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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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III.2.3. Le territoire comme lieux de symboles et de représentations

En troisième lieu, le territoire pour les géographes, se structure autour des symboles et des représentations. En effet, la dimension symbolique du territoire est en effet présente dans les travaux des géographes depuis l'entre-deux-guerres au moins. Claval (1995) précise que Jean Gottmann la systématise lorsqu'il propose, en 1952, de faire l'analyse des iconographies, c'est-à-dire des représentations territoriales, une des bases de la géographie politique. Dans le même ordre d'idée, les travaux d'inspiration phénoménologique et humaniste comme ceux de Dardel (1990) soulignent que pour « les sociétés primitives, la terre est puissance, car elle est origine (c'est d'elle que toute réalité procède), présence (c'est de sa rencontre avec un paysage qui lui fait face et s'annonce à lui, que le présent se retrempe et se transmet comme en une réserve cachée de verdeur et de force et force surnaturelle (à la base de la géographie des primitifs, il y a un comportement religieux, et c'est au travers de cette valeur sacrée que se manifestent les «faits» géographiques ». À partir de ce moment, la dimension symbolique du territoire devient un des thèmes essentiels de la géographie lorsque se développent les recherches sur l'espace vécu, dans les années 1970 et dans les années 1980. Dans les pays anglo-saxons, on s'attache au sens des lieux, the sense of place, la tradition vidalienne d'analyse de la personnalité des constructions géographiques

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ressuscite (Claval, 1995). L'attention va aussi à la manière dont les toponymes sont choisis, et aux significations qui leur sont attachés. Les hauts lieux suscitent un grand intérêt comme le soulignent Brunet et al., (1992 : 232) : « ce sont des lieux de mémoire ; leur valeur symbolique est plus ou moins élevée, locale, nationale, internationale, mondiale, ou propre à une religion, à une culture; ils sont souvent sources d'identité collective et, aussi, d'activités économiques ».

Par ailleurs, la géographie se penche de nouveau sur le sentiment d'enracinement, sur les liens affectifs et moraux que les groupes tissent avec le sol où ils sont nés et où sont enterrés leurs ancêtres. Les géographes s'étaient contentés, entre les deux guerres mondiales, de sonder les âmes et les coeurs des citoyens des nations modernes (Claval, 1995). Dans le même temps, les ethnologues découvraient des attachements analogues, mais souvent beaucoup plus forts encore, chez les peuples primitifs comme le soulignent les travaux d'Elkin (1967). Il montre que les aborigènes australiens pratiquaient une économie de chasse et de cueillette qui aurait dû les laisser indifférents à l'environnement à partir du moment où ils y trouvaient plantes utiles et gibier. Contrairement à cela, ils s'identifiaient si profondément aux lieux de séjour de leurs ancêtres fondateurs du temps du mythe, que beaucoup se laissaient mourir lorsqu'ils se trouvaient déplacés. C'est dans le même sens que Di Méo (1998 : 33) précise que « le territoire est souvent abstrait, idéel, vécu et ressenti plus que visuellement repéré ». Cette entrée fait donc référence aux processus d'organisation territoriale qui doivent, selon Raffestin (1986), s'analyser à deux niveaux : celui qui résulte de l'action des sociétés, et également celui qui résulte des systèmes de représentation. Au travers du vécu, du perçu, et des multiples filtres qui nuancent la perception que l'on a d'un paysage, d'une organisation spatiale, de notre voisin, nous donnons un sens aux territoires (Fourny, 1995). À partir de ce moment, les travaux de géographie tropicale commencent à se rapprocher peu à peu de ceux des ethnologues par les méthodes mises en oeuvre : les séjours sur le terrain se font plus longs, l'attention accordée aux monographies de détail devient plus grande (Claval, 1995).

En clair, Claval (1995) souligne que la prise en compte de la dimension territoriale traduit une mutation profonde dans la démarche géographique. Pour lui, parler de

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territoire au lieu d'espace, c'est souligner que les lieux dans lesquels s'inscrivent les existences humaines sont construits par les hommes à la fois par leur action technique et par les discours qu'ils tiennent à leur propos. C'est en fait le territoire des acteurs qui font le territoire. Ainsi, pour être opérationnelle, la géographie ne peut ni ne doit oublier ceux qui font et défont ces organisations et par qui les interactions se produisent : les acteurs, replacés au centre des territoires et constitués en un écheveau complexe d'interrelations, vivant, produisant, percevant et utilisant l'espace géographique pour constituer des territoires au sein desquels se déploient de multiples enjeux (Moine, 2005) comme nous allons le démontrer dans le cas du Nord-Cameroun. Il s'agit pour le même auteur des interrelations multiples qui lient ceux qui décident, perçoivent, s'entre-aperçoivent, s'opposent, s'allient, imposent et finalement aménagent. Cette dimension est essentielle, et Debarbieux (1999 : 54) déclare à ce propos que « le monde est institué par les individus en fonction de leurs actions et de leurs intentions ». Ainsi, les relations que les groupes nouent avec le milieu ne sont pas simplement matérielles : elles sont aussi d'ordre symbolique, ce qui les rend réflexives. Les hommes créent leur environnement, qui leur offre en miroir une image d'eux-mêmes et les aide à prendre conscience de ce qu'ils partagent et en retour, précisent Brunet et al., (1992), le territoire contribue à conforter le sentiment d'appartenance, il aide à la cristallisation de représentations collectives, des symboles qui s'incarnent dans des hauts lieux.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote