V.3.6.2. Concertation au niveau communal
Identification ou création des comités communaux
Il s'agira dans un premier temps d'identifier ou de
créer des comités communaux de concertation. De nombreuses
communes se sont déjà dotées de structures de
concertation, dans le cadre de projets précédents : CCPA
(commission communale de planification et d'aménagement) et commission
technique pour le projet PDOB ; CPAC (Comité paritaire d'approbation et
de supervision au niveau communal.) et commission technique
d'aménagement pour le projet PNDT ; commission technique
d'aménagement du territoire et sous-commission technique (agriculture,
élevage, forêt et environnement) pour le PDUGT ; commission
consultative de règlement des litiges ; Agents de développement
recrutés dans le cadre du PNDP.
Il s'agira, dans la mesure du possible, d'éviter de
créer des nouvelles structures (qui ne manqueraient pas d'être
perçues comme des comités d'un autre projet s'ajoutant aux
structures existantes) et d'utiliser, en les adaptant autant que faire se peut
aux besoins d'une véritable concertation locale. On ne peut
néanmoins exclure que dans certains cas de nouvelles structures
communales devront être créées, soit parce qu'il n'existe
pas de structure existante fonctionnelle, soit parce qu'elles auront
été discréditées auprès de certains acteurs
incontournables, soit parce que les règles de fonctionnement des
structures existantes ne peuvent être adaptées pour en faire de
véritables structures de concertation.
Le comité de concertation communal s'attachera à
réunir des représentants des diverses autorités et
catégories socio-professionnelles existantes : administration
territoriale (sous-préfet), chefferie traditionnelle, élus
communaux, représentants des agriculteurs et des éleveurs,
forestiers, garde-chasse, transhumants... Au fur et à mesure du choix
des villages, des représentants de ces derniers seront
intégrés. Le choix des membres sera le fruit d'une concertation
entre les autorités et l'instance de gestion des actions à
mener.
La nature du Comité de concertation est dans un premier
temps obligatoirement ambigu : c'est d'abord un forum ; c'est aussi une
commission, lieu d'instruction et d'analyse de situations complexes ; mais
c'est aussi probablement une arène, un lieu de
195
décision informelle. Ce choix n'est pas orthodoxe mais
il est nécessaire pour garantir l'accord entre les « quatre
pouvoirs » : société civile, chefferie, Commune,
administration. Le comité préparera la décision formelle
qui, en l'absence de texte, pourrait être constituée d'une
délibération du conseil communal, contresignée par les
autorités traditionnelles et administratives.
Le nombre des participants aux commissions doit, dans un
premier temps, être estimé en fonction d'un équilibre
recherché entre l'exhaustivité et l'efficacité. Dans la
fonction forum, un plus grand nombre est recherché pour assurer la
diffusion des idées. Dans la fonction commission, la
délégation à un petit groupe et surtout aux comités
villageois sera recherchée. Dans la fonction « décision
informelle », l'intérêt est que les accords entre les trois
pouvoirs soient contrôlés par des représentants.
Contenu de la concertation au niveau communal
Le comité effectuera un réel travail :
- réalisation du zonage ;
- propositions de choix de villages ;
- validation de l'ensemble des plans villageois ;
- validation des schémas de cohérence communale
;
- instruction et validation des plans intra-villageois et
intercommunaux.
Il jouera un rôle de premier plan dans la
délimitation des pistes de moyenne et grande transhumance (qui
traversent plusieurs villages d'une même commune et parfois plusieurs
communes). Il assurera le suivi de la réalisation des plans villageois
tout au long du déroulement de l'action de concertation. Il pourra
également se saisir de la problématique foncière. Le
rôle du comité ne peut être déterminé et
limité à l'avance : il évoluera, selon les dynamiques
propres à chaque commune, et en fonction des forces en présence
et des conditions locales.
Un animateur communal aura pour responsabilité
d'organiser et de faire vivre la concertation communale. Benkahla et Hochet
(2013) précisent que dans une négociation, le métier
d'animateur (ou de facilitateur) consiste à savoir accompagner la
recherche de solutions à des problèmes, par des acteurs qui sont
dans des positions
196
différentes et ont des intérêts
différents. Cela passe par des discussions individuelles ou collectives
pour comprendre comment se pose le problème pour les différents
groups d'acteurs concernés, par l'animation de rencontres et de
discussions qui permettent de débattre des problèmes et des
solutions possibles, tout en assurant la prise de parole de tous et en
respectant les façons locales de s'exprimer et de négocier (les
cadres sociaux de la négociation) tout en assurant la prise de parole de
tous. L'animateur a une fonction d'aide à la recherche de solutions par
les acteurs concernés, et non un rôle d'expert qui propose ses
solutions. Or les agents de développement tendent spontanément
à jouer ce rôle d'expert. Agir en tant que facilitateur suppose un
positionnement et une sensibilité particulière, parfois un
apprentissage spécifique.
Une des premières tâches du comité de
coordination communal sera de réaliser un zonage à dire
d'acteurs. La méthode de zonage proposée s'appuie sur les
connaissances que les acteurs locaux et régionaux ont de leur
territoire. Cette connaissance est confrontée avec les documents
cartographiques existants. Il s'agit de formaliser l'ensemble de ces
connaissances pour délimiter les villages et les zones «
affectées » (zones d'habitation, zones agricoles, zones pastorales,
zones de chasse, zones de conservation...).
Le zonage à dire d'acteur permet l'établissement
rapide d'une première organisation de l'espace qui peut donner de la
cohérence aux actions au niveau villageois.
Cas spécifique des couloirs de transhumance
Pour le cas spécifique des couloirs de transhumance, la
délimitation des pistes à bétail constituera un des points
d'application principaux du zonage au niveau communal. La question des pistes
à bétail et des couloirs de grande transhumance peut cependant
concerner plusieurs terroirs et souvent plusieurs communes. Son traitement
implique de travailler à plusieurs échelles. Les deux
échelles retenues (village et commune) ne suffisent pas. La
délimitation de ces zones sera effectuée au niveau intercommunal
et au niveau des lamidats, en forte liaison avec les équipes techniques
des services de l'élevage. Ces couloirs ainsi définis seront
repris dans les plans communaux et les plans villageois.
197
V.3.6.3. Concertation au niveau du
village
Sélection des villages d'intervention
Le choix des villages d'intervention se fera conjointement par
l'instance de coordination des actions de concertation et le comité
communal et devra être validé par le conseil communal.
Les villages retenus devront avoir fait acte de candidature
avec l'appui de la chefferie locale, selon des modalités qui seront
définies dans le guide méthodologique. Le choix pourra porter sur
des groupes de villages ayant accès à des ressources
partagées, afin d'éviter une trop grande dispersion dans la
commune. Le zonage à dire d'acteur réalisé dans
l'étape précédente sera utilisée. Le choix final
des villages retenus reviendra aux communes.
Création des comités villageois
La création du comité villageois de concertation
répondra aux mêmes règles que pour le niveau communal et
réunira des représentants des diverses autorités et
catégories socio-professionnelles existantes44. Les
autorités seront les chefs de terre, les chefs de villages et les chefs
de quartiers (leurs représentants). La représentation sera faite
sur une double base catégorielle et géographique. La composition
du comité se fera sur la base du volontariat. Une assemblée
villageoise sera convoquée pour présenter le projet, les travaux
et les fonctions du Comité villageois. La présentation sera faite
conjointement par les membres du comité communal de concertation et les
animateurs. Quelques critères pour la composition du Comité
(taille, nombre, principales caractéristiques) seront fournis.
Après la sensibilisation et les concertations internes, une nouvelle
assemblée générale validera les candidatures
reçus.
Élaboration d'un diagnostic villageois
À partir de l'analyse de données secondaires et
d'enquêtes auprès des villageois, le diagnostic synthétise
les données sur la population, les marchés, les systèmes
de production, les potentialités, les problèmes et contraintes.
Il caractérise l'occupation
44 Comme pour les comités communaux, on
s'attachera, dans la mesure du possible, à travailler avec des
comités villageois existants, dans la mesure où leur mode de
fonctionnement est compatible avec les objectifs de concertation.
198
actuelle de l'espace, la répartition spatiale des
activités d'élevage et d'agriculture, les investissements
existants. Une typologie classifie les producteurs en grands groupes, en
fonctions de leur stratégie d'utilisation et de leurs accès aux
ressources naturelles.
Les contraintes, potentialités et problèmes sont
identifiés. Les problèmes sont hiérarchisés et les
« solutions proposés par les acteurs » sont recensés.
L'évaluation de « l'état » des ressources naturelles
est réalisée. Un diagnostic institutionnel (la
gouvernance45) est élaboré. Il met en évidence
les processus de prise de décision et de résolution de conflits,
toujours complexes.
Le diagnostic sera réalisé par le comité
de concertation avec la participation active des responsables techniques
régionaux en matière d'élevage, d'agriculture, de
cadastre. Les résultats seront présentés à la fois
aux villageois et au comité de concertation communal.
Reconnaissance des limites territoriales et des vocations des
sols
Un premier travail à réaliser est la
délimitation des espaces villageois. Ce travail est
réalisé sous la supervision du comité de concertation
communal en réunissant les différents comités de
coordinations villageois d'une zone ou, si ce comité n'existe pas dans
les villages avoisinants, en conviant les autorités de ces villages.
