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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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IV.3. Les territoires de transhumance saisonnière

La transhumance saisonnière se déroule sur des zones bien éloignées et donc en discontinuité géographique par rapport au territoire d'attache.

IV.3.1. Territoires complémentaires pour la petite transhumance de

saison sèche chaude

La petite transhumance peut être considérée comme le déplacement de courte amplitude ou de courte durée des éleveurs mbororo avec leurs animaux (Figure 13).

Relations sociales

- Accès libre

- Les bergers font pâturer les

TERRITOIRE

COMPLEMENTAIRE POUR LA PETITE TRANSHUMANCE

Fonctionnement

- Manque de coordination collective pour le départ en transhumance entre les éleveurs - Conflits avec les maraîchers le long des berges

- Conflits avec les agriculteurs pour les dégâts sur les cultures lors du retour au territoire d'attache

- Déplacement de courte amplitude (20 km à partir du territoire d'attache)

- Séjour de courte durée (2 à 3 mois)

- Utilisation des berges de cours d'eau (mars - mai et juillet - septembre)

- Utilisation des petits hurum (mars - fin juin) - Départ en transhumance en rang dispersé à intervalle de deux à trois semaines selon les cas

- Pâturage peu fourni et de qualité médiocre - Les éleveurs ayant beaucoup d'animaux laissent une partie dans le territoire d'attache

- Utilisation des parcours naturels et notamment des fourrages arborés

- Réception des compléments alimentaires comme le tourteau de coton et le sel - Fin de la transhumance avec la généralisation des pluies (fin juillet)

Pratiques pastorales

Statut du territoire

- Bassins de transhumance non

juridiquement classés comme espaces pastoraux

- Statut pastoral précaire

- Non appropriés par des acteurs

- Exploités par les agriculteurs des villages voisins (berges pour le maraîchage, la riziculture)

- Exploités par les éleveurs de manière saisonnière

- Vaine pâture

Pratiques agricoles

- Cultures maraîchères le long des berges - Mise en place des culture vers la fin de cette transhumance (début avril)

- Dégâts minimes sur les cultures

- Retour des animaux dans le territoire d'attache pour la fumure des parcelles

animaux en traversant les villages

- Le retour se fait par route à

cause des cultures qui

commencent à être mise en place

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Figure 13. Fonctionnement des territoires complémentaires pour la petite transhumance La petite transhumance concerne d'abord les petits troupeaux et se pratique à moins de 20 km du territoire d'attache. Deux territoires sont concernés par cette transhumance pendant des périodes bien distinctes : la berge de la Bénoué (mars - mai et juillet - septembre) et le hurum de Gouna (mars - fin juin). Les départs en transhumance pendant cette période se font en rang dispersé selon les types d'exploitations à un intervalle de deux à trois semaines. C'est chaque berger qui décide à quel moment partir, quel site choisir et quel itinéraire suivre. En effet, les petits éleveurs partent en transhumance plus tard que les autres. Le nombre réduit de leurs animaux leur permet de rester quelques jours de plus sur le territoire d'attache afin de pâturer les petits espaces dans ce territoire et dans celui des villages voisins. Les éleveurs traversent des villages en faisant pâturer leurs animaux en chemin avant d'arriver dans les territoires complémentaires. Par contre, le retour se fait par la route car les mises en place des cultures commencent à se généraliser.

Le début du mois de mars, en pleine saison sèche chaude (ceedu), est un moment très difficile pour l'alimentation des animaux car le pâturage est peu fourni et de qualité

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médiocre. Le manque d'eau et la rareté des résidus de culture aggravés par le début de la préparation des champs pour la prochaine campagne agricole avec le brûlis des restes des pailles de culture sont les principaux facteurs qui déterminent les déplacements. Ainsi, après l'épuisement des résidus des cultures pluviales, le cheptel transhumant (horedji) effectue pendant la saison sèche chaude (ceedu : février-mars-avril), de petites transhumances dans les bassins de production céréalière de contre saison (sorgho muskuwaari cultivé sur les argiles gonflantes et riz en périmètres irrigués) ou dans les zones inondables pourvues d'importantes superficies de pâturage naturel situées sur un rayon de 50 à 75 km. Il peut être accompagné de certains animaux du cheptel de case (souredji) si les territoires d'attache et de proximité sont dépourvus de zones inondables accessibles au bétail. En fin de saison sèche chaude (avril), certains éleveurs non satisfaits si la saison a été rude pour le bétail, descendent au sud pour bénéficier des pluies précoces pendant 1 mois. Dans tous les cas, le bétail doit retourner sur le territoire d'attache (mai, juin, juillet) pour finaliser la fertilisation des parcelles à cultiver.

Les éleveurs qui ont beaucoup d'animaux en laissent une partie dans le territoire d'attache surtout pour la fumure des parcelles, mais aussi pour des besoins de production d'un peu de lait pour la famille et de complémentation ou de soin aux animaux mal en point. Ces derniers s'alimentent à partir des parcours naturels, principalement les fourrages arborés lorsqu'ils ne sont pas détruits par les feux. Ils reçoivent également des compléments alimentaires comme le tourteau de coton et le sel.

Ces bassins de transhumance ne sont pas juridiquement classés comme espaces pastoraux car cultivés ou inondés en saison des pluies. Leur rôle fondamental pour l'élevage est incontournable. Leur statut pastoral reste précaire du fait de la concurrence à venir entre les éleveurs qui en font un usage pastoral incontournable en saison sèche et les agriculteurs qui pourraient être amenés à les défricher pour implanter des cultures de contre saison (maraîchage, riziculture, etc.). Leur gestion durable ne peut émaner que d'une concertation entre les autorités traditionnelles en

charge, les services administratifs concernés et les fédérations d'éleveurs et d'agriculteurs.

La fin de la transhumance dans cette zone s'achève avec la généralisation des pluies, fin juillet. Elle peut également être précipitée par les dégâts dans les champs à proximité, obligeant les éleveurs à s'enfuir plus tôt que prévu. Au retour, toutes les pistes sont fermées par les champs. Les animaux ne peuvent passer qu'en bordure de la route.

IV.3.2. Territoires délimités pour la grande transhumance en saison des

pluies

La mise en culture des parcelles et l'exigüité des parcours sur les territoires d'attache et ses environs amènent les détenteurs de grands effectifs de bétail (80 têtes et plus) à effectuer une grande transhumance vers des sites éloignés (75 à 100 km) reconnus ou délimités par l'administration ou l'autorité traditionnelle (Figure 14).

Relations sociales

- Accès libre à ces territoires

- Les bergers pâturent les animaux dans la zone délimitée

- Les autorités traditionnelles contrôlent l'accès à ces territoires - Paie d'une taxe d'accès par les éleveurs

- Influence des hommes d'affaires et citadins pour l'accès à ces territoires

- Tragédie des communs

TERRITOIRE DELIMITE POUR LA GRANDE TRANSHUMANCE

Fonctionnement

- Manque de coordination collective pour le départ en transhumance entre les éleveurs - Conflits à l'intérieur de ces zones à causes des cultures des éleveurs et des agriculteurs - Échanges entre les éleveurs et les agriculteurs des villages voisins (lait, céréales) - Vente de lait sur les marchés voisins - Utilisation du téléphone portable pour les échanges avec les éleveurs des territoires d'attache et avec les citadins

- Déplacement de longue amplitude (75 à 100 km à partir du territoire d'attache) - Séjour de courte durée (1 à 2 mois) - Utilisation des parcours naturels

- Faible complémentation des animaux - Départ en transhumance en rang dispersé à intervalle très rapprochées (2 à 3 jours selon les cas)

- Pâturage fourni et de qualité bonne - Les éleveurs ayant beaucoup d'animaux laissent une partie dans le territoire d'attache pour le lait et le labour

- Fin de la transhumance avec le début des récoltes (fin septembre)

- Utilisation de bergers non peuls par certains éleveurs

- Risques de prises d'otages contre de fortes rançons

Pratiques pastorales

Statut du territoire - Zones de transhumance juridiquement classés comme espaces pastoraux

- Statut pastoral plus ou moins stable selon la personnalité de l'autorité traditionnelle compétente

- Appropriés par des acteurs (éleveurs et agriculteurs des villages voisins)

- Exploités par les éleveurs de manière saisonnière pendant l'hivernage

- Vaine pâture

Pratiques agricoles - Une violation permanente des agriculteurs pour la culture du maïs et du sorgho pluvial - Pratique de l'agriculture de case par les éleveurs

- Dégâts minimes sur les cultures

- Utilisation de la fumure organique

- Utilisation importante de la main-d'oeuvre par les éleveurs pour les activités agricoles

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Figure 14. Caractérisation des territoires délimités pour la grande transhumance

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Il s'agit plus généralement de la transhumance du cheptel horedji vers ces sites de grands parcours de plaines ou de collines difficilement cultivables. À la fin de l'hivernage, les animaux retournent sur le territoire d'attache, pour valoriser les résidus de cultures pluviales et fertiliser les parcelles des éleveurs. L'accès aux pâturages éloignés pour la grande transhumance d'hivernage passe à l'aller comme au retour par la route. Les pistes de transhumance délimitées traversent les villages et sont obstruées par les cultures.

Sur ces sites, les agriculteurs migrants cultivent de plus en plus et pourraient prochainement ne plus respecter les limites de ces grands parcours indispensables au pastoralisme. De même, certains éleveurs commencent à y délocaliser une partie de leur troupeau et pourraient à moyen terme s'y sédentariser et y développer l'agriculture de la même manière que sur leurs territoires d'attache originels.

La grande transhumance (ruumirde) (juillet - octobre) intéresse de plus grands effectifs et des parcours de grande surface partagés avec un grand nombre d'éleveurs dans le hurum de Kalgué à l'ouest et la région de Dembo au nord peu peuplée du fait du relief. Les gros éleveurs vont en transhumance plus tôt (dès la mi-juillet) et vont plus loin à cause du nombre assez élevé des animaux dont ils ont la garde. Les éleveurs n'ayant pas assez d'animaux peuvent rester sur place ou juste à côté du territoire d'attache, se contentant des espaces de pâturage dans le territoire et autour des territoires voisins.

Pendant ce temps, les gros éleveurs convoient leurs animaux en rangs dispersés et en petits groupes vers les espaces de pâturage. Cette division du troupeau est choisie afin d'éviter les dégâts des cultures en se frayant un chemin et pour valoriser au mieux les pâturages et pour dissimuler leur capital aux yeux des preneurs d'otage qui les rançonnent et des autorités traditionnelles qui les taxent.

Dans certaines zones de grande transhumance, les éleveurs très réguliers ou socialement bien intégrés, délocalisent une partie du troupeau pour atténuer divers risques et contraintes liés aux longs déplacements annuels. Le bétail est confié à un berger, généralement un membre de la famille, qui s'installe de façon quasi-permanente sur le site, et ne ramène plus le troupeau sur le territoire d'attache originel.

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Des échanges d'animaux se font régulièrement entre les troupeaux délocalisés qui accueillent les veaux sevrés, et les troupeaux de case qui s'enrichissent de vaches laitières accompagnées de leurs veaux. Si le site se révèle intéressant, les bergers ressortissants d'un même clan ou d'une même grande famille agrandissent le noyau familial (mariage, rapatriement de femmes et d'enfants) et parviennent à terme, à développer un nouveau territoire d'attache sur lequel ils pratiquent également l'agriculture.

Bien plus qu'une simple stratégie d'élevage, la délocalisation du troupeau participe d'une stratégie d'essaimage des familles d'éleveurs et de sécurisation et fructification de leur patrimoine animalier. Certes, intéressante à court terme pour les familles d'éleveurs, cette délocalisation ne peut être durable pour l'élevage que si elle échappe au modèle préexistant de gestion des ressources naturelles sur les territoires d'attache anciens. Tout développement agricole sur ces zones d'accueil, doit être encadré et planifié de façon à préserver ses fonctions pastorales.

Sur les territoires d'attache et de proximité, les éleveurs accèdent gratuitement aux espaces et aux ressources, en s'efforçant de respecter et de faire respecter les règles traditionnelles. Par contre, sur les territoires de transhumance, ils sont étrangers et doivent payer une redevance forfaitaire. Un montant de 20 000 à 40 000 FCFA par troupeau est payé au sarkin saanou (ministre traditionnel de l'élevage). Cette redevance devient symbolique lorsque le transhumant s'intègre socialement dans le terroir et peut ultérieurement y délocaliser une partie de son troupeau ou s'y sédentariser.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci