I.2. Élevage soumis à plusieurs
contraintes
Les systèmes d'élevage au Nord-Cameroun sont peu
intensifiés (sauf certains élevages porcins) et reposent
essentiellement sur les ressources des parcours naturels et la vaine
pâture (les résidus des cultures)). On distingue une
diversité de systèmes d'élevage de ruminants, des
systèmes très extensifs (élevage transhumant sans aucune
complémentation alimentaire), des semi-intensifs alliant
l'activité pastorale à l'agriculture à des systèmes
relativement intensifs (unité d'embouche et de production
laitière). Ces systèmes d'élevage sont conduits en grande
majorité par des producteurs Peul mais il convient de distinguer le
groupe des Fulbé historiquement bien implanté Au Nord-Cameroun et
celui des Mbororo dont le processus de sédentarisation a
débuté dans les années 1990. Cette communauté est
peu présente dans les instances communales, dans les groupements et
fédérations et entretient peu de relations avec les projets et
les services techniques.
Au Nord-Cameroun, le maintien de cet élevage de
ruminants se heurte à la réduction de la surface des parcours du
fait de leur mise en culture par une population d'agriculteurs en croissance
continue. De plus, les usages des résidus de culture se diversifient
(construction, combustible, plus rarement couverture du sol) même si le
droit de vaine pâture demeure fortement ancré dans les campagnes :
les éleveurs et leurs troupeaux ne sont plus les seuls
bénéficiaires de cette ressource gratuite, les agriculteurs (et
ceux devenus agro-éleveurs) souhaitent que leurs sols et leur
bétail en bénéficient prioritairement. La crise de
l'élevage s'observe à plusieurs niveaux (spatial,
écologique, social et en terme de gouvernance) (Figure 4).
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Écologique
- Non définition des charges sur les
espaces de parcours
- Dégradation des parcours naturels
- Aléas pluviométriques
- Sécheresse
- Inondations, nombreuses mortalités et
dégradation des parcours
- Difficulté de régénération des
parcours
- Feux de brousse et dégradation du
couverts végétal
Spatiale
- Augmentation du cheptel bovin
- Réduction des espaces exclusivement
réservés aux troupeaux
- Contraintes de mobilité à cause du
rétrécissement des pistes à bétail
- Emboîtement des différents espaces de
pâturage avec les espaces agricoles
- Zones de pâturage sécurisées mais non
respectées et menacées par les feux de brousse
- Hydrauliques pastorales réalisées mais manque
de suivi
- Des points d'eau insuffisants
- De nombreuses utilisation des résidus de
récolte ignorées
CRISES DE L'ÉLEVAGE
Gouvernance
- Dualité des décideurs - Difficulté pour
les éleveurs d'avoir les mêmes droits sur les territoires
ruraux
- Dysfonctionnements et des gaspillages de ressources -
Corruption et difficulté de pérennisation des espaces acquis -
Marginalisation
- Isolement sociopolitique
Sociale
- Accroissement des conflits entre les éleveurs et les
autres acteurs (agriculteurs, lobbies environnementaux)
- Conflits intergénérationnels au sein des
communautés d'éleveurs
- Implication des bergers non issus des communautés
d'éleveurs
- Paupérisation de nombreux éleveurs
- Manque de soutiens institutionnels et de capital social des
associations
- Arrivée massives des éleveurs centrafricains
chassés par les anti-balaka
30
Figure 4. Facteurs à l'origine des crises de
l'élevage au Nord-Cameroun I.2.1. Pressions sur l'espace
pastoral
La crise spatiale se manifeste par la réduction des
surfaces exclusivement réservées aux troupeaux et les contraintes
à leur mobilité, qu'ils s'agissent des déplacements
quotidiens de saison de pluies ou de la transhumance plus ou moins longue. Les
incertitudes sur le foncier sont entretenues et exacerbées par les
autorités traditionnelles qui n'hésitent pas à remettre
chaque année en cause les règles d'accès à la
terre. Cela, évidemment, pousse les Mbororo à déplacer
chaque fois leurs sites d'installation ou à renégocier ceux sur
lesquels ils sont installés. Il en est de même de la
reconnaissance des zones attribuées aux pâturages (hurum)
qui sont à la fois octroyées aux agriculteurs. Cela engendre des
conflits, sources de revenus pour les chefferies lors des médiations.
Une quinzaine de zones de pâturage ont été
sécurisée avec l'aide du projet de Gestion
Sécurisée des Espaces Pastoraux (GESEP), mais ces zones sont
menacées par feux de brousse. Une centaine d'hydrauliques pastorales
sont réalisées par le Projet de
31
Réhabilitation et de Création des Points d'Eau
pour le Bétail (PRCPB) mais n'a pas donné satisfaction à
cause d'un manque de suivi. Le Ministère de l'Élevage des
Pêches et des Industries Animales (MINEPIA) a réalisé une
vingtaine de points d'eau mais toujours insuffisante. De nombreuses
utilisations possibles des résidus de récoltes sont
ignorées des producteurs et peu d'entre eux tentent de
récupérer, conserver et améliorer ces ressources pourtant
non négligeables. Malgré cela, les résidus tel que les
gousses d'arachide et de niébé, fanes de haricots et d'arachide,
tige de mil, constituent l'essentiel de l'alimentation du bétail en
saison sèche dans les zones Massa, Toupouri et Mousgoum. L'utilisation
systématique de ces résidus est entravée par d'autres
usages (combustibles, chaume, et la collecte eu égard à leur
volume et à la distance avec les lieux d'habitations). Parmi les autres
ressources alimentaires potentielles, on ne fait pas un usage adéquat
des sous-produits agro-industriels comme le tourteau de coton et les sons. La
SODECOTON produit le tourteau de coton (Nutribet), Coque, Provende. II
faut signaler que l'obtention des tourteaux par des éleveurs est
difficile. La SODECOTON a produit 3 225 tonnes de coque de graine de coton et
les femmes de la région qui brassent la bière de mil produisent
des quantités importantes de drèches qui sont vendues aux
éleveurs de porcs et de petits ruminants. Les tiges de mil, les fanes
d'arachide et de haricot sont couramment utilisées en saison
sèche. En dehors de la SODECOTON, les particuliers dispose des
industries de fabrication d'aliments de bétail (le SIFAB12,
le SITRON13, etc.) qui fabrique le tourteau de coton, soja et
d'arachide.
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