Une deuxième étape est liée à
l'affectation des terres, en particulier dans la séparation entre zones
agricoles, zones pastorales et pistes à bétail. Les
comités de concertation analysent les utilisations actuelles, jugent de
leur durabilité46. Après débat, les terroirs et
les espaces (agricoles, pastoraux...) seront délimités, avec des
« autorités de gestion » clairement identifiées.
Les méthodes de délimitation sont bien connues.
La méthode utilisée dans cette action sera définie
à partir des acquis des précédents projets (lors de
l'atelier méthodologique). Cette délimitation se fait par
négociation entre les acteurs, les
45 La gouvernance est souvent définie comme
le gouvernement à plusieurs. La définition apparaît
particulièrement adaptée aux régions du Nord Cameroun.
46 L'occupation est-elle pertinente ? Doit-on
modifier l'affectation des terres ? La production de biomasse est-elle à
la hauteur des besoins : alimentation, coton, élevage du village,
élevage des transhumants ? Le niveau de pression met-il en péril
la fertilité ? Quelles tendances prospectives... (Migration,
mobilisation de nouvelles ressources, intensification par le travail...) ?
199
aménagements prévus étant un des
éléments de cette négociation. Un procès-verbal de
négociation est établi. Un relevé de limites est
reporté sur une carte. Procès-verbal et carte sont
paraphés par les différents acteurs, les autorités
(administratives, chefferie et commune) et déposés dans un
registre communal. Un bornage est effectué pour matérialiser les
limites.
Le plan de délimitation des espaces sera largement
diffusé auprès des populations concernées afin
d'être pleinement approprié par ces dernières.
Ce plan ne doit pas être considéré comme
figé : il pourra évoluer, dans le cadre des mécanismes de
concertation, en fonction notamment de l'évolution de la pression sur
les ressources.
Programmation des actions de préservation et
d'amélioration des ressources
Sur la base du diagnostic précédemment
établi, les agents techniques des différents services
étatiques (élevage, agriculture, cadastre...) aideront les
comités à faire émerger, de façon participative,
les actions souhaitables pour améliorer la gestion des ressources
agro-pastorales. Il s'agira de mettre en place une véritable approche
participative, au cours de laquelle les populations, avec l'appui des
techniciens, pourront elles-mêmes concevoir les solutions les mieux
adaptées à leur milieu. Cette démarche, novatrice par
rapport à celles adoptées au cours des projets DPGT et ESA, sera
appuyée par des visites de sites pour permettre aux comités de
visualiser les effets des actions possibles et du matériel didactique
élaboré par les composantes techniques. Ce matériel
didactique décrira la technique, présentera
l'intérêt et les avantages espérés. Il s'attachera
à identifier avec précision i) les « besoins » en
termes de ressources, de travail, de compétences, ii) les
conséquences sur le système de production et sa logique (une
étable fumière implique des animaux en stabulation...). En
croisant ces éléments et le disponible (identifié lors du
diagnostic), la programmation définit le champ du travail: que va-t-il
être fait ? Pour chacune des zones homogènes, à partir des
dynamiques actuelles, des aspirations des populations, des possibilités
techniques et en investissements, il s'agit de définir, toujours en
concertation avec les populations, de grandes orientations de mise en valeur,
puis de préciser les actions à entreprendre.
200
En fonction des exigences (espace disponible, organisation,
intrants, disponibilités financières, technicité...) et
des propositions techniques, le comité définit les lieux et les
acteurs les plus adaptés. Le décalage entre les
nécessités liées à l'introduction d'une innovation
technique et les ressources existantes détermine les appuis
nécessaires (appui technique, subvention, appui organisationnel, appui
institutionnel...). Des programmes d'actions, détaillés par zones
et par types d'exploitants, préciseront les enjeux auxquels les actions
répondent, leur faisabilité et les mesures d'accompagnements
nécessaires.
Les règles de gestion des espaces et des ressources,
nécessaires à la mise en place du plan, sont
précisées. Ces règles de gestion, y compris droits de
faire valoir seront établies en fonction de deux critères :
critères de pertinences (en fonction de l`état des ressources et
des systèmes de production) et de légitimité
(acceptées à la fois par les populations et par les
autorités).
Validation des résultats de la concertation
Les comités de concertation présentent leurs
propositions en assemblée villageoise et tiennent comptent ensuite des
remarques et suggestions des villageois pour faire les derniers ajustements.
Enfin, les plans villageois sont présentés, discutés et
adoptés en Conseil communal, après validation par les
autorités coutumières47 et administratives. La triple
légitimité est nécessaire pour éviter que les
mécontents (il y en aura toujours) puissent utiliser les instances de
résolutions parallèles que chacune des autorités (maire,
préfecture ou chefferies) met en place.
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