IV.2.1. Le territoire pastoral de proximité en
saison pluvieuse
Pendant la pleine saison pluvieuse (nduungu), les
espaces parcourus et valorisés par les troupeaux de case sont
constitués d'interstices entre des parcelles cultivées, de
jachères, de parcours naturels, de pistes à bétail, de
routes, de points d'eau et de bas-fonds. Sur ces parcours, le bétail
effectue journellement 7 à 14 km en 8 h de temps pour rechercher du
fourrage et s'alimenter. La grande partie de ce trajet du troupeau (62 % du
total) se trouve sur des espaces pastoraux légitimés (pistes
à bétail, pâturages
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classés, collines), tandis que 27 % du trajet
s'effectuent sur les interstices non cultivés situés à
proximité ou entre les champs qui sont normalement exclus à
l'élevage. La conduite du bétail sur les interstices est
très risquée, à cause des dégâts
occasionnés régulièrement sur les cultures qui
génèrent souvent des conflits. La détermination des
éleveurs à y faire paître leur bétail est
liée à leur potentiel fourrager plus important que dans les
parcours, mais aussi au fait que certains de ces champs ont été
installés en empiétant sur les espaces réservés
à l'élevage. La largeur des pistes à bétail
fixée par la législation est de 50 m au minimum. Aujourd'hui, ces
pistes dépassent rarement 5 m, ce qui rend difficile le passage de
troupeaux et accentue les dégâts.
Encadré 1. Chaîne de pâturage
d'un troupeau sédentaire au Cameroun
Pendant gataaje ou seeto (fin saison
sèche-début saison des pluies), les animaux restés sur le
terroir agropastoral broutent principalement là où l'herbe
repousse vite : dans les bas-fonds (tchofol ou lougguere) et
sur les zones en attente d'une mise en culture (soynere et
n'guessa). A nduungu (hivernage), les jachères
(soynere ou sabeere) et unités de collines
(foukah, hossere), gagnent de l'intérêt, alors
que les zones cultivées (n'guessa) sont exclues des parcours.
Durant djaamde (fin de l'hivernage, saison de récoltes), les
pâturages se font principalement le long des bas-fonds (tchofol,
lougguere, fitaare), secondairement sur les jachères
(soynere, sabeere) qui perdent de l'intérêt par
rapport à la période précédente, et surtout sur les
premiers résidus agricoles (n'guessa). La nuit, certains
éleveurs installent temporairement le parc de nuit sur les collines
(hossere) à l'écart des champs en attente de
récolte. Durant dabuunde (vaine pâture, saison
sèche froide), la récolte est finie, la grande majorité du
temps de broutage se déroule dans le domaine agricole, sur les
résidus (nyayle). Ensuite, tout au long de ceedu (saison
sèche chaude), les troupeaux parcourent les parties du domaine agricole
(n'guessa et soynere) épargnées par le feu, et
les pâturages des zones inondables (tchofol, bolaaho,
bomboru, fitaare) pour les repousses des herbacées
vivaces. En fin de circuit de ceedu, les bergers émondent les
ligneux fourragers pour alimenter les troupeaux.
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Source : Dongmo et al., (2010)
Dorénavant, les éleveurs contestent tout
morcellement des parcours sur les terroirs pastoraux de proximité. La
tactique régulièrement déployée pour (ré)
affirmer leurs droits consiste à diriger un broutage volontaire du
bétail sur de nouvelles parcelles indument installées par les
agriculteurs sur les parcours et les pistes à bétail, afin de les
dissuader. Ils y expriment donc collectivement une appropriation qui se limite
à sa défense à l'encontre d'une privatisation ou d'un
accaparement par d'autres usagers du foncier et sa protection au profit d'une
utilisation pastorale. En revanche, tout comme dans leur territoire d'attache,
les éleveurs ne s'investissent pas pour améliorer le potentiel
fourrager et la gestion de ces parcours. Ce désintérêt
provient-il des difficultés à négocier avec les
agriculteurs ou au contraire de la possibilité qu'ils ont encore
d'envoyer une partie ou tout le troupeau en transhumance, bien loin du
territoire d'attache ?
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