V.3.2. La phase d'analyse
Les systèmes d'élevage au Nord-Cameroun sont peu
intensifiés et reposent essentiellement sur les parcours naturels et la
vaine pâture. Le maintien de cet élevage de ruminants se heurte
à la réduction de la surface des parcours du fait de leur mise en
culture. Les usages des résidus de culture se diversifient
(construction, combustible, plus rarement couverture du sol) même si le
droit de vaine pâture demeure fortement ancré dans les campagnes.
La crise de l'élevage est diverse : spatiale par la réduction des
surfaces exclusivement réservées aux troupeaux, écologique
par la dégradation des parcours naturels, sociale par l'accroissement de
la fréquence des conflits entre éleveurs et agriculteurs et aussi
en termes de gouvernance, avec la dualité des décideurs, publics
et coutumiers (CIRAD et GCG Consultants, 2013).
Les problèmes de gestion des ressources naturelles, non
directement liés à l'agriculture et l'élevage, sont aussi
à prendre en compte dans une gestion systémique des
écosystèmes. Le Nord-Cameroun est internationalement reconnues
pour la richesse de leur faune sauvage mais le maintien de pratiques de gestion
non participatives des aires protégées et des ZIC et
l'augmentation des surfaces protégées depuis les années
1960, sont mal vécus par les populations.
Plus globalement, les producteurs du Nord-Cameroun doivent
faire face à un faisceau d'insécurités. Alors que la
question de l'insécurité des biens et des personnes semble moins
prégnante aujourd'hui, les autres formes d'insécurité
demeurent : insécurité foncière, insécurité
juridique et fiscale, insécurité économique.
Sur le plan institutionnel, les appuis et services pour le
monde rural sont fournis et coordonnés par trois types de structure :
les services de l'État mais ils manquent de moyens et d'engagement sur
le terrain, les entreprises et les banques contribuent peu au
développement du secteur primaire sauf la SODECOTON qui demeure l'acteur
principal du développement régional, et enfin, le secteur
associatif et les organisations de producteurs qui prennent de plus en plus
d'importance mais restent fragiles. Hormis l'intervention dans la durée
de la SODECOTON (depuis 1974) et des services de
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l'État (surtout en santé
vétérinaire) l'appui au monde agricole est orchestré
depuis des décennies par les projets de développement.
Le processus de décentralisation est ancien au Cameroun
mais le transfert de compétences entre l'État et les Communes est
partiel. La Commune devient un nouvel acteur du développement local et
un partenaire incontournable des projets de développement. Les
autorités coutumières restent dans toutes les situations une
force politique, sociale et décisionnelle à ne pas
négliger, et continuent à jouer un rôle fondamental dans
l'organisation du territoire. La mise en place des actions du programme et leur
chance de réussite nécessite d'associer les autorités
coutumières au plus haut niveau, dans le cadre d'un dialogue constructif
et en toute transparence.
Trois facteurs vont peser fortement dans les années
à venir sur le secteur de l'agriculture et de l'élevage du
Nord-Cameroun d'après Cirad et GCG Consultants (2013) : (i) les
changements climatiques et leurs conséquences sur les systèmes de
production, (ii) l'état des marchés (coton, produits vivriers) et
(iii) la capacité de l'Etat camerounais à mener à bien des
réformes (décentralisation, foncier, etc.) et à
développer un climat de confiance et de sécurité propice
au développement économique. Le bilan des expériences
passées montrent qu'il existe une large gamme de solutions techniques
mais que leur mise en oeuvre se heurte à des contraintes d'ordre social,
culturel et organisationnel. Les approches sectorielles demeurent très
fortes et chaque groupe d'acteurs (agriculture, élevage, environnement)
travaillent le plus souvent séparément. L'intervention mal
coordonnée de nombreux projets avec des méthodes d'intervention
différentes voire divergentes, a développé une
dépendance des acteurs publics et privés (OP, ...) par rapport
à l'aide extérieure et étatique. Cette évolution
limite l'initiative de ces différents acteurs et compromet même la
durabilité des actions engagés par les projets.
Sur le plan socioculturel, de nombreux atouts peuvent
être valorisés dans le cadre du processus : i) la fixation de plus
en plus importante des éleveurs avec une emprise territoriale
évidente. Cela permettrait de mieux les intégrer dans les
négociations et dans la défense de leurs intérêts et
points de vue. La proximité géographique et sociale avec les
agriculteurs des villages voisins et le long des parcours concoure à
la
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limitation des situations conflictuelles et peut être un
atout pour trouver un consensus partagé entre les deux acteurs ; ii) De
nombreux projets ont essayé de mettre en place un processus de gestion
et de négociation des territoires pastoraux. Les acquis de ces actions
ainsi que les échecs rencontrés peuvent être
valorisés pour aller au-delà des problèmes
rencontrés ; iii) Le processus de décentralisation en cours a
été suivi de plusieurs formation et sensibilisation en
matière de gestion des espaces et des ressources communes. Les outils
utilisés par les différents projets, les actions
déjà menés peuvent être également
mobilisés ; iv) Certains projets ont été montés et
ne sont pas encore mis en oeuvre. Il en est par exemple du programme d'appui
à la sécurisation et à la gestion intégrée
des ressources agropastorales au Nord-Cameroun (ASGIRAP). Les démarches
adoptées par ces derniers peuvent aider à la mise en application
du processus proposé dans le cadre de ce travail.
Les critères d'évaluation doivent également
être clarifiés.
Par rapport au premier résultat attendu : des
comités de concertation communaux et villageois sont
créés, reconnus et fonctionnent de façon participative et
inclusive : i) Nombre de communes dans lesquels un comité de
concertation a été officiellement crée et fonctionne ; ii)
Nombre de villages (à l'intérieur des communes retenues)
où un comité de concertation a été
créé et fonctionne ; iii) Nombre des réunions par an des
comités et taux d'absentéisme ; iv) Participation dans les
comités villageois de toutes les catégories d'acteurs
concernés (transhumants, éleveurs non transhumants, agriculteurs,
...).
Par rapport au deuxième résultat attendu : les
communes d'intervention se dotent d'un plan de zonage ; les villages
d'intervention se dotent d'un plan d'utilisation des terres délimitant
les espaces pastoraux et agricoles, de règles de gestion de ces espaces
et d'un plan d'amélioration du terroir ; Ces plans et règles sont
appliqués : i) Nombre de plans de zonage effectivement adoptés
par les Communes ; ii) Nombre de villages dans lesquels un plan d'utilisation,
gestion et d'aménagement des terres a été adoptés
et entériné par la commune ; iii) Pourcentage des litiges soumis
aux comités communaux et résolus ; iv) Satisfaction des acteurs
(agriculteurs et éleveurs) quant à la
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délimitation des espaces dans les villages
d'intervention ; v) Durabilité des délimitations des parcours :
Respect des délimitations de zones 2 ans après le bornage.
Par rapport au troisième résultat attendu : la
précarité des droits fonciers est réduite et un
mécanisme d'enregistrement communal de ces droits est initié : i)
Nombre de communes ayant testé l'enregistrement des droits foncier ; ii)
Réduction de la précarité des contrats de faire-valoir
dans les villages test.
Tous ces résultats et indicateurs sont
évidemment conditionnés par l'acceptation par la chefferie
traditionnelle d'une concertation sur ces territoires de mobilités
pastorales.
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