V.3.3. La phase de négociation et concertation
L'objectif de cette partie est de proposer un processus de
concertation adapté au contexte local et privilégiant le
compromis et le dialogue entre les différents acteurs concernés
par l'exploitation et la gestion des différents territoires. Pour
Benkahla et Hochet (2013), il n'y a pas une démarche standard pour
conduire une concertation ou mettre en place une convention locale. Les
méthodologies clés en main, qui prédéfinissent les
étapes et le temps à y consacrer, ont toutes les chances de ne
toucher qu'à des enjeux secondaire, sans réel investissement de
la part des acteurs locaux, et sans guère d'efficacité ensuite.
Les concertations suivent des itinéraires qui ne peuvent pas être
prédéfinis. Pour autant, les acteurs qui promeuvent une
concertation ou la négociation d'une convention locale ont besoin de se
définir une stratégie, en fonction du contexte spécifique.
Les auteurs soulèvent un certain nombre de questions que pose la
démarche de concertation : comment se pose le problème ? À
quelle(s) échelle(s) ? Qui sont les différentes parties prenantes
? Leur inclusion dans les débats est-elle problématique ou non ?
Quel est le degré de tension ? Y a-t-il des préalables avant que
les parties prenantes soient prêtes à dialoguer ? Y a-t-il besoin
d'étude ou d'enquête préalable pour mieux comprendre la
situation ou objectiver un problème ?Faut-il impliquer dès le
départ les services techniques ou bien attendre que les acteurs locaux
aient commencé à élaborer des propositions ? Comment
mobiliser les autorités coutumières dans le processus ? Comment
éviter les récupérations du processus par certains groupes
d'intérêts ? Définir une stratégie de concertation,
c'est choisir la façon d'aborder le problème, la façon de
gérer les relations avec les différentes parties
prenantes, discuter la place des moments collectifs de
discussion (pour quoi faire ? avec qui ? animé comment ?), etc. Il
s'agit bien sûr d'une stratégie indicative, à adapter en
fonction de la façon dont se déroule le processus, des
réactions des différents acteurs, des événements
extérieurs. C'est un guide pour réfléchir et mener
l'action, et non une méthodologie figée une fois pour toute.
La figure 22 présente les déterminants du
processus collectif de négociation et de légitimation
territoriale.
Acteurs à impliquer
- Habitants du territoire concerné
- Autorités traditionnelles
- Autorités administratives
- Élus locaux (toutes les communes
concernées)
- Techniciens étatiques et du développement
local
- Gestionnaires des aires protégées
- Eleveurs transhumants nationaux et étrangers
PROCESSUS COLLECTIF DE NEGOCIATION ET
DE LEGITIMATION TERRITORIALE
Unités spatiales de concertation à
privilégier
- Le territoire villageois - La commune
- L'intercommunalité - Le lamidat
Inclusion des éleveurs transhumants
- Intégration dans les négociations à
travers un village ou un campement
- Choix de dates adaptées pour les transhumants n'ayant
pas de territoires d'attache pour les faire participer aux
négociations
- Définir des règles et les porter à la
connaissance des transhumants irréguliers via les auxiliaires des chefs
traditionnels
|
Justification du processus
- Une multiplicité et une diversité des acteurs
de l'utilisation et de la gestion des territoires
- Un compromis entre les stratégies des
différents acteurs
- Une expression des intérêts spécifiques
et des différents points de vue
- Recherche de synergies
- Renforcement de la cohésion sociale - Augmentation du
potentiel de réflexion, d'échange et d'action - Adaptation
à la réalité des situations locales
- Renforcement de la légitimité de la
décision
- Nouvelles formes de gouvernance garantissant le dialogue social
et les modalités de reconnaissance institutionnelle
|
188
Figure 22. Déterminants du processus
collectif de négociation et de légitimation territoriale
La concertation se réalise par travail en commun des
autorités traditionnelles et administratives, des élus, des
techniciens et des habitants d'un territoire. C'est un processus collectif de
négociation et de légitimation, qui se justifie parce qu'il :
- prend en compte la multiplicité et la
diversité des acteurs qui utilisent les ressources agricoles et
pastorales et qui interviennent dans leur gestion. La gestion des ressources
naturelles et des espaces sera toujours le fruit d'un compromis entre les
stratégies de ces différents acteurs. Le travail en commun permet
l'expression des intérêts spécifiques et des
différents points de vue ;
189
- favorise la recherche de synergies et ainsi le renforcement
de la cohésion sociale entre les différentes parties prenantes et
contribue à une meilleure réponse aux enjeux en augmentant le
potentiel de réflexion, d'échange et d'action ;
- favorise l'adaptation à la réalité des
situations locales qui présentent une grande variabilité
(ressources, densité, hétérogénéité,
homogénéité culturelle, systèmes de production et
poids respectifs de la chefferie, de l'administration et de la
société civile...).
- renforce la légitimité de la décision,
favorise son acceptation par tous et permet de préparer les
évolutions juridiques et institutionnelles en cours (la
décentralisation étant inachevée au Cameroun, les
politiques foncières ne sont pas définies et les droits
traditionnels, parfois concurrentiels, et les droits modernes se
juxtaposent).
|