IV.2.2. Le territoire pastoral de proximité en
saison sèche froide
Dès la fin des récoltes, les troupeaux de case
et les troupeaux transhumants revenus sur le territoire d'attache valorisent
successivement les résidus de cultures des éleveurs, puis ceux
des agriculteurs voisins durant toute la saison sèche dès que les
productions sont sorties des champs. C'est pendant cette période de
vaine pâture que le propriétaire peut décompter ses
bêtes, faire le point avec le berger, et profiter de la fumure animale
via le parcage du troupeau sur les parcelles.
La date d'ouverture de la vaine pâture est arbitraire.
Avec le début des récoltes, les animaux commencent à
revenir timidement dans les territoires d'attache en empruntant les routes ou
les pistes de transhumance identifiées quelques jours avant pour
éviter les dégâts sur les cultures. C'est la période
de vaine pâture des résidus de culture (nyayle) dans le
territoire d'attache et ceux des villages voisins où les champs de
maïs et d'arachide semés précocement (en mai et juin)
commencent à être récoltés.
Les éleveurs valorisent d'abord leurs propres
résidus de cultures et ceux des agriculteurs qui les tiennent
informés des parcelles dont les produits ont été
précocement récoltés. Les éleveurs affirment leurs
droits sur les résidus de cultures et anticipent parfois leur
entrée sur la parcelle s'ils constatent que l'agriculteur
propriétaire de la parcelle retarde la récolte. Face aux
agriculteurs migrants, ils considèrent les résidus de cultures
comme une contrepartie du fourrage qu'ils ont perdu suite au
défrichement des grands parcours par ces derniers.
Les éleveurs qui sèment plus tard que les
paysans leurs parcelles de maïs reviennent pour commencer la vaine
pâture chez les paysans avant d'arriver sur leurs propres parcelles.
Les éleveurs prennent le soin au préalable de
s'informer de l'état des récoltes par l'entremise de ceux
restés dans le territoire. Les éleveurs ayant un nombre
réduit d'animaux reviennent dans les territoires d'attache plus
tôt (fin septembre) contrairement à ceux qui disposent d'un grand
nombre d'animaux qui attendent trois semaines (mi-octobre), lorsque les
récoltes sont fortement avancées. Ces derniers scindent leur
troupeau en deux ou trois groupes et ne reviennent pas tous le même jour.
Tandis qu'un premier groupe d'animaux rentre dans le village, les autres
restent
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quelques jours dans les villages voisins pour y pâturer
au fur et à mesure de l'avancée des récoltes.
L'installation dans les territoires se fait aussi
progressivement. Les animaux sont parqués pour la nuit dans les
hurum autour des parcelles. Après la traite, les bergers
commencent par faire pâturer les animaux dans la zone de pâturage.
Puis ils progressent prudemment dans les villages environnants à la
recherche des champs récoltés. Les parcours journaliers sont
assez courts (2 à 3 km). Cependant, la « course » aux
parcelles récoltées s'impose à tous les bergers. La sortie
des animaux se fait de plus en plus tôt le matin pour être les
premiers à pâturer les parcelles nouvellement
récoltées. Certains bergers de la même famille ou
travaillant pour le même patron partent pâturer à deux. L'un
suit les animaux et l'autre s'en va à la recherche des champs
récoltés, identifie le passage pour y arriver et revient chercher
son frère ou son collègue. S'il est seul à suivre ses
animaux, le berger se lève très tôt le matin pour aller
chercher les champs récoltés. Cette pratique est surtout le fait
des enfants des propriétaires de bétail. Les bergers
rémunérés le font très rarement. Le retour se fait
également tard (autour de 19 heures 30). La traite du soir est ainsi
reléguée au second plan et les stratégies laitières
ne sont plus une priorité à cette période, il s'agit
d'abord d'améliorer l'état d'engraissement du bétail en
prévision de la deuxième moitié de la saison sèche
caractérisée, par la rareté des ressources
fourragères.
Dans le territoire d'attache, tous les éleveurs
pâturent librement et gratuitement les différentes parcelles
récoltées. Dans les champs des agriculteurs des villages voisins,
c'est également le cas du fait du droit ancestral de vaine pâture.
Si le propriétaire de la parcelle est présent, une autorisation
lui est demandée. Sinon, le berger constate l'état de la
récolte avant d'y pâturer. Les contrats de parcage sont rares,
mais grâce à leurs bonnes relations, certains éleveurs
peuvent être informés par certains agriculteurs du jour de la
récolte pour venir pâturer gratuitement. Cependant, une modique
somme de 500 ou 1 000 Fcfa peut être remise à l'agriculteur pour
le remercier de son geste.
À partir du mois de décembre, les résidus
de récolte dans les champs vivriers proches des habitations
s'épuisent. L'aire de pâturage est plus importante qu'en novembre.
Les
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trajets sont plus longs (environ 5 km) dans la journée
pour la recherche de parcelles cotonnières récoltées ou de
repousses d'herbacées naturelles. Il s'agit de ressources
localisées bien au-delà de la première auréole de
cultures vivrières appartenant aux éleveurs, sur les territoires
voisins. A cause des champs de coton non encore totalement
récoltés, le berger doit emmener ses animaux plus loin pour
qu'ils pâturent les repousses d'herbacées naturelles et les
résidus d'autres champs.
Les petits éleveurs reviennent tous les soirs dans le
territoire pour continuer à fumer leurs parcelles alors que ceux qui
disposent de gros troupeaux passent quelque fois deux à trois nuits hors
du territoire pour limiter les déplacements, sources de conflits.
Certains éleveurs divisent leur cheptel en deux ou trois lots selon
l'importance du troupeau. Un lot d'animaux revient passer la nuit dans le
territoire pour fumer leurs parcelles et les autres passent parfois plusieurs
nuits sur les espaces de pâturage voisins. Ceux qui ont des
stratégies laitières recommencent à produire du lait, au
moins avec le lot qui revient chaque soir au village à proximité
des femmes qui commercialisent le lait. Tous les éleveurs
complémentent leurs animaux pendant cette période avec du sel
et/ou du natron ainsi qu'avec des écorces d'arbres et certaines plantes
pour lutter contre les infections intestinales et les vers.
Durant le mois de juin les cultures sont mises progressivement
en place dans tous les territoires situés au sud du bassin de la
Bénoué. Les pluies sont plus régulières
malgré des périodes de sécheresse qui surviennent
certaines années. C'est la période au cours de laquelle les
animaux rentrent au village en provenance de Bocki, Gouna ou Tchéboa.
Les troupeaux reviennent pour quatre à cinq semaines entre juin et
début juillet dans les territoires d'attache (tappugo ndunngu)
pour plusieurs raisons. Il s'agit pour les bergers de présenter les
animaux à leurs propriétaires afin qu'ils voient leur embonpoint
et leur état sanitaire mais également pour vérifier leur
nombre. Les éleveurs auscultent leurs bovins pour voir quelles femelles
doivent rester dans le territoire d'attache pour la production de lait et quels
males peuvent être utilisés pour le labour, ou encore pour
certaines bêtes parce que leur état de santé ne leur permet
pas d'aller en transhumance.
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C'est également le moment pour les éleveurs de
préparer leurs champs même si les semis de maïs ne
débutent chez les Mbororo qu'à la moitié du mois de
juillet. Les pâturages pendant cette période sont abondants autour
des cases car l'espace réservé aux cultures n'est pas encore mis
en culture. En pâturant dans les parcelles, les animaux laissent une fois
de plus leurs déjections. Ensuite, les éleveurs le font dans le
souci d'économiser les jachères voisines et les espaces de
pâturages de saison des pluies dans les hurum qui les entourent
et qu'ils exploiteront ensuite.
Lorsque les herbes fraîches et les cultures se
généralisent (fin juillet) et que les cultures dans le territoire
d'attache se mettent en place, les bergers sortent du territoire. Ils entrent
dans les autres espaces non cultivés autour des villages voisins, au
pied des montagnes dans des zones non cultivées, mais aussi au bord des
routes. Le gardiennage est de plus en plus serré et la grande
transhumance s'impose. Et par petits groupes, tout le monde se dirige vers les
grands hurum (Kalgué, Dembo, Naddere).
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