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Les territoires de mobilité pastorale: Quelle mobilité dans un contexte de pression sur le territoire rural en zone soudano-sahélienne du Nord-Cameroun?


par Natali KOSSOUMNA LIBAA
Université Paul Valéry Montpellier III France - Habilitation à Diriger des Recherches 2014
  

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II.2.3. Les rapports avec les citadins et les élites commerçantes de la région

La durabilité sociale des systèmes de production des éleveurs peut aussi s'appuyer sur leurs alliances avec les citadins. Pour certains citadins fortunés en effet, l'élevage s'avère être une forme d'épargne attractive (meilleure rentabilité que la banque, mais aussi prestige social). C'est ainsi qu'ils participent de loin à la gestion et à la conduite du troupeau.

Plusieurs traits caractéristiques peuvent être repérés dans la pratique de l'élevage grâce aux rapports des éleveurs avec les citadins. Le trait le plus pertinent est l'orientation de cet élevage vers la vente avec la proximité des grands marchés à bétail (Adoumri, Ngong, Garoua). Les éleveurs sont ainsi intégrés dans de nouveaux circuits

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économiques permettant de limiter les ventes de leur propre bétail. La très bonne connaissance des bovins par les éleveurs est un atout qu'ils utilisent sur les marchés pour acheter ou vendre pour les autres notamment les citadins et les gros commerçants. Cette activité d'intermédiation s'est répandue auprès des éleveurs d'entre deux âges. En effet, pendant les périodes dites « favorables », ces éleveurs reçoivent de l'argent des mains d'hommes d'affaires, de fonctionnaires ou d'agriculteurs pour l'achat d'animaux. Selon les prix du moment et de leur capacité de négociation, ils peuvent ainsi dégager un bénéfice sur l'argent reçu. Certains se postent tout simplement à l'entrée du marché. Ils interceptent tout individu désirant vendre sa vache, discutent le prix avec lui puis l'amènent à l'intérieur du marché. C'est lui qui marchande avec le client. À la vente de l'animal, le surplus obtenu sur le prix discuté avec le propriétaire appartient à l'intermédiaire.

La moitié du bétail détenu par les éleveurs dans de nombreux villages autour des grandes villes appartient d'ailleurs aux citadins (commerçants et élites administratives). Cette relation de travail permet aux éleveurs d'avoir plus facilement accès aux aliments pour bétail vendus en ville (tourteaux, sons...). En effet, les hommes d'affaires de Garoua peuvent plus facilement acheter du tourteau de coton pour lequel il existe une forte spéculation du fait de leurs relations et la proximité avec les commerçants et la SODECOTON. Les éleveurs qui gardent le bétail de ces citadins peuvent ainsi y avoir accès. Ils utilisent également ces relations pour accéder à certains espaces de pâturage.

Par ailleurs, les éleveurs utilisent leurs relations avec les citadins pour limiter les effets des conflits avec les autres acteurs. Quels que soient les animaux ayant fait des dégâts, on déclare systématiquement qu'ils appartiennent aux citadins. Ces derniers ayant le pouvoir, grâce à leurs relations avec les instances de justice, de limiter les dédommagements.

II.2.4. Les rapports avec les agriculteurs : entre conflits, échanges et complémentarités

Au cours de chaque saison des pluies, des conflits opposent les agriculteurs et les éleveurs mbororo pour le respect des espaces délimités et réservés au pâturage

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(hurum). Ces conflits sont provoqués par le fait que les agriculteurs n'ont pas cessé d'y cultiver. Or, les espaces réservés aux bétails appartiennent en principe autant aux éleveurs qu'aux agriculteurs. Mais, les éleveurs sont plus engagés dans la préservation de ces espaces parce qu'ils ont plus d'animaux que les agriculteurs. S'estimant dans leurs droits, ils ne se privent pas d'y pâturer. Malgré les conventions locales mises en place, rien n'est fait à l'encontre des agriculteurs qui cultivent les parcours et les pistes. Lorsque des dégâts sont perpétrés dans les champs, les agriculteurs portent plainte surtout auprès des autorités traditionnelles qui ne se privent pas de légiférer afin de bénéficier des avantages liés aux règlements des litiges.

L'accès à l'eau constitue une autre source de conflits entre les éleveurs et les agriculteurs. Des conflits surviennent le long des cours d'eau où les animaux s'abreuvent lorsqu'ils sont en transhumance ou hors de leurs territoires d'attache. En effet, le plus souvent, les cultures maraîchères cultivées au bord de l'eau ne sont pas clôturées. Dans ces zones de passage incontournables pour abreuver les animaux, les éleveurs n'arrivent pas toujours à contenir leurs animaux.

Les conflits entre les éleveurs mbororo et les agriculteurs sur les dégâts champêtres sont en nette progression ces dernières années. Ils sont au centre des préoccupations tant des agriculteurs que des éleveurs qui se rejettent les responsabilités. Pour les agriculteurs cette situation résulte du refus délibéré des éleveurs mbororo de respecter les usages établis en la matière. Les Mbororo sont accusés de rester plus longtemps avec leurs animaux dans leurs territoires d'attache (fin juillet - début août) alors que les cultures des agriculteurs sont déjà bien développées. D'autre part, les agriculteurs disent que les éleveurs ne respectent plus « la date de libération des champs » pour entreprendre le retour de la transhumance. Ce genre d'incidents se déroule principalement en début de saison sèche, quand un grand nombre de champs ne sont pas encore récoltés. Cette situation occasionne de nombreux dégâts champêtres car les champs non récoltés sont souvent dévastés par les animaux. Les bergers sont alors accusés de négliger la surveillance de leurs animaux qui entrent dans une parcelle de céréales, arachide ou coton puis broutent une partie des végétaux. Il arrive parfois que des bergers abandonnent momentanément leur troupeau pour aller jusqu'à leur

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concession pour se ravitailler en eau ou nourriture ; les animaux en profitent donc pour entrer dans les champs. Les agriculteurs accusent les éleveurs mbororo de laisser sciemment leurs animaux dévorer la partie non récoltée d'un champ. C'est la raison pour laquelle on leur interdit systématiquement la vaine pâture quand une parcelle n'est pas totalement récoltée.

Quant aux éleveurs mbororo, ils estiment que la question des dégâts champêtres, au-delà de ces aspects, est aussi liée à la restriction d'un certain nombre de droits implicitement reconnus à eux. Il s'agit notamment les couloirs de passage, les aires de repos et de parcage qui ont été systématiquement colonisés par les champs rendant ainsi périlleux le déplacement des troupeaux. Ceux-ci trouvent difficilement les aires de repos. Ils se plaignent aussi de certains actes que posent, selon eux, délibérément les agriculteurs pour les amener à commettre des dégâts. Il s'agit des « champs pièges » autour des rares mares dans les flancs des montagnes, zone par excellence réservée à l'élevage où les animaux se réfugient pendant la saison pluvieuse en quête du pâturage. Le nombre de ces champs est en constante augmentation ces dernières années. Voyant leurs pâturages se réduire peu à peu devant l'avancée des emblavures de coton et de maïs, les éleveurs mbororo réagissent par des mouvements de provocation en faisant passer délibérément leurs troupeaux sur les champs car ils arrivent difficilement à se discipliner. Ils ne tiennent pas compte des blocs de culture et sont obligés de faire de « hors-piste » à bétail.

Les problèmes des champs de « coton récoltés tardivement » ont été également signalés par les éleveurs. En effet, les pistes sont fermées plus longtemps que prévue, bloquées par des champs non récoltés, jusqu'en décembre - janvier. Les agriculteurs utilisent cette méthode pour contraindre les éleveurs à partir ou à ne plus utiliser certains espaces de pâturage.

La fixation des éleveurs auprès des agriculteurs a également permis la consolidation des relations d'échanges et de complémentarité. Les échanges étaient autrefois limités au troc entre produits d'élevage et produits vivriers, ou à la contrepartie entre fumure organique des champs et consommation fourragère de la vaine pâture. Ils se

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diversifient désormais et au troc ont succédé les échanges commerciaux de produits alimentaires (mil, maïs, viande, lait...) et autres services.

La fixation des éleveurs auprès des gros villages d'agriculteurs les a rapprochés d'une main d'oeuvre peu onéreuse de paysans pauvres en quête d'un travail rémunéré. Les éleveurs leurs confient des tâches ingrates comme la construction des maisons, l'entretien des parcelles de maïs et la garde du troupeau... L'insécurité ambiante incite aussi les éleveurs à utiliser les bergers salariés issus des villages d'agriculteurs voisins.

Les confiages se sont également multipliés. En effet, après la saison agricole (octobre), le propriétaire mbororo reçoit des bovins de trait en confiage qui appartiennent à des cultivateurs des villages voisins dont les enfants sont scolarisés et qui ne peuvent, de ce fait, garder les bovins de trait. En contrepartie, ces cultivateurs labourent les champs des éleveurs mbororo pendant la saison agricole ou paient une certaine somme pour le service rendu.

Il existe également une forme d'échange entre les éleveurs ayant des boeufs de trait et les agriculteurs possédant du matériel agricole (charrues, corps sarcleurs, corps butteurs notamment). Cette association permet aux deux parties d'entretenir leurs parcelles, mais aussi de gagner de l'argent. C'est l'agriculteur, propriétaire du matériel agricole qui travaille avec les animaux. Outre s'occuper des champs de l'éleveur, il travaille également dans les champs d'autres personnes contre rémunération. Les revenus de ces prestations sont partagés entre les deux parties. Au cours d'une semaine, les revenus de quatre jours reviennent à l'éleveur30 et ceux des deux jours restant à l'agriculteur. Dans la journée, l'éleveur veille à ce que l'agriculteur ne fatigue pas trop les animaux de trait et les laisse se reposer et pâturer.

Les éleveurs peuvent également louer du matériel agricole au cours d'une saison. Pour les charrues, le coût varie de 20 000 et 30 000 Fcfa selon les relations d'affinité entre les deux parties pour toute la saison des pluies.

30 Chaque jour de prestation, l'éleveur remet 1 000 Fcfa à l'agriculteur pour la conduite du travail (jogugo hore).

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N'ayant pas de charrette, les éleveurs louent les services des agriculteurs pour transporter les récoltes, les tourteaux, les matériels de construction, que les voitures ne peuvent acheminer jusqu'au village.

On assiste ainsi à l'émergence d'un secteur qui s'apparente à la petite entreprise de travaux agricoles, et on peut anticiper que d'ici quelques années, certaines personnes en feront une activité principale, cessant ainsi d'être agriculteur ou éleveur.

Il existe des interdépendances entre les deux activités agriculture et élevage et les deux catégories d'acteurs - les agriculteurs et les éleveurs. Ces relations passent par de nombreux échanges commerciaux (vente de produits alimentaires : mil, maïs, viande, taurillons dressés pour le labour...), et des échanges professionnels (gardiennage des animaux, mains d'oeuvre salariée pour les champs, prêt de matériel agricole et prêt d'animaux de trait, ...). Le passage des animaux sur les champs après la récolte est aussi un exemple de coopération entre éleveurs et agriculteurs. Les premiers utilisent les résidus de récolte (pailles, tiges et rafles de céréales, ainsi que les fanes de légumineuses : arachide, niébé) pour nourrir le bétail, et cela permet dans le même temps de fertiliser la terre pour la prochaine saison agricole dans la mesure où les troupeaux y déposent leurs déjections.

La proximité des agriculteurs facilite l'accès des éleveurs aux intrants agricoles (engrais, urée, insecticides, herbicides...). En effet, les intrants acquis à crédits auprès de la SODECOTON et la CNPC-C sont vendus ou échangés contre les céréales aux éleveurs par les agriculteurs qui n'arrivent pas à assurer la couverture des besoins alimentaires pendant la période de soudure (juillet et août). Il en est de même pour le tourteau acquis auprès des groupements de producteurs de coton-graine. Le tourteau reçu par les producteurs non équipés et le surplus par rapport à la quantité destinée à l'alimentation animale chez les possesseurs de bétail sont le plus souvent revendus. Les éleveurs mbororo achètent le tourteau directement au domicile du producteur de coton ou dans les marchés de Djéfatou, Ngong, Djalingo, Djola ou sur l'axe routier Garoua-Ngong où des sacs de tourteau sont souvent exposés. Rappelons que le « bradage » par les paysans des produits de traitements insecticides et herbicides obtenus à crédit auprès de la SODECOTON ou de la CNPC-C est fréquent dans la

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région soit pour acheter des céréales, soit pour régler certains problèmes, soit pour se procurer de la bière de mil.

Cependant, les éleveurs mbororo ne sont pas les seuls à acheter le tourteau auprès des producteurs de coton. D'après une étude réalisée par la Cellule Suivi-évaluation de la SODECOTON en 2013, 48% des acheteurs de tourteaux sont les grands commerçants, 26% sont les producteurs de coton équipés, 13% les petits spéculateurs et 13% les éleveurs non planteurs de coton. Les enchères sur le prix du tourteau sont entretenues par les grands commerçants qui passent dans les villages au moment de la distribution du tourteau. Ils passent par l'intermédiaire des petits spéculateurs ou rachètent directement le tourteau livré aux planteurs par la SODECOTON. De ce fait, les éleveurs n'achètent pas les tourteaux aux prix fixés par la SODECOTON. Du fait de sa rareté et des spéculations autour de ce sous-produit, rares sont les cas de bradage à vil prix. Les prix pratiqués sont variables selon l'offre et de la demande dans la région. Le prix d'un sac de 60 kg de tourteau Nutribet est passé de 5 000 FCFA en 2005 à 9 500 FCFA en 2012. Ces prix varient entre les saisons. C'est pour cela que certains éleveurs, notamment ceux qui font de l'embouche, préfère se ravitailler à cette période pour stocker afin de complémenter à moindre coût leurs animaux pendant la saison sèche.

II.2.5. Rapports éleveurs/éleveurs : entre échanges, complémentarités et conflits

Depuis leur fixation, les échanges se sont intensifiés entre les éleveurs. Bien qu'il existe des compétitions entre eux pour l'accès aux ressources pastorales, les éleveurs ne cherchent pas à garder systématiquement pour eux les informations sur les pâturages. Les moyens de locomotion n'étant pas encore importants dans les campements, ceux qui en possèdent se chargent d'aller prospecter l'état des pâturages et partagent l'information sur le choix des lieux de transhumance sans aucune contrepartie. Ils rapportent également des informations sur les conflits, le nombre d'éleveurs présents, etc.

Malgré l'exiguïté de l'espace réservé à l'habitat et la saturation de l'espace agricole, les premiers éleveurs continuent de recevoir de nouveaux candidats à la

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sédentarisation. Par contre, ils refusent systématiquement l'installation de personnes étrangères à leur clan sur leur territoire. Lorsqu'un nouveau membre de leur clan désire s'installer, certaines précautions sont préalablement prises. Tout d'abord, le chef du quartier prend le soin de vérifier s'il n'est pas mal intentionné en se renseignant sur ses antécédents dans les différents sites qu'il a occupés. Il cherche notamment à savoir si le nouveau venu n'est pas voleur ou sorcier... S'il est accepté, le chef du quartier doit le présenter aux autorités traditionnelles, d'abord à l'ar'do puis au sarkin saanou. Cependant, il ne peut pas défricher une parcelle. Le chef du quartier lui en octroie une où il cultive et cette dernière lui appartient.

Les éleveurs étant peu outillés en matériels de traction, il s'ensuit des échanges et des complémentarités entre eux sous forme de prêt gratuit ou d'échange de travail. Il en est de même pour les moyens de transport comme les vélos et les motocyclettes pour le transport du maïs au moulin, diverses courses ponctuelles dans les villages voisins ou pour aller rendre visite aux bergers sur les lieux de transhumance.

On assiste également à l'émergence de travail communautaire non rétribué. En effet, la surga a fait son apparition chez les éleveurs lors des travaux agricoles. Emprunté aux agriculteurs des villages voisins, c'est une forme de solidarité dans l'accomplissement des travaux agricoles (sarclage et récolte) qui permet de gagner du temps et de réduire les coûts d'entretien des parcelles. Le propriétaire du champ informe les habitants du village la veille. En même temps, il achète 1 kg de sucre, 1 kg de thé, 2 kg de riz, des galettes d'arachide de 300 FCFA et réserve environ 2 litres de lait. Alors que chez les agriculteurs la surga peut prendre toute la matinée (6 heures - 13 heures), les éleveurs y consacrent moins de temps (6 heures - 9 heures) notamment parce qu'ils n'ont pas de grandes parcelles, mais aussi pour permettre aux bergers d'aller faire paître leur troupeau.

La sédentarisation a fait développer chez les éleveurs mbororo l'individualisme et la jalousie. En effet, malgré ces échanges et complémentarités, les rivalités entre les

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différents campements31 existent ainsi que l'effritement des logiques traditionnelles de prise de décision collective qui ne permettent pas la cohésion entre les différentes communautés mbororo pour faire foule face à leurs problèmes communs. Il n'existe donc pas une cohésion interne au sein des lignages. Les nombreuses réunions de sensibilisation qui, sans doute, ont contribué à accélérer la prise de conscience collective et permis quelques actions concrètes ont rendu d'indiscutables services aux éleveurs, mais il est résulté au final que des opérations encore timides. Dans certains campements, les bornes plantées par les projets de développement marquent bien les territoires, mais il n'existe aucun consensus collectif pour la gestion de ces espaces. Les porteurs de ces actions étant décédés, les autres membres de la communauté ne se sentent que faiblement concernés par la préservation de ces espaces. Il en est de même pour la culture des plantes fourragères qui, pour le moment, n'est pratiquée que de manière marginale. Le manque d'implication et d'organisation de tous les éleveurs dans ces opérations de production fourragère ne permet pas à ceux qui les pratiquent d'étendre leurs parcelles et de les protéger en saison sèche.

Les conflits inter-éleveurs sont fréquents. Ces conflits sont nouveaux pour les éleveurs et sont liés à leur sédentarisation. Ils s'étalent de la période allant des semis à la libération des champs. Les causes sont multiples et variées. Elles vont de la contestation des limites des champs aux questions relatives aux transactions foncières telles les ventes, les prêts, les legs, les dons, l'héritage des terres, mais rarement pour des dégâts de culture même si l'agriculture occupe une place déjà importante. Un consensus tacite existe entre les éleveurs pour l'organisation des activités agricoles notamment en ce qui concerne les périodes des semis et des récoltes.

La question des limites des parcelles est la cause de conflit la plus fréquemment évoquée. Elle est liée au fait que dans les deux territoires les limites sont sommaires et constituées d'espèces herbacées. Ces dernières disparaissent sous le poids des charges animales, des vents et même des opérations d'entretiens des parcelles (sarclages ou

31 Pour des réunions ou une action de développement, il est toujours difficile de trouver un consensus. Le choix d'un campement pour une action est rejeté par les autres communautés parce qu'ils ont le sentiment de faire allégeance à l'autre communauté. Ils refusent même souvent d'envoyer leurs enfants dans une école construite dans une communauté voisine.

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buttage réalisés par les manoeuvres maîtrisant mal les limites des champs de ceux qui les emploient). L'action des propriétaires des champs n'est pas écartée puisque certains interlocuteurs ont fait cas de tentatives délibérées pour grignoter les propriétés voisines. C'est pour cela qu'un vieux mbororo lors de la régulation d'un tel conflit auprès de chef du village à Laïndé Ngobara a insisté auprès de ses frères en ces termes : « Ngade keerol ! Ngade keerol ! » (Faites des limites ! Faites des limites). Ces genres de différends généralement gérés au niveau familial, aboutissent de plus en plus à la Cour du chef du village en raison de la valeur acquise par les terres.

Le second type de conflit inter-éleveurs est celui relatif aux transactions foncières de toutes sortes, notamment les dons, les legs et les prêts, les ventes n'étant pas monnaie courante. Au début de leur installation, les éleveurs n'avaient pas accordé une grande importance aux actes qu'ils posaient vis-à-vis de la terre. Après avoir défriché quelques parcelles proportionnellement à leur capacité à les exploiter et à leurs besoins alimentaires, les premiers arrivants octroyaient avec beaucoup de nonchalance des terres à ceux qui venaient après eux. Maintenant qu'il n'y a plus de terres à défricher et qu'il faut trouver des terres pour les enfants qui grandissent, commence la remise en cause des transactions. Les propriétaires ou ayant-droits du donateur ou du prêteur remettent en cause les accords souvent oraux et revendiquent la paternité de la terre. Ayant passé parfois 8 à 10 ans à exploiter les parcelles, l'autre partie refuse d'y accéder. Ces conflits sont gérés au niveau du chef du village et aucune altercation violente n'est encore survenue.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci