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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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III.2.2. Le territoire comme une réalité sociale

La deuxième acception que les géographes se font du territoire est liée à la réalité sociale qui vient de l'éthologie animale. Ils vont s'appuyer sur les travaux de l'Autrichien Konrad Lorenz (1973) et du Néerlandais Nikolaas Tinbergen (1967) qui font découvrir le rôle que joue la territorialité dans la vie de beaucoup d'espèces. Il s'agit de la prise de possession par un individu ou un organisme vivant d'une portion de surface et sa défense contre d'autres organismes, appartenant ou non à la même espèce. L'étude du territoire consiste ici à analyser un système de comportement et la territorialisation, la conduite d'un organisme pour prendre possession d'un territoire et le défendre. Les espaces de vie y sont jalousement marqués. À l'intérieur des cellules ainsi délimitées, un ordre hiérarchique est institué - un pecking order selon l'expression anglaise souvent reprise. Un mâle les domine généralement, affirme sa supériorité sur les plus jeunes à l'occasion d'affrontements qui reprennent périodiquement. Il élimine les concurrents éventuels dès qu'ils franchissent les limites. C'est par ce contrôle du territoire que les groupes animaux assurent leur reproduction et limitent leurs effectifs. Par contre, les géographes se refusent à transposer les leçons de Tinbergen ou de Lorenz à leur domaine, mais retirent des exemples fournis par

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l'éthologie, l'idée qu'il faut s'attacher aux moyens mis en oeuvre pour contrôler l'espace si l'on veut comprendre le dynamisme des sociétés (Malmberg, 1980). Défendant une spécificité de l'espace social, c'est-à-dire le primat des échanges sociaux dans les constructions territoriales, Roncayolo (1990) a indiqué les risques que contient le réductionnisme éthologique dans certains transferts en géographie sociale. Selon lui, « il reste à juger si l'on peut établir un continuum entre les espèces, traiter dans les mêmes termes de tous les niveaux de la territorialité, de l'environnement immédiat aux constructions politiques les plus audacieuses, et ,enfin ramener les phénomènes sociaux, collectifs qui supportent à la fois la division de l'espace et les sentiments d'appartenance soit à des exigences biologiques communes à des séries d'êtres vivants, soit à la psychologie individuelle ». Pourquoi l'appropriation d'une certaine étendue ne serait-elle pas nécessaire à l'épanouissement de certaines fonctions sociales, se demande Claval (1995) ? A cette interrogation, Le Berre (1992) répond en précisant qu'un territoire et un groupe social ne sont pas isolés : ils entretiennent des échanges avec l'extérieur dont il faut tenir compte pour décrire et comprendre la morphologie et la dynamique territoriales. Alors que la démarche identitaire et communautariste est par essence un construit social, son efficacité tient à sa capacité à dissimuler son origine humaine pour en faire une donnée de nature (Elisalde, 2002).

Di Méo (1998) énonce les conditions de l'édification d'un ancrage identitaire : « pour que les échanges sociaux s'y déroulent (dans la région) sans surprise, selon un ordonnancement bien réglé, plusieurs conditions territoriales doivent être remplies. Il convient en premier lieu que l'espace régional possède les caractères d'un espace social vécu et identitaire, découpé en fonction d'une logique organisationnelle culturelle ou politique. Il faut en second lieu qu'il constitue un champ symbolique dans lequel l'individu en déplacement éprouve un sentiment de connivence identitaire avec les personnes qu'il rencontre ». Une autre face du schéma territorial commence ainsi à se dessiner en filigrane.

Pourquoi rechercher à ne se rassembler, à ne se regrouper uniquement qu'avec ceux qui vous ressemblent ? S'interroge Elisalde (2002). Pour l'auteur, le territoire ainsi conçu deviendrait une machine à fabriquer des individus identiques ou cohabiteraient

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des territorialités de clonage à l'intérieur et d'exclusion avec l'extérieur. Ce type d'attitude qui contredit une certaine curiosité géographique tournée vers la découverte de l'Ailleurs et de l'Autre, présente pourtant tous les attributs de la territorialisation. Or, chez bon nombre d'analystes des territoires, le déséquilibre est grand entre le diagnostic précis porté sur les champs dans lesquels se déroulent la territorialisation et l'absence de regard critique sur la légitimité de certaines appropriations territoriales en référence à tel système de valeurs, à telle stratégie de contrôle de l'espace ou d'instrumentalisation de lieux de mémoire. Comme le note Badie (1995 : 83), nous sommes bien en présence de pratiques et d'interprétations ségrégatives de la territorialité : « doté d'un attribut naturel, sa raison d'être est alors de se conformer à l'ethnicité qu'il est censé incarner, d'instance de rassemblement, il devient fondement d'homogénéisation, conduisant à l'expulsion de l'autre ».

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus