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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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IV.2.2. Le territoire pastoral de proximité en saison sèche froide

Dès la fin des récoltes, les troupeaux de case et les troupeaux transhumants revenus sur le territoire d'attache valorisent successivement les résidus de cultures des éleveurs, puis ceux des agriculteurs voisins durant toute la saison sèche dès que les productions sont sorties des champs. C'est pendant cette période de vaine pâture que le propriétaire peut décompter ses bêtes, faire le point avec le berger, et profiter de la fumure animale via le parcage du troupeau sur les parcelles.

La date d'ouverture de la vaine pâture est arbitraire. Avec le début des récoltes, les animaux commencent à revenir timidement dans les territoires d'attache en empruntant les routes ou les pistes de transhumance identifiées quelques jours avant pour éviter les dégâts sur les cultures. C'est la période de vaine pâture des résidus de culture (nyayle) dans le territoire d'attache et ceux des villages voisins où les champs de maïs et d'arachide semés précocement (en mai et juin) commencent à être récoltés.

Les éleveurs valorisent d'abord leurs propres résidus de cultures et ceux des agriculteurs qui les tiennent informés des parcelles dont les produits ont été précocement récoltés. Les éleveurs affirment leurs droits sur les résidus de cultures et anticipent parfois leur entrée sur la parcelle s'ils constatent que l'agriculteur propriétaire de la parcelle retarde la récolte. Face aux agriculteurs migrants, ils considèrent les résidus de cultures comme une contrepartie du fourrage qu'ils ont perdu suite au défrichement des grands parcours par ces derniers.

Les éleveurs qui sèment plus tard que les paysans leurs parcelles de maïs reviennent pour commencer la vaine pâture chez les paysans avant d'arriver sur leurs propres parcelles.

Les éleveurs prennent le soin au préalable de s'informer de l'état des récoltes par l'entremise de ceux restés dans le territoire. Les éleveurs ayant un nombre réduit d'animaux reviennent dans les territoires d'attache plus tôt (fin septembre) contrairement à ceux qui disposent d'un grand nombre d'animaux qui attendent trois semaines (mi-octobre), lorsque les récoltes sont fortement avancées. Ces derniers scindent leur troupeau en deux ou trois groupes et ne reviennent pas tous le même jour. Tandis qu'un premier groupe d'animaux rentre dans le village, les autres restent

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quelques jours dans les villages voisins pour y pâturer au fur et à mesure de l'avancée des récoltes.

L'installation dans les territoires se fait aussi progressivement. Les animaux sont parqués pour la nuit dans les hurum autour des parcelles. Après la traite, les bergers commencent par faire pâturer les animaux dans la zone de pâturage. Puis ils progressent prudemment dans les villages environnants à la recherche des champs récoltés. Les parcours journaliers sont assez courts (2 à 3 km). Cependant, la « course » aux parcelles récoltées s'impose à tous les bergers. La sortie des animaux se fait de plus en plus tôt le matin pour être les premiers à pâturer les parcelles nouvellement récoltées. Certains bergers de la même famille ou travaillant pour le même patron partent pâturer à deux. L'un suit les animaux et l'autre s'en va à la recherche des champs récoltés, identifie le passage pour y arriver et revient chercher son frère ou son collègue. S'il est seul à suivre ses animaux, le berger se lève très tôt le matin pour aller chercher les champs récoltés. Cette pratique est surtout le fait des enfants des propriétaires de bétail. Les bergers rémunérés le font très rarement. Le retour se fait également tard (autour de 19 heures 30). La traite du soir est ainsi reléguée au second plan et les stratégies laitières ne sont plus une priorité à cette période, il s'agit d'abord d'améliorer l'état d'engraissement du bétail en prévision de la deuxième moitié de la saison sèche caractérisée, par la rareté des ressources fourragères.

Dans le territoire d'attache, tous les éleveurs pâturent librement et gratuitement les différentes parcelles récoltées. Dans les champs des agriculteurs des villages voisins, c'est également le cas du fait du droit ancestral de vaine pâture. Si le propriétaire de la parcelle est présent, une autorisation lui est demandée. Sinon, le berger constate l'état de la récolte avant d'y pâturer. Les contrats de parcage sont rares, mais grâce à leurs bonnes relations, certains éleveurs peuvent être informés par certains agriculteurs du jour de la récolte pour venir pâturer gratuitement. Cependant, une modique somme de 500 ou 1 000 Fcfa peut être remise à l'agriculteur pour le remercier de son geste.

À partir du mois de décembre, les résidus de récolte dans les champs vivriers proches des habitations s'épuisent. L'aire de pâturage est plus importante qu'en novembre. Les

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trajets sont plus longs (environ 5 km) dans la journée pour la recherche de parcelles cotonnières récoltées ou de repousses d'herbacées naturelles. Il s'agit de ressources localisées bien au-delà de la première auréole de cultures vivrières appartenant aux éleveurs, sur les territoires voisins. A cause des champs de coton non encore totalement récoltés, le berger doit emmener ses animaux plus loin pour qu'ils pâturent les repousses d'herbacées naturelles et les résidus d'autres champs.

Les petits éleveurs reviennent tous les soirs dans le territoire pour continuer à fumer leurs parcelles alors que ceux qui disposent de gros troupeaux passent quelque fois deux à trois nuits hors du territoire pour limiter les déplacements, sources de conflits. Certains éleveurs divisent leur cheptel en deux ou trois lots selon l'importance du troupeau. Un lot d'animaux revient passer la nuit dans le territoire pour fumer leurs parcelles et les autres passent parfois plusieurs nuits sur les espaces de pâturage voisins. Ceux qui ont des stratégies laitières recommencent à produire du lait, au moins avec le lot qui revient chaque soir au village à proximité des femmes qui commercialisent le lait. Tous les éleveurs complémentent leurs animaux pendant cette période avec du sel et/ou du natron ainsi qu'avec des écorces d'arbres et certaines plantes pour lutter contre les infections intestinales et les vers.

Durant le mois de juin les cultures sont mises progressivement en place dans tous les territoires situés au sud du bassin de la Bénoué. Les pluies sont plus régulières malgré des périodes de sécheresse qui surviennent certaines années. C'est la période au cours de laquelle les animaux rentrent au village en provenance de Bocki, Gouna ou Tchéboa. Les troupeaux reviennent pour quatre à cinq semaines entre juin et début juillet dans les territoires d'attache (tappugo ndunngu) pour plusieurs raisons. Il s'agit pour les bergers de présenter les animaux à leurs propriétaires afin qu'ils voient leur embonpoint et leur état sanitaire mais également pour vérifier leur nombre. Les éleveurs auscultent leurs bovins pour voir quelles femelles doivent rester dans le territoire d'attache pour la production de lait et quels males peuvent être utilisés pour le labour, ou encore pour certaines bêtes parce que leur état de santé ne leur permet pas d'aller en transhumance.

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C'est également le moment pour les éleveurs de préparer leurs champs même si les semis de maïs ne débutent chez les Mbororo qu'à la moitié du mois de juillet. Les pâturages pendant cette période sont abondants autour des cases car l'espace réservé aux cultures n'est pas encore mis en culture. En pâturant dans les parcelles, les animaux laissent une fois de plus leurs déjections. Ensuite, les éleveurs le font dans le souci d'économiser les jachères voisines et les espaces de pâturages de saison des pluies dans les hurum qui les entourent et qu'ils exploiteront ensuite.

Lorsque les herbes fraîches et les cultures se généralisent (fin juillet) et que les cultures dans le territoire d'attache se mettent en place, les bergers sortent du territoire. Ils entrent dans les autres espaces non cultivés autour des villages voisins, au pied des montagnes dans des zones non cultivées, mais aussi au bord des routes. Le gardiennage est de plus en plus serré et la grande transhumance s'impose. Et par petits groupes, tout le monde se dirige vers les grands hurum (Kalgué, Dembo, Naddere).

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