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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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V.3. Proposition d'une démarche d'appui à la gestion concertée des

territoires de mobilités pastorales

Les problèmes décisionnels à référence spatiale réfèrent à tout problème dont l'espace géographique constitue un élément prépondérant en tant que milieu de vie, d'activité et d'intervention humaine, en tant que support d'évaluation de toute décision, mais aussi en tant que lieu d'implémentation de cette décision. Ces problèmes spatiaux sont (i) de natures multidimensionnelle, interdisciplinaire et semi-structuré, (ii) impliquant plusieurs personnes et institutions, ayant généralement des préférences et des objectifs conflictuels, (iii) nécessitant la définition de plusieurs critères contradictoires et dont l'importance n'est pas la même, et (iv) demandent une quantité considérable des données quantitatives et qualitatives (Pusceddu et Chakhar, 2010). Tous ces éléments confèrent aux problèmes spatiaux une nature multicritère et semi-structurée requérant, selon Epstein (1989), l'usage d'analyse et de modèles. Ces spécificités des problèmes spatiaux fait que le modèle classique du processus de décision linéaire de Simon (1960) et les différentes extensions qui y sont apportées sont insuffisants pour faire face à cette complexité décisionnelle.

Plusieurs modèles sont disponibles dans la littérature : Vance (1960), Simon (1960), Mintzberg et al., (1976), Mintzberg (1991), etc. La plupart de ces modèles assument l'existence de trois phases : intelligence, conception et choix. Cependant, le modèle le plus diffusé est vraisemblablement celui de Simon (1960). Comme mentionné plus haut, ces modèles ne sont pas adaptés aux problèmes de décision à référence spatiale.

Dans le cadre de notre travail, nous adopterons et étendrons le modèle de Simon au contexte spatial. Le processus de décision à référence spatiale proposé conserve la

- Identifier et formuler les problèmes avec tous les acteurs concernés

- Mettre en évidence les enjeux à prendre en compte autour des territoires

- Clarifier les objectifs à atteindre pour chaque type d'acteur et pour la communauté

1. Phase d'identification et de formulation

phase d'intelligence mais il la complète par une phase de formulation, subdivise la phase de conception en cinq étapes : analyse, négociation et concertation, choix et mise en oeuvre (Figure 21).

4. La phase de concertation - Agréger les différents points de vue en tenant compte des arguments avancées et de leur pertinence

- Faire émergence de solutions supportées par les différents intervenants

Démarche d'appui à la gestion
concertée des territoires de
mobilité pastorale

5. La phase de choix - Investigation profonde des différentes variantes proposées par chaque partie - Sélection des alternatives jugées comme les plus appropriées

2. Phase d'analyse - Identification des atouts socioculturels locaux

- Définition des alternatives potentielles aux problèmes posés

- Clarification des critères d'évaluation des actions à envisagées

6. La phase de mise en oeuvre

- Choix méthodologiques

- Sensibilisation et information

- Sélection des unités spatiales (villages,

communes, intercommunalités)

- Recrutement et formation des

animateurs

- Démarrage du processus

3. Phase de négociation

- Permettre à chaque acteurs intervenant dans le processus décisionnel de promouvoir et défendre ses idées au détriment des autres

- Faire émergence au fil des négociations et avec la pression du temps la nécessité de collaborer plutôt de que de se confronter

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Figure 21. Démarche d'appui à la gestion concertée des territoires de mobilités pastorales Le but de la phase d'identification et formulation est d'identifier, puis formuler le problème en termes d'enjeux à prendre en compte et des objectifs à atteindre. La phase d'analyse focalise sur la définition des alternatives potentielles et des critères d'évaluation. Durant la phase de négociation, chaque intervenant (individu ou groupe) dans le processus décisionnel essaie de promouvoir et défendre ses idées (en terme d'objectifs, préférences, critères d'évaluation et des alternatives potentielles) au détriment des autres intervenants. Avec l'avancement dans le processus décisionnel et la pression du temps, les différents intervenants sentent la nécessité de collaborer plutôt que de se confronter. Une phase de concertation commence alors. Son objectif est d'agréger les différents points de vue afin de faire surgir les solutions supporter par les différents intervenants. La phase du choix nécessite une investigation profonde des

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différentes variantes afin de sélectionner une (ou éventuellement plusieurs) alternative(s) jugée(s) comme la (les) plus appropriée(s).

Bien évidemment, le processus proposé est itératif et non nécessairement séquentiel. Il est fondé selon Pusceddu et Chakhar (2010) sur une démarche participative dans laquelle on met à contribution la compétence et l'expérience de chaque intervenant dans le processus décisionnel. Il incarne ce que Chassande (2002) désigne par la « rationalité procédurale », dans laquelle une action est jugée comme rationnelle parce qu'elle aura été choisie au terme d'une procédure jugée appropriée, par opposition à la « rationalité positive » de Simon (1960). Sa première nouveauté revient au fait qu'il fait de la formulation du problème une partie intégrante du processus décisionnel. Sa deuxième nouveauté découle du fait qu'il couple deux concepts importants, celles de négociation et de concertation, qui sont assez souvent traités séparément. En effet, la négociation est valable dans un contexte conflictuel, caractérisé par l'affrontement et l'antagonisme. Mais en pratique, cette étape de négociation est souvent suivie par une phase complémentaire de concertation cherchant à converger des points de vue divergents, voire contradictoires.

Remarquons enfin que la frontière entre la phase de négociation et celle de concertation n'est pas définie de manière exacte. En fait, il se peut que les deux phases se chevauchent mais au fur et à mesure de progression dans le processus de décision, il y aura de moins en moins de négociation et de plus en plus de concertation.

Ainsi, la gestion durable des ressources agricoles et pastorales demande de profondes modifications des pratiques. Ces évolutions auront un coût à la fois pour l'État et les acteurs40. Pour investir, tant en capital qu'en travail, ces acteurs devront être d'abord persuadés de la pertinence et de l'intérêt des changements, compte tenu de leurs objectifs et des situations qu'ils vivent. Ils auront aussi besoin de garanties.

40 Les acteurs ruraux sont l'ensemble des personnes ou groupes ayant des intérêts à faire valoir sur la terre rurale : il s'agit tant d'acteurs privés (exploitants agricoles familiaux, éleveurs transhumants, agro businessmen ou nouveaux acteurs...) que d'acteurs publics (État, administration territoriale, services techniques, collectivités territoriales, entreprises publiques...).

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À partir de ce constat, deux grands types d'actions sont à mener : la sécurisation foncière41 et l'élaboration de plans de mise en valeur (d'aménagement et de gestion) des terres et des ressources naturelles. Le lien entre actions de sécurisation, d'une part, et investissements et production durable, d'autre part, doit être clairement affirmé pour éviter toute dérive d'appropriation ou de constitution de rente foncière.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe