande transhumance peut cependant concerner plusieurs terroirs et souvent plusieurs communes. Son traitement implique de travailler à plusieurs échelles. Les deux échelles retenues (village et commune) ne suffisent pas. La délimitation de ces zones sera effectuée au niveau intercommunal et au niveau des lamidats, en forte liaison avec les équipes techniques des services de l'élevage. Ces couloirs ainsi définis seront repris dans les plans communaux et les plans villageois.

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V.3.6.3. Concertation au niveau du village

Sélection des villages d'intervention

Le choix des villages d'intervention se fera conjointement par l'instance de coordination des actions de concertation et le comité communal et devra être validé par le conseil communal.

Les villages retenus devront avoir fait acte de candidature avec l'appui de la chefferie locale, selon des modalités qui seront définies dans le guide méthodologique. Le choix pourra porter sur des groupes de villages ayant accès à des ressources partagées, afin d'éviter une trop grande dispersion dans la commune. Le zonage à dire d'acteur réalisé dans l'étape précédente sera utilisée. Le choix final des villages retenus reviendra aux communes.

Création des comités villageois

La création du comité villageois de concertation répondra aux mêmes règles que pour le niveau communal et réunira des représentants des diverses autorités et catégories socio-professionnelles existantes44. Les autorités seront les chefs de terre, les chefs de villages et les chefs de quartiers (leurs représentants). La représentation sera faite sur une double base catégorielle et géographique. La composition du comité se fera sur la base du volontariat. Une assemblée villageoise sera convoquée pour présenter le projet, les travaux et les fonctions du Comité villageois. La présentation sera faite conjointement par les membres du comité communal de concertation et les animateurs. Quelques critères pour la composition du Comité (taille, nombre, principales caractéristiques) seront fournis. Après la sensibilisation et les concertations internes, une nouvelle assemblée générale validera les candidatures reçus.

Élaboration d'un diagnostic villageois

À partir de l'analyse de données secondaires et d'enquêtes auprès des villageois, le diagnostic synthétise les données sur la population, les marchés, les systèmes de production, les potentialités, les problèmes et contraintes. Il caractérise l'occupation

44 Comme pour les comités communaux, on s'attachera, dans la mesure du possible, à travailler avec des comités villageois existants, dans la mesure où leur mode de fonctionnement est compatible avec les objectifs de concertation.

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actuelle de l'espace, la répartition spatiale des activités d'élevage et d'agriculture, les investissements existants. Une typologie classifie les producteurs en grands groupes, en fonctions de leur stratégie d'utilisation et de leurs accès aux ressources naturelles.

Les contraintes, potentialités et problèmes sont identifiés. Les problèmes sont hiérarchisés et les « solutions proposés par les acteurs » sont recensés. L'évaluation de « l'état » des ressources naturelles est réalisée. Un diagnostic institutionnel (la gouvernance45) est élaboré. Il met en évidence les processus de prise de décision et de résolution de conflits, toujours complexes.

Le diagnostic sera réalisé par le comité de concertation avec la participation active des responsables techniques régionaux en matière d'élevage, d'agriculture, de cadastre. Les résultats seront présentés à la fois aux villageois et au comité de concertation communal.

Reconnaissance des limites territoriales et des vocations des sols

Un premier travail à réaliser est la délimitation des espaces villageois. Ce travail est réalisé sous la supervision du comité de concertation communal en réunissant les différents comités de coordinations villageois d'une zone ou, si ce comité n'existe pas dans les villages avoisinants, en conviant les autorités de ces villages.

Une deuxième étape est liée à l'affectation des terres, en particulier dans la séparation entre zones agricoles, zones pastorales et pistes à bétail. Les comités de concertation analysent les utilisations actuelles, jugent de leur durabilité46. Après débat, les terroirs et les espaces (agricoles, pastoraux...) seront délimités, avec des « autorités de gestion » clairement identifiées.

Les méthodes de délimitation sont bien connues. La méthode utilisée dans cette action sera définie à partir des acquis des précédents projets (lors de l'atelier méthodologique). Cette délimitation se fait par négociation entre les acteurs, les

45 La gouvernance est souvent définie comme le gouvernement à plusieurs. La définition apparaît particulièrement adaptée aux régions du Nord Cameroun.

46 L'occupation est-elle pertinente ? Doit-on modifier l'affectation des terres ? La production de biomasse est-elle à la hauteur des besoins : alimentation, coton, élevage du village, élevage des transhumants ? Le niveau de pression met-il en péril la fertilité ? Quelles tendances prospectives... (Migration, mobilisation de nouvelles ressources, intensification par le travail...) ?

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aménagements prévus étant un des éléments de cette négociation. Un procès-verbal de négociation est établi. Un relevé de limites est reporté sur une carte. Procès-verbal et carte sont paraphés par les différents acteurs, les autorités (administratives, chefferie et commune) et déposés dans un registre communal. Un bornage est effectué pour matérialiser les limites.

Le plan de délimitation des espaces sera largement diffusé auprès des populations concernées afin d'être pleinement approprié par ces dernières.

Ce plan ne doit pas être considéré comme figé : il pourra évoluer, dans le cadre des mécanismes de concertation, en fonction notamment de l'évolution de la pression sur les ressources.

Programmation des actions de préservation et d'amélioration des ressources

Sur la base du diagnostic précédemment établi, les agents techniques des différents services étatiques (élevage, agriculture, cadastre...) aideront les comités à faire émerger, de façon participative, les actions souhaitables pour améliorer la gestion des ressources agro-pastorales. Il s'agira de mettre en place une véritable approche participative, au cours de laquelle les populations, avec l'appui des techniciens, pourront elles-mêmes concevoir les solutions les mieux adaptées à leur milieu. Cette démarche, novatrice par rapport à celles adoptées au cours des projets DPGT et ESA, sera appuyée par des visites de sites pour permettre aux comités de visualiser les effets des actions possibles et du matériel didactique élaboré par les composantes techniques. Ce matériel didactique décrira la technique, présentera l'intérêt et les avantages espérés. Il s'attachera à identifier avec précision i) les « besoins » en termes de ressources, de travail, de compétences, ii) les conséquences sur le système de production et sa logique (une étable fumière implique des animaux en stabulation...). En croisant ces éléments et le disponible (identifié lors du diagnostic), la programmation définit le champ du travail: que va-t-il être fait ? Pour chacune des zones homogènes, à partir des dynamiques actuelles, des aspirations des populations, des possibilités techniques et en investissements, il s'agit de définir, toujours en concertation avec les populations, de grandes orientations de mise en valeur, puis de préciser les actions à entreprendre.

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En fonction des exigences (espace disponible, organisation, intrants, disponibilités financières, technicité...) et des propositions techniques, le comité définit les lieux et les acteurs les plus adaptés. Le décalage entre les nécessités liées à l'introduction d'une innovation technique et les ressources existantes détermine les appuis nécessaires (appui technique, subvention, appui organisationnel, appui institutionnel...). Des programmes d'actions, détaillés par zones et par types d'exploitants, préciseront les enjeux auxquels les actions répondent, leur faisabilité et les mesures d'accompagnements nécessaires.

Les règles de gestion des espaces et des ressources, nécessaires à la mise en place du plan, sont précisées. Ces règles de gestion, y compris droits de faire valoir seront établies en fonction de deux critères : critères de pertinences (en fonction de l`état des ressources et des systèmes de production) et de légitimité (acceptées à la fois par les populations et par les autorités).

Validation des résultats de la concertation

Les comités de concertation présentent leurs propositions en assemblée villageoise et tiennent comptent ensuite des remarques et suggestions des villageois pour faire les derniers ajustements. Enfin, les plans villageois sont présentés, discutés et adoptés en Conseil communal, après validation par les autorités coutumières47 et administratives. La triple légitimité est nécessaire pour éviter que les mécontents (il y en aura toujours) puissent utiliser les instances de résolutions parallèles que chacune des autorités (maire, préfecture ou chefferies) met en place.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire