Conclusion
Au Nord-Cameroun, le territoire d'élevage correspond
finalement à un assemblage de territoires complémentaires
raisonné par l'éleveur pour alimenter son bétail sur le
pas de temps minimal d'un an. Ces territoires évoluent au fil du temps
en fonction de la disponibilité des biomasses végétales,
des règles d'accès, de la date d'arrivée des pluies, et de
l'avancée des parcelles agricoles. Les éleveurs y ont des droits
d'usage plus ou moins affirmés selon les cas. Le droit de vaine
pâture, déjà contesté, pourrait être
complètement remis en question par les agriculteurs s'ils trouvent les
appuis politiques suffisants. Dans ce cas, ils pourront contrôler la
totalité des résidus de culture pour alimenter leurs animaux,
produire plus de fumure organique ou développer les systèmes de
culture sur couverture végétale (SCV).
Malgré la fixation des hommes, la mobilité reste
ancrée dans les pratiques de la conduite du troupeau chez tous les
éleveurs au Nord-Cameroun. Depuis quelques années, le
renforcement des aléas climatiques (arrivée tardive ou
précoces des pluies), l'insécurité et la résurgence
des conflits avec les agriculteurs amènent les éleveurs à
changer de stratégie de transhumance parfois chaque année
même si les itinéraires et
150
les lieux restent généralement les mêmes.
Au niveau des pouvoirs publics, les mécanismes de régulation, de
protection des éleveurs ne fonctionnent pas bien. Les éleveurs
adoptent de plus en plus des stratégies individuelles pour
accéder aux petits espaces de pâturages. C'est ainsi qu'on assiste
à un amenuisement des décisions collectives autour de la
transhumance à cause de la compétition entre éleveurs pour
l'accès aux espaces de pâturage.
La pratique de l'agriculture avec le souci de fertiliser les
parcelles a aussi amené les éleveurs à modifier le
calendrier de transhumance et a favorisé le recours aux bergers
salariés, le propriétaire du bétail cherchant plutôt
à rester dans son village et près des parcelles cultivées.
Le chef d'exploitation souhaite en effet garder un oeil sur ses champs et le
développement des transports motorisés et de la
téléphonie mobile lui permet de se rendre rapidement si besoin,
sur les lieux de transhumance.
Même si l'élevage reste au centre des
activités des éleveurs, la sédentarisation les pousse
à s'occuper différemment du bétail. Le troupeau est de
plus en plus confié à des salariés pour d'une part
maximiser l'accès aux divers espaces de pâturage morcelés
en scindant le grand troupeau en sous-unités, et d'autre part, pour
scolariser les enfants traditionnellement affectés au gardiennage.
L'appui au pastoralisme passe par des incitations à une
intensification partielle et progressive des systèmes d'élevage,
en partant de l'hypothèse que la mise en culture de certaines portions
des parcours à des fins de production fourragère peut être
plus productive que sa conservation dans le statu quo de production primaire.
Mais, pour cela il faut apporter des solutions techniques robustes (choix de
plantes fourragères et d'itinéraires techniques) et une
logistique adéquate (formation et information, disponibilité en
intrants) pour accompagner les éleveurs qui acceptent d'investir dans ce
nouveau modèle productif du temps de travail.
Aujourd'hui, la gestion des territoires d'élevage ne
peut pas être séparée de celle des territoires ruraux et
des autres acteurs. Les différents responsables coutumiers ne
parviennent plus à régler seuls, les problèmes qui se
posent sur ces espaces. Les processus actuels de décentralisation de la
gestion du territoire doivent aboutir à l'élaboration de
conventions locales et de règles de gestion consensuelle des
151
ressources naturelles. Leur succès n'est possible que si
les différents groupes d'usagers et d'intervenants sont suffisamment
formés et impliqués dans cette gestion.
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153
Chapitre V. Démarche de concertation pour
l'organisation et la gestion des territoires de mobilité
pastorale
Une partie importante des territoires ruraux fait l'objet de
plusieurs usages, simultanés ou successifs : les champs
récoltés deviennent accessibles pour la pâture des
résidus de récolte ; les brousses servent à la fois au
pâturage, à la chasse, à la coupe de bois. Calendriers et
règles locales définissent alors l'utilisation des zones de
parcours par les animaux, la répartition de la cueillette, de la
pêche ou de l'exploitation du sel, etc. Ce partage de l'usage des
ressources ne se fait pas sans conflits. Les droits d'accès sont souvent
remis en cause, au gré des rapports de force.
La superposition de règles contradictoires fragilise
également la stabilité des accords, dès lors que certains
acteurs se revendiquent de normes coutumières et d'autres de la loi. Des
conflits peuvent aussi émerger lorsque la ressource est
surexploitée et que son renouvellement n'est plus assuré. Cette
pression accrue peut être liée à la croissance
démographique, à l'immigration ou au développement
d'opportunités commerciales nouvelles, qui conduit à vendre des
ressources autrefois seulement autoconsommées. La surexploitation peut
aussi être la conséquence d'un échec des systèmes de
régulation : des règles inexistantes, obsolètes ou
contradictoires, des dysfonctionnements des instances de gestion (Benkahla et
Hochet, 2013).
Le territoire local apparait comme un niveau
privilégié de coordination des parties prenantes et de mise en
oeuvre du développement durable (D'Aquino, 2002). Le
développement territorial est alors un processus qualitatif de
transformation des structures économiques, sociales, culturelles,
environnementales d'un territoire.
Quelle est la réelle capacité qu'ont les acteurs
concernés à piloter leur devenir, à élaborer et
mettre en oeuvre, à cet effet, des actions de gestion et d'exploitation
harmonieuse des territoires de mobilité pastorale au Nord-Cameroun ?
Quelles outils et actions à mobiliser ? Comment pérenniser les
résolutions prises tout en sachant que de nombreux projets d'appuis
à la démarcation foncière et à la
sécurisation des
154
territoires pastoraux ont eu des résultats
mitigés ? Quel rôle les autorités traditionnelles
peuvent-elles jouer dans ce processus complexe et où l'État
semble démissionner ?
Après avoir évoqué la notion de bien
commun dans le contexte de territoire de mobilité, nous allons
dérouler la démarche proposée.
V.1. Les territoires de mobilité pastorale comme
bien commun : comment
cogérer ce qui est à tous ?
Les biens communs peuvent être définis comme des
biens (au sens large : biens matériels ou immatériels et
services) qui mobilisent une action collective dans un objectif
d'intérêt commun, souvent associé à la
soutenabilité (au sens large : respect des limites écologiques et
justice sociale). Ils incorporent pour la plupart l'idée d'une
construction simultanée d'un bien et d'une communauté. Leur mode
de production et/ou de gestion (par l'action collective) les distingue des
biens privés (produits par des individus pour eux-mêmes ou pour le
marché) et des biens publics (produits et/ou gérés par les
pouvoirs publics). Plus fondamentalement, le concept de « bien commun
» nous invite à dépasser une définition
économique de ce qu'est un bien (objet de production et de consommation)
pour questionner notre sens philosophique du « bien » et de la «
vie en commun » (Errembault, 2012).
Nous ne le savons que trop bien, notre civilisation
planétaire se trouve prise dans des crises multiples : environnementale,
sociale, économique mais aussi démocratique et culturelle. Nous
n'avons jamais été aussi riches et pourtant les
inégalités augmentent tous les jours. Nous avons atteint un
développement scientifique et technologique élevé, mais au
prix d'une dégradation environnementale sans précédent. La
crise économique, principalement provoquée par
l'irresponsabilité de certains acteurs privés financiers, rend
les pays occidentaux endettés incapables d'entrevoir le bout du tunnel
ailleurs qu'au sein du crédo habituel de la croissance et de
l'austérité. Dans ce contexte, le repli sur soi, le recul des
liens sociaux et de la démocratie semblent faire leur chemin, mettant
à mal notre prospérité commune (Errembault, 2012). C'est
dans ce contexte que de nombreuses pratiques collectives ont
émergé, renouant parfois avec des pratiques très anciennes
provisoirement délaissées, comme autant de résistances aux
finalités que véhicule la logique capitaliste. Ces pratiques ne
peuvent être rangées
155
ni dans la catégorie de l'activité marchande ni
dans celle de l'action publique traditionnelle (réglementations,
politiques d'incitants), ce qui ne les empêche pas d'interférer
avec l'une ou l'autre. Elles méritent une attention particulière
car elles sont vraisemblablement porteuses d'une forme d'innovation sociale
susceptible de répondre aux défis du XXIème
siècle (écologie, justice sociale, finalités).
L'approche des biens communs (commons en anglais)
nous offre des pistes de sortie face à ces nombreux obstacles. Elle a
été développée depuis de nombreuses années,
et popularisée notamment par les travaux d'Elinor Ostrom, prix Nobel
d'économie. Ostrom a mis en lumière la façon dont des
communautés dans le monde entier s'organisent pour gérer en
commun des ressources naturelles (rivière, forêt, etc.). Pour en
éviter la surexploitation, les communautés se donnent des normes
et des règles, et, au rythme des expérimentations, parviennent
non seulement à protéger durablement leurs ressources mais
également à renforcer les liens sociaux qui les animent
(Errembault, 2012). L'auteur ajoute qu'en dehors des ressources naturelles,
l'approche des biens communs permet de repenser la production et la gestion de
différents biens (culture, transport, logement, etc.) et leur
réappropriation collective par les citoyens, au-delà de la
dichotomie traditionnelle État/marché. Au carrefour du social, de
l'environnemental et de l'économique, les biens communs sont un outil
pour réinventer ensemble une prospérité
partagée.
V.1.1. Histoire et clarification du concept de bien
commun
Les biens communs ou commons en anglais couvrent une
multitude de biens ou de ressources allant du plus tangible - exemple : l'eau -
au plus virtuel - exemple : le logiciel libre -, en passant par le
réseau de vélos partagés d'une ville. Ils sont
caractérisés par une diversité de modes de production et
de gestion relevant tantôt d'une communauté, tantôt des
pouvoirs publics mais aussi de régimes hybrides. L'important est que les
biens communs mobilisent une action collective qui émane d'une
communauté ou de réseaux citoyens. Au travers des biens communs,
les utilisateurs sont aussi codécideurs du mode de production et de
gestion de ceux-ci. L'objectif qui sous-tend les biens communs est la
soutenabilité écologique, sociale et économique
(Errembault, 2012). Ce dernier précise que jadis, c'était une
pratique
156
courante pour gérer et utiliser les terres en commun.
En effet, le berceau des biens communs se situe dans l'Europe du
XIIème-XIIIème siècle. Il
était alors question de gérer les usages concurrents du sol entre
culture, prairie et bois, principalement lorsque la pression
démographique poussait vers l'intensification de l'agriculture et du
pâturage. Le concept de bien commun permettait également un
arbitrage lors de différends entre seigneur et villageois. Des droits
partagés sur un même lopin de terre étaient mis en
oeuvre.
Les biens communs constituent ainsi une forme institutionnelle
historique qui permet l'action collective par laquelle les protagonistes
définissent eux-mêmes le bien commun et la structure
institutionnelle qui en assure la pérennité ainsi que les
règles d'accès et d'utilisation basées sur un principe de
confiance mutuelle et de sanction en cas de transgression des règles
communément admises.
V.1.2. Un concept longtemps oublié, revenant
récemment sur le devant de la scène.
Plusieurs évolutions ont fait reculer le fait
communautaire qui faisait la part belle à l'implication des citoyens et
à l'ancrage local. D'abord, les Lumières qui firent de l'individu
émancipé l'unité de base de la société.
Ensuite, la constitution des Etats-Nations par laquelle la
société devint centralisée. Ce fut désormais
à L'État qu'échut de définir le cadre
économique et les formes des institutions légalement acceptables.
Enfin, le modèle de l'économie de marché qui allait mener
à la surexploitation. Ces trois évolutions conduisirent, dans le
milieu du XIXème siècle, à la dissolution des
terres communales ou détenues en commun à travers toute l'Europe
de l'Ouest (Errembault, 2012).
En 1968, le biologiste américain Hardin offrit au monde
une puissante métaphore en publiant dans le magazine Science un article
intitulé « The Tragedy of the Commons » (« La
tragédie des communs », encadré 2). Pour lui, le destin
inévitable d'un pâturage abandonné au commun est la
surexploitation, qui pourra être évitée par la
reconnaissance de la propriété privée ou par le recours
à la gestion publique.
157
L'encadré 2 présente la tragédie des
communs de Hardin que nous illustrons avec le cas des espaces de
pâturages commun utilisé à la fois par les éleveurs
et les agriculteurs.
Encadré 2. La tragédie des communs
de Hardin : analyse à partir des espaces de pâturage au
Nord-Cameroun
L'image proposée par Hardin est celle d'un
pâturage sur lequel les fermiers mènent leurs troupeaux. Chaque
fermier a intérêt à laisser brouter son cheptel davantage
que ne le fait le fermier voisin. Si chaque fermier agit de la sorte pour
maximiser son profit, le pâturage se dégrade petit à petit,
de manière imperceptible au début, mais de manière
définitive au bout du compte. C'est la surexploitation. Tel est le
destin inévitable d'un pâturage abandonné au commun, selon
Hardin.
La tragédie du commun peut être appliquée
au contexte des zones de pâturage au Nord-Cameroun. En effet,
après la délimitation des zones de pâturage par l'Etat avec
l'appui des projets de développement, les agriculteurs ont
continué à y cultiver. Ne pouvant rien contre ces pratiques, les
éleveurs ont commencé à installer leurs campements
à l'intérieur et à leur tour à y cultiver. Les
premiers venus invitent et accueillent même de nouveaux candidats
à la sédentarisation qui à leur tour se mettent à
cultiver. Ce qui contribue à l'amenuisement et à la longue
à la disparition des espaces de pâturage de saison de pluie.
|
Le modèle de la tragédie des communs de
Hardin stipule que, lorsqu'une ressource est en libre accès, chaque
utilisateur est conduit spontanément à puiser sans limite sur la
ressource, conduisant à sa disparition. L'exemple donné est
basée sur la métaphore du pâturage communal en accès
libre : chaque éleveur individuel, rationnel, est incité à
y placé un nombre (trop) élevé d'animaux car le
bénéfice qu'il en tire est privé alors que le coût
de la surexploitation est collectif (et donc moindre que le
bénéfice privé). En d'autres termes, chaque éleveur
cherche à accroître son troupeau puisque, de toute façon,
le prix à payer est quasi-nul par rapport au bénéfice
immédiat obtenu. Mais, au terme de ce processus, tous les
éleveurs sont perdants. En outre, si chaque éleveur partageant un
pâturage prenait la décision économique, individuellement
rationnelle, d'augmenter le nombre d'animaux qu'il fait paître, cela
aurait l'effet global d'appauvrir ou de détruire le pâturage.
Autrement dit, des individus multiples, agissant indépendamment et
rationnellement selon leur intérêt personnel, finiront par
épuiser la ressource limitée qu'ils partagent, même s'il
est évident que cela va contre l'intérêt à long
terme de chacun (Burke, 2011). On relève ici une parenté de cette
« tragédie » avec la thèse de la surpopulation
que Malthus avait énoncée à la fin du
XVIIIème siècle. Selon Hardin, il n'y a que trois
solutions à cette « tragédie » : la limitation
de la population pour stopper la surconsommation, la nationalisation ou la
privatisation. Émise à la veille du grand mouvement de
dérégulation et de déréglementation de
158
l'économie mondiale, on comprend que la
troisième voie fut exploitée à fond pour justifier le
recul de l'intervention publique (Harribey, 2011).
Le jeu du dilemme du prisonnier modélise
grâce à la théorie des jeux la tragédie des jeux
non coopératifs de Hardin : lors d'un jeu non coopératif
(absence de communication) avec information complète, les joueurs sont
toujours rationnellement incités à « trahir ».
Rappelons ainsi que la théorie des jeux part de l'homo economicus
et cherche à comprendre l'action collective. L'une des situations
les plus connues est caractérisée comme « dilemme du
prisonnier » qui constitue la représentation
emblématique de situations où « des comportements
individuels rationnels conduisent à des résultats collectivement
irrationnels » (Ostrom, 1990 : 5). Le dilemme du prisonnier
(encadré 3) a été appliqué à la
question des ressources naturelles (Hardin, 1968). Ce dernier explique que les
ressources qui sont en libre-accès ne peuvent être
préservées qu'en maintenant dans une situation de
sous-consommation, et donc de sous-population. Que la population augmente ou
que les droits soient mal définis et nous assistons à la «
tragédie des communs » : chaque acteur a intérêt
à maximiser sa consommation et ce comportement conduit à la
destruction des « communs ».
Encadré 3. Le dilemme du prisonnier :
analyse à partir des relations entre agriculteurs et
éleveurs
On résume souvent cette situation de la manière
suivante : Deux suspects sont arrêtés par la police. Mais les
agents n'ont pas assez de preuves pour les inculper, donc ils les interrogent
séparément en leur faisant la même offre. « Si tu
dénonces ton complice et qu'il ne te dénonce pas, tu seras remis
en liberté et l'autre écopera de 10 ans de prison. Si tu le
dénonces et lui aussi, vous écoperez tous les deux de 5 ans de
prison. Si personne ne se dénonce, vous aurez tous deux 6 mois de prison
». Si chacun poursuit son intérêt individuel, ils vont
se dénoncer mutuellement et écoper de cinq ans de prison. S'ils
coopèrent ils ne feront que six mois. Mais pourquoi
coopèreraient-ils ? C'est là que la discussion commence, que l'on
étudie le rôle de la confiance, des institutions, etc. Le fond du
débat est qu'il existe des situations « gagnant-gagnant » qui
ne sont pas immédiatement accessible, que cela vienne d'un défaut
d'information (Herbert Simon, mais aussi Joseph Stiglitz sur les
asymétries d'information), d'un défaut de confiance, d'attentes
non-partagées, de défaut de sécurité juridique ou
autre, tous ces biais générant des incitations à se
comporter comme un « passager clandestin » : tirer les
bénéfices Sans payer son dû (Flipo, 2010).
|
Si les suspects, au lieu de se dénoncer mutuellement,
coopèrent, ils subiront des peines moins lourdes. Mais ils ne sont pas
portés spontanément à la coopération, et,
dès lors, tous ont tendance à se comporter en «
passagers clandestins ». C'est la pertinence de ce modèle
que va attaquer vigoureusement Elinor Ostrom sur la base d'une approche
néo-institutionnaliste. Ostrom estime que cette «
tragédie » n'est pas inéluctable comme le pensait
Hardin. Au contraire, les éleveurs peuvent l'éviter s'ils
décident de
159
coopérer en instaurant une surveillance mutuelle de
l'utilisation de la terre et des règles pour la gérer. Dans le
même sens, Olson (1965) s'attaque à l'idée qu'une
hypothèse de comportement individuel rationnel conduirait
spontanément les groupes sociaux à agir collectivement
conformément à leur intérêt. Pour lui, c'est
précisément ce que la théorie des jeux tend à
démentir. Les comportements de passager clandestin seraient au centre
des défaillances de l'action collective : l'intérêt de
chacun est de profiter d'un bien collectif, sans investir lui-même dans
sa production et sa gestion. La logique de l'action collective telle que
décrite par Mancur Olson est l'application de ces principes à
l'action collective : il est, pour cet auteur, entièrement irrationnel
de participer à une action collective, dans la mesure où il est
plus efficace de laisser les autres se mobiliser tout en profitant des
résultats de leur action (comportement du passager clandestin).
Ostrom et Basurto (2011) proposent une classification des
règles, qui prend appui sur le langage de la théorie des jeux.
Pour eux, toute « situation d'action » (à quelque
niveau que ce soit, depuis une communauté jusqu'au niveau national ou
international) s'analyse comme une interaction entre des acteurs qui ont
certaines positions, des capacités d'action aux différentes
étapes des processus de décision, liées au degré de
contrôle et aux informations dont ils disposent, aux conséquences
vraisemblables de leurs actions et aux coûts et bénéfices
attendus de ces conséquences (Ostrom et Basurto, 2011 : 323).
D'ailleurs, des années après, Hardin fut
amené à revenir sur son article et précisa alors qu'il
s'agissait d'une analyse de la « tragédie des communs non
gérés ». La métaphore de Hardin se
révèle en fait erronée sur trois points : (1) il
confondait bien commun et no man's land - ou open access - ;
(2) il partait du principe que les fermiers ne parlaient pas entre eux or les
personnes exploitant des ressources en commun échangent beaucoup entre
eux. Ils établissent des règles d'accès et d'utilisation
des biens communs pour les sauvegarder ; (3) il partait du principe que les
hommes produisent dans le but de dégager un profit or la logique des
biens communs vise avant tout la satisfaction des besoins de subsistance des
utilisateurs (Errembault, 2012).
160
Elinor Ostrom propose une vision très enthousiasmante
des biens communs dans son ouvrage, paru en 1990, Governing the commons.
The Evolution of Institutions for Collective Action. Ses années de
recherche ont été récompensées par le prix Nobel
d'économie en 2009. Elinor Ostrom a scruté de très
nombreux biens communs. Les « ressources communes » sont en
effet des biens dont la consommation est à rivalité
élevée et dont il est difficile de limiter le nombre de
bénéficiaires. Cela peut être le cas des pêcheries,
des forêts, de l'eau des canalisations d'une vile etc. Le pêcheur
qui prélève du poisson le rend indisponible pour les autres
pêcheurs. Mais il ne peut pas exclure les autres pêcheurs. Et
Ostrom constate que, contrairement à ce que disait Hardin, il existe de
par le monde des dizaines de milliers de cas de gestion des ressources qui ne
tournent pas à la « tragédie des communs ». Il
existe aussi de nombreux cas où ce que Hardin prévoyait se
produit effectivement. Sa recherche consiste à essayer de mettre en
évidence les régularités qui expliquent quels sont les
facteurs décisifs (Flipo, 2010).
Dans son troisième chapitre, l'auteur livre plusieurs
monographies sur des études de cas qu'elle a menées ou dont elle
fait la synthèse. Son objet d'étude est les ressources communes
le plus souvent renouvelables dans une communauté de petite
échelle. À partir de l'hypothèse que la connaissance des
règles est totale pour chaque membre de la société, la
conclusion est que la solution trouvée est la meilleure possible :
l'optimum est toujours au rendez-vous de la coordination (Harribey, 2011). Elle
a retenu puis analysé ceux qui étaient en bon état
malgré leur utilisation intensive. Pour ceux-là, elle a
identifié sept caractéristiques communes qui peuvent servir de
principes pour maintenir des biens communs en bon état : (1) des
frontières clairement définies qui soient reconnues ; (2) des
règles d'accès et d'appropriation qui soient en adéquation
avec les conditions sociales et environnementales locales ; (3) des
règles collectives permettant aux utilisateurs des biens communs de
participer à la prise de décisions ; (4) un monitoring de l'usage
et de l'état du bien commun réalisé par des utilisateurs
mandatés par la communauté ; (5) une échelle de sanctions
graduelles à l'encontre de ceux qui outrepassent les règles
communautaires ; (6) des mécanismes de résolution de conflit qui
soient simples et accessibles facilement ; (7) l'auto-
161
détermination de la communauté est reconnue et
encouragée par les niveaux supérieurs successifs
d'autorité. Ostrom cesse de se fixer sur la nature des biens qui
déterminerait leur caractère de commun et elle se penche au
contraire sur le cadre institutionnel et réglementaire qui
préside à leur érection en tant que communs, mieux, qui
les institue en tant que communs (Harribey, 2011).
Les facteurs qui rendent les systèmes
socio-écologiques « robustes » sont au nombre de huit : des
frontières clairement définies (qui a droit de pêcher) ;
des bénéfices proportionnés aux coûts (la
quantité permise dépend du travail fourni, des matériaux,
du capital) ; des règles issues des individus qui en participent, au
moins de leur élite ; une « surveillance » (ceux qui
surveillent le comportement des individus et le niveau de la ressource peuvent
eux-mêmes être surveillés, ce qui s'obtient notamment par le
biais de rotation dans les tâches) ; des sanctions graduées (de la
part des autres usagers ou autre) ; la présence de mécanismes de
résolution des conflits rapides, accessibles et peu coûteux, que
ce soit pour les conflits entre usagers ou les conflits entre usagers et
autorités ; le droit des usagers à s'organiser eux-mêmes et
à participer à l'évolution des règles ; et, dans le
cas de systèmes de taille importante, des entreprises «
imbriquées » (« nested ») dans le tissu
local (Flipo, 2010).
L'auto-gouvernance peut fonctionner de manière
efficiente. Elle vise à laisser la gestion du bien commun à ceux
qui sont en prise directe avec lui. Finalement, en matière agricole, ce
sont ceux qui travaillent la terre qui sont le plus à même de la
connaître le mieux. Mais il y a certaines conditions préalables
à la bonne gestion des biens communs, notamment celle de la
reconnaissance et du soutien des niveaux successifs d'autorité de
tutelle qui peuvent être rassurées qu'un tel mode de gestion peut
faire face sereinement à la pression du mode de marché ou trouver
avec lui des interactions intéressantes (Errembault, 2012).
Ostrom met en évidence cinq facteurs qui sont
régulièrement présents dans les échecs : des
changements exogènes rapides, qui ne permettent pas de changer les
règles internes assez rapidement (exemple des pêcheries du nord de
la Norvège) ; un déficit de transmission des principes
opérationnels d'une génération à une autre ; les
programmes qui reposent sur des « modèles » («
blueprint thinking ») et un accès aisé
162
à des fonds extérieurs ; la corruption et
d'autres formes de comportement « opportuniste » (qu'Ostrom
définit comme) ; et enfin le manque de d'institutions permettant
d'établir une information vérifiable, de la disséminer, de
résoudre les conflits à un coût peu élevé,
d'assurer l'éducation, le manque d'équipements pour faire face
aux catastrophes naturelles et autres problèmes majeurs à
l'échelle locale.
Par ailleurs, l'analyse d'Olson (1965) s'appuie sur
l'importance donnée à la différenciation des groupes selon
leur taille. Olson distingue en effet les petits groupes, les groupes « de
taille intermédiaire » et les grands groupes. Et il
considère que les comportements des agents et les conditions de
coordination ne sont pas les mêmes, dans ces différents types de
groupes. Sans entrer ici dans le détail de son argumentation, et des
conclusions très discutables qu'il tirera de ses analyses, il estime que
si, dans les grands groupes, seuls des systèmes d'incitation
imposés aux agents peuvent assurer une coordination efficace, dans les
petits groupes et, dans une certaine mesure dans les groupes de taille
intermédiaire, les comportements sont tels que des mécanismes de
coordination prévenant les comportements de passager clandestin pourront
se mettre en place spontanément. Elinor Ostrom va reprendre et
développer cette idée, à sa manière, pour expliquer
ce qui est pour elle le constat majeur qui résulte de l'observation de
l'organisation des pools communs de ressources : la capacité des acteurs
privés à résoudre des problèmes d'action
collective, en construisant par eux-mêmes des systèmes de
règles, des « modes de gouvernance » adaptés
aux problèmes précis auxquels ils sont confrontés. Cette
manière d'aborder la question générale des communs
délimite à notre sens assez strictement le champ d'application
des analyses d'Ostrom : le cas de la gestion de ressources communes à un
groupe aux frontières bien définies, et de taille limitée
(Weinstein, 2013).
Toutes les situations de ressources communes sont
confrontées à des environnements incertains et complexes. Par
contraste, les populations de ces endroits font montre de stabilité, ont
partagé leur passé et comptent partager leur avenir. Autrement
dit, leur taux d'actualisation est faible. Si de lourds investissements sont
à faire, elles sont susceptibles d'en récupérer les
bénéfices. Les normes élaborées sont
développées dans
163
toutes les situations de manière précise.
L'intérêt personnel prudent de long terme renforce l'acceptation
des normes de comportement approprié.
Principes de conception : On peut s'attendre à ce que
de tels individus s'engagent conditionnellement à suivre des
règles, lorsque :
- les limites sont clairement définies : « les
individus ou ménages possédant des droits de prélever des
unités de ressources d'une ressource commune doivent être
clairement définis, ainsi que les limites de la ressource en tant que
telle » ;
- la concordance entre les règles d'appropriation et de
fourniture et les conditions locales : « les règles qui
restreignent, en termes de temps, d'espace, de technologie et/ou
quantité l'appropriation des unités de ressources sont
liées aux conditions locales et aux obligations en termes de main
d'oeuvre, de matériel et/ou d'argent » ;
- des dispositifs de choix collectif : « la plupart
des individus concernés par les règles opérationnelles
peuvent participer à la modification des règles
opérationnelles » ;
- la surveillance : « les surveillants qui examinent
les conditions de la ressource commune et le comportement des appropriateurs
rendent compte aux appropriateurs ou sont des appropriateurs eux-mêmes
» ;
- des sanctions graduelles : « les appropriateurs qui
transgressent les règles s'exposent à des sanctions graduelles
(en fonction de la gravité et du contexte de l'infraction) par les
autres appropriateurs et/ou agents travaillant pour le compte des
appropriateurs » ;
- des mécanismes de résolution des conflits :
« les appropriateurs et leurs représentants disposent d'un
accès rapide à des arènes locales bon marché pour
résoudre les conflits entre appropriateurs ou entre les appropriateurs
et leurs représentants et agents » ;
- une reconnaissance minimale des droits d'organisation :
« les droits des appropriateurs d'élaborer leurs propres
institutions ne sont pas remis en cause par des autorités
gouvernementales externes ».
164
- des entreprises imbriquées pour les ressources
communes appartenant à des systèmes plus grands : « les
activités d'appropriation, de fourniture et de surveillance,
d'application des règles, de résolution de conflits et de
gouvernance sont organisés par de multiples niveaux d'entreprises
imbriquées » (publiques et privées).
Après avoir fait les contours des démarches
théoriques proposées par divers chercheurs et spécialistes
dans le domaine de la gestion des ressources communes, nous allons faire le
point sur les actions menées au Nord-Cameroun et proposer des scenarii
de gestion et de concertation autour des territoires de mobilité.
V.2. De nombreuses interventions aux résultats
mitigés en matière de
concertation et de sécurisation
foncière
De nombreuses interventions se sont attachées, depuis
les années 90, à la sécurisation et à la gestion
intégrée des ressources agropastorales. Nous pouvons citer le
projet de Développement du Paysannat et de Gestion de Terroirs (DPGT),
le Projet d'Appui à la Gestion des Terroirs Villageois (PAGTV), le
Projet d'Appui à l'Auto-Promotion Rurale (PAAR), le projet GESEP, le
PDOB....
Ces projets ont développé trois grands types
d'actions : i) Les premières concernaient la sécurisation d'une
part, des limites villageoises, et, d'autre part, des parcours pastoraux et des
pistes à bétail grâce à la délimitation de
zones agricoles et pastorales au sein des terroirs. Elles ont aussi
porté sur la définition de règles de gestion des espaces
et des ressources (cahiers des charges) ; ii) Quelques expériences ont
concerné la sécurisation des droits fonciers à l'instar du
DPGT ; iii) Plus récemment le Programme de Développement Ouest
Bénoué (PDOB), le Programme National de Développement
Participatif (PNDP), le projet PAGEPA, le Projet de Gestion Durable des Terres
et des systèmes agro-sylvo-pastoraux (PGDT) ont facilité la mise
en place de cadre de concertation pour l'élaboration de Plans
d'Aménagement et de Développement Locaux (niveau village) et
communaux.
165
V.2.1. Délimitation foncières des
villages, des zones pastorales et des couloirs de transhumance
Des méthodes de négociation des limites
villageoises d'une part et, d'autre part des zones pastorales et des couloirs
ont été mises au point. Ces actions ont été
engagées par le DPGT à partir de 1997 avec les notables de la
chefferie chargés des questions d'élevage, notamment le
sarkin saanu, pour identifier et statuer sur l'étendue des
aires pastorales et sur les axes de circulation du bétail qu'il semblait
nécessaire de préserver pour permettre le maintien des
éleveurs face à la progression des espaces cultivés par
les agriculteurs migrants. Ces méthodes s'appuient sur des
négociations menées par « commission ».
Celles-ci regroupent des représentants des différents villages
concernés, des campements d'éleveurs, de la
chefferie36, parfois de l'administration territoriale. Il faut noter
l'importance du rôle de l'animateur, plus ou moins neutre, dans la
préparation et la tenue des sessions de la commission. Une «
descente » sur le terrain est systématiquement
organisée.
La méthode a consisté à repérer le
tracé des limites des aires pastorales ou des pistes à
bétail après concertation entre agriculteurs et éleveurs,
avec l'aval des autorités coutumières, dans l'espoir
d'éviter des litiges quant à l'occupation de l'espace. Les
différentes articulations des limites ont été
matérialisées par l'implantation de bornes en ciment de grande
taille pesant 100 kg. Les coordonnées géographiques de ces points
ont été relevées au GPS. Ces bornes ont été
peintes en blanc, les noms des villages y ont été inscrits en
noir. De petites bornes de 20 à 25 kg, peintes en orange, ont
été positionnées entre les grosses, à 100 m
d'intervalle les unes des autres. Une peinture orange appliquée sur les
arbres indique l'emplacement d'une limite entre territoires. Ensuite on a
procédé à un bornage « lourd » des
lignes de démarcation (bornes de 200 kg, théoriquement
inamovibles pour des paysans). Rappelons que le bornage n'est pas
l'aboutissement concret d'une procédure juridique d'immatriculation
foncière, mais l'implantation après négociation entre les
parties prenantes de bornes sur limites de
36 Les négociations ont eu lieu certes avec
beaucoup de difficultés car au début, l'autorité
traditionnelle s'était catégoriquement opposée à
l'opération. Pour cette personnalité la procédure
était un moyen d'immatriculation de la zone. Elle pensait en effet que
les bénéficiaires devaient s'approprier cette zone et qu'il
n'aurait plus un droit de regard dans sa gestion. Il a fallu plusieurs
séances d'explication et de négociation pour avoir son
adhésion.
166
l'aire de pâturage ou de la piste à bétail
utilisé par les campements des éleveurs mbororo. Enfin, les
limites et les bornes ont été reportées sur une carte
signée par les représentants des différentes
communautés et diffusée auprès d'elles, de
l'administration territoriale, des services techniques agricoles, pastoraux,
forestiers et enfin des autorités traditionnelles, ces dernières
lui ayant donné la caution nécessaire pour lui conférer
une certaine applicabilité et légitimité.
Les décisions obtenues après débats ont
valeur de nouvelles règles. Un procès-verbal est établi.
Il reprend le contenu des accords et décrit les limites
négociées. Un levé des contours et une
représentation cartographique des espaces sont réalisés.
Dans le cas des délimitations des aires pastorales et des pistes
à bétail, une charte mentionne les droits et devoirs des
éleveurs utilisant ces pâturages et des agriculteurs voisins. Les
limites sont matérialisées par bornage.
Le report de la limite et des bornes est fait sur une carte
signée par les parties. Une copie du procès-verbal, des cartes et
des chartes est remise aux parties et, parfois, enregistrée
auprès de la sous-préfecture compétente.
Les décisions sont dans un premier temps
respectées. Elles doivent néanmoins être validées
à la fois par les autorités coutumières et
l'administration territoriale. Mais les accords sont soumis, avec le temps,
à une certaine érosion. De manière plus
conséquente, la délimitation ne peut rester figée : elle
doit évoluer en fonction des pressions accrues sur la ressource. Le
besoin de la pérennité des commissions de concertation se fait
sentir pour accompagner les évolutions. Les méthodologies sont
aujourd'hui largement diffusées. Mais la maîtrise est bien moins
partagée. L'exercice demande une qualité et un engagement de la
part des animateurs, qui doivent dépasser la simple mise en oeuvre de
recettes "formalisées". Deux enseignements peuvent en être
tirés de cette expérience :
- la sélection des animateurs doit être faite
avec soin. Les animateurs devront toujours être capables d'adapter une
"méthodologie de base" à la complexité des situations ;
167
- La formation et l'accompagnement doivent être une
préoccupation permanente. Ils se feront sur la base des retours
d'expérience, d'abord des projets antérieurs puis des actions.
Un autre élément négatif est que la
délimitation et, de manière plus générale, la
concertation dépend trop des projets. Même les commissions
officielles de conflits agro-pastoraux présidées par le
sous-préfet, instaurées par la loi de 1978 ne fonctionnent que de
manière précaire, compte tenu de leurs coûts,
considérés comme exorbitants. Les projets les plus
récents, sauf le projet GESEP, ne s'appuient plus sur ce dispositif,
auxquelles les populations rurales font peu confiance.
Le projet GESEP (Gestion Sécurisée des Espaces
Pastoraux) a contractualisé TERDEL-GIE37 pour réaliser
un travail de médiation et de sécurisation des parcours dans
trois unités administratives du Département de la
Bénoué notamment dans les arrondissements de Ngong, Touroua et
Lagdo (GESEP, 2006). Comme pour le DPGT, le travail de médiation et de
négociation s'est appuyé sur une large consultation des acteurs
concernés ainsi que d'autres personnes ressources. Cette consultation a
permis d'avoir une meilleure connaissance du conflit et de mieux
appréhender les enjeux dans le but de définir un cadre
approprié de négociations. Une attention particulière a
été accordée à la cartographie. Elle a fourni
d'importants renseignements sur l'état des lieux et les
différents modes d'occupation de l'espace. On a obtenu grâce
à ce travail un support visuel qui permet d'amorcer les
négociations sur la base d'éléments objectifs. Le travail
de cartographie est intervenu également après les
négociations. Il s'agissait alors de reporter sur les cartes le
tracé des limites retenues de manière consensuelle.
L'opération de cartographie a nécessité un important
travail de terrain. Les activités ont démarré
mi-août 2002 et se sont achevées fin janvier 2003.
Le GESEP a également mené des actions en faveur
de l'évolution institutionnelle de la commission paritaire. La
commission paritaire a été mise en place dans le cadre des
activités du projet DPGT. Elle a été mise en place pour
faire face aux nombreuses demandes d'interventions dans le domaine de la
médiation foncière au regard de la
37 Territoire et Développement Local-Groupement
d'Intérêt Économique.
168
multiplication des conflits agro-pastoraux suite à la
création des villages ex-nihilo par des migrants. La commission
consultative d'arrondissement étant difficile à mobiliser et
à déplacer, il a fallu trouver une solution « provisoire
» pour répondre aux nombreuses demandes afin de régler des
conflits là où ils existent ou d'intervenir par anticipation afin
d'éviter que les conflits ne se produisent. La commission a
été placée sous la présidence du Chef de District,
ce qui lui confère un caractère formel. Toutes les
activités menées dans le cadre de cette convention ont
bénéficié du concours de la commission paritaire.
Trois innovations ont été introduites pour
favoriser l'évolution de la commission paritaire :
- Une session de formation a été
organisée avec pour de fournir aux éleveurs tous les outils et
informations nécessaires pour leur permettre de participer activement
aux négociations qui seront organisées par la commission
paritaire. Jusque-là, on constatait que c'était les agriculteurs
(qui bénéficient d'un meilleur encadrement en matière
d'organisation notamment) qui réagissaient rapidement pour
défendre leurs intérêts.
- Les responsables des services régionaux des domaines
et du cadastre ont été déplacés sur les sites
à borner pour travailler avec la commission paritaire. L'objectif
était d'établir une passerelle entre la commission paritaire et
la commission d'arrondissement. Si ces types de mission étaient
concluants, on pourrait proposer que la commission paritaire intervienne comme
« une annexe » de la commission d'arrondissement ;
- Des modèles de nouveaux documents d'officialisation
et de contractualisation ont été proposés pour
appréciation aux autorités départementales. Ces documents
avaient pour finalité d'officialiser et de légaliser les travaux
de la commission paritaire.
Si ces innovations avaient été menées
à terme, elles auraient permis à la commission paritaire
d'évoluer dans le sens du renforcement de sa légitimité et
de conférer à ses actions un caractère légal.
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