V.3.1. La phase d'identification et de formulation
Il s'agit d'arriver à une compréhension
partagée du problème en partant d'un problème particulier
à un enjeu collectif. Un problème peut être ressenti par un
acteur ou un groupe d'acteurs, sans être forcément partagé.
Avant d'engager une négociation, il faut affiner la compréhension
du problème et éclairer les différentes positions. L'enjeu
est de passer d'un problème ressenti par certains groupes à un
problème suffisamment partagé pour qu'il soit pris en charge par
des autorités ou porté par un nombre suffisant d'acteurs. Le
problème doit devenir un enjeu public ou collectif (Benkahla et Hochet,
2013). Les problèmes et les enjeux à prendre en compte pendant la
phase d'identification et de formulation au Nord-Cameroun sont divers :
- En premier lieu, il n'existe pas au sein des instances
d'exploitation et de gestion des territoires de mobilité (villages,
communes), des comités de concertation, reconnus et fonctionnels de
façon participative et inclusive. Ces comités seront, dans la
mesure du possible, identifiés à partir des structures
déjà existantes mises en place par les projets
précédents ;
- En second lieu, les communes d'intervention ne sont pas
dotées d'un plan de zonage. Or, il est déterminant de doter les
territoires villageois d'un plan d'utilisation des terres délimitant les
espaces pastoraux et agricoles, de règles de gestion de ces espaces et
d'un plan d'amélioration du terroir ; ces plans et règles devront
être connus des intéressés et appliqués ;
41 La "sécurisation foncière est
entendue comme étant l'ensemble des processus, actions et mesures de
toute nature, visant à permettre à l'utilisateur et au
détenteur de terres rurales de mener efficacement leurs activités
productives, en les protégeant contre toute contestation ou trouble de
jouissance de leurs droits (Définition retenue au Burkina Faso dans le
cadre de la loi d'orientation agricole).
183
- Troisièmement, il subsiste une
précarité des droits fonciers et une pluralité des normes
de référence. En même temps, ces droits fonciers ne sont
pas enregistrés au sein des communes. Souvent, règles
coutumières et règles étatiques se confrontent. Les unes
et les autres ont leur source de légitimité (la tradition,
l'histoire, les autorités coutumières, une certaine conception de
la communauté et de son rapport à son territoire d'un
côté ; l'État, la citoyenneté nationale, la
rationalité technique, de l'autre). Elles renvoient à des
principes de justice, d'équité, qui ne sont pas les mêmes.
Dès lors que des règles différentes coexistent, on ne sait
plus lesquelles doivent s'appliquer. Ceux qui voient leurs
intérêts contraints par un type de règles vont les
contester en s'appuyant sur les autres, en tentant de mobiliser l'appui des
autorités qui les incarnent. Des règles contradictoires, c'est
comme pas de règles du tout. Dès lors, négocier les
principes à partir desquels gérer telle ou telle ressource, telle
ou telle portion du territoire, est un préalable ;
- Enfin, il reste à améliorer les outils
stratégiques et réglementaires pour une meilleure gestion des
ressources agro-pastorales à différent niveau (villageois,
communal, régional). En effet, des carences et faiblesses subsistent
après la mise en place des instances de régulation. Qu'elles
soient étatiques, coutumières, communales ou liées
à des comités de gestion issus de projets, les instances
censées gérer les ressources naturelles, arbitrer les conflits,
édicter et mettre en oeuvre des sanctions, rencontrent
fréquemment de nombreuses difficultés à exercer leur
rôle de façon neutre et efficace.
Somme toute, il faut partir d'un problème perçu
à un problème partagé. En effet, la construction d'un
réseau d'acteurs conduit souvent en parallèle à une
évolution de la formulation du problème. La perception du
problème évolue en effet en fonction des débats et des
discussions pour plusieurs raisons : i) les points de vue que chacun
défend permettent de mieux prendre en compte la diversité des
enjeux et des intérêts en présence ; ii) la connaissance du
problème se précise, car chacun apporte son expertise propre ;
iii) les débats et argumentations de chacun peuvent aussi remettre en
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cause certaines idées reçues et conduire
à poser les questions de manière différente Benkahla et
Hochet (2013).
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