II.2.3. Les rapports avec les citadins et les élites
commerçantes de la région
La durabilité sociale des systèmes de production
des éleveurs peut aussi s'appuyer sur leurs alliances avec les citadins.
Pour certains citadins fortunés en effet, l'élevage
s'avère être une forme d'épargne attractive (meilleure
rentabilité que la banque, mais aussi prestige social). C'est ainsi
qu'ils participent de loin à la gestion et à la conduite du
troupeau.
Plusieurs traits caractéristiques peuvent être
repérés dans la pratique de l'élevage grâce aux
rapports des éleveurs avec les citadins. Le trait le plus pertinent est
l'orientation de cet élevage vers la vente avec la proximité des
grands marchés à bétail (Adoumri, Ngong, Garoua). Les
éleveurs sont ainsi intégrés dans de nouveaux circuits
64
économiques permettant de limiter les ventes de leur
propre bétail. La très bonne connaissance des bovins par les
éleveurs est un atout qu'ils utilisent sur les marchés pour
acheter ou vendre pour les autres notamment les citadins et les gros
commerçants. Cette activité d'intermédiation s'est
répandue auprès des éleveurs d'entre deux âges. En
effet, pendant les périodes dites « favorables », ces
éleveurs reçoivent de l'argent des mains d'hommes d'affaires, de
fonctionnaires ou d'agriculteurs pour l'achat d'animaux. Selon les prix du
moment et de leur capacité de négociation, ils peuvent ainsi
dégager un bénéfice sur l'argent reçu. Certains se
postent tout simplement à l'entrée du marché. Ils
interceptent tout individu désirant vendre sa vache, discutent le prix
avec lui puis l'amènent à l'intérieur du marché.
C'est lui qui marchande avec le client. À la vente de l'animal, le
surplus obtenu sur le prix discuté avec le propriétaire
appartient à l'intermédiaire.
La moitié du bétail détenu par les
éleveurs dans de nombreux villages autour des grandes villes appartient
d'ailleurs aux citadins (commerçants et élites administratives).
Cette relation de travail permet aux éleveurs d'avoir plus facilement
accès aux aliments pour bétail vendus en ville (tourteaux,
sons...). En effet, les hommes d'affaires de Garoua peuvent plus facilement
acheter du tourteau de coton pour lequel il existe une forte spéculation
du fait de leurs relations et la proximité avec les commerçants
et la SODECOTON. Les éleveurs qui gardent le bétail de ces
citadins peuvent ainsi y avoir accès. Ils utilisent également ces
relations pour accéder à certains espaces de pâturage.
Par ailleurs, les éleveurs utilisent leurs relations
avec les citadins pour limiter les effets des conflits avec les autres acteurs.
Quels que soient les animaux ayant fait des dégâts, on
déclare systématiquement qu'ils appartiennent aux citadins. Ces
derniers ayant le pouvoir, grâce à leurs relations avec les
instances de justice, de limiter les dédommagements.
II.2.4. Les rapports avec les agriculteurs : entre
conflits, échanges et complémentarités
Au cours de chaque saison des pluies, des conflits opposent
les agriculteurs et les éleveurs mbororo pour le respect des espaces
délimités et réservés au pâturage
65
(hurum). Ces conflits sont provoqués par le
fait que les agriculteurs n'ont pas cessé d'y cultiver. Or, les espaces
réservés aux bétails appartiennent en principe autant aux
éleveurs qu'aux agriculteurs. Mais, les éleveurs sont plus
engagés dans la préservation de ces espaces parce qu'ils ont plus
d'animaux que les agriculteurs. S'estimant dans leurs droits, ils ne se privent
pas d'y pâturer. Malgré les conventions locales mises en place,
rien n'est fait à l'encontre des agriculteurs qui cultivent les parcours
et les pistes. Lorsque des dégâts sont perpétrés
dans les champs, les agriculteurs portent plainte surtout auprès des
autorités traditionnelles qui ne se privent pas de
légiférer afin de bénéficier des avantages
liés aux règlements des litiges.
L'accès à l'eau constitue une autre source de
conflits entre les éleveurs et les agriculteurs. Des conflits
surviennent le long des cours d'eau où les animaux s'abreuvent
lorsqu'ils sont en transhumance ou hors de leurs territoires d'attache. En
effet, le plus souvent, les cultures maraîchères cultivées
au bord de l'eau ne sont pas clôturées. Dans ces zones de passage
incontournables pour abreuver les animaux, les éleveurs n'arrivent pas
toujours à contenir leurs animaux.
Les conflits entre les éleveurs mbororo et les
agriculteurs sur les dégâts champêtres sont en nette
progression ces dernières années. Ils sont au centre des
préoccupations tant des agriculteurs que des éleveurs qui se
rejettent les responsabilités. Pour les agriculteurs cette situation
résulte du refus délibéré des éleveurs
mbororo de respecter les usages établis en la matière. Les
Mbororo sont accusés de rester plus longtemps avec leurs animaux dans
leurs territoires d'attache (fin juillet - début août) alors que
les cultures des agriculteurs sont déjà bien
développées. D'autre part, les agriculteurs disent que les
éleveurs ne respectent plus « la date de libération des
champs » pour entreprendre le retour de la transhumance. Ce genre
d'incidents se déroule principalement en début de saison
sèche, quand un grand nombre de champs ne sont pas encore
récoltés. Cette situation occasionne de nombreux
dégâts champêtres car les champs non récoltés
sont souvent dévastés par les animaux. Les bergers sont alors
accusés de négliger la surveillance de leurs animaux qui entrent
dans une parcelle de céréales, arachide ou coton puis broutent
une partie des végétaux. Il arrive parfois que des bergers
abandonnent momentanément leur troupeau pour aller jusqu'à
leur
66
concession pour se ravitailler en eau ou nourriture ; les
animaux en profitent donc pour entrer dans les champs. Les agriculteurs
accusent les éleveurs mbororo de laisser sciemment leurs animaux
dévorer la partie non récoltée d'un champ. C'est la raison
pour laquelle on leur interdit systématiquement la vaine pâture
quand une parcelle n'est pas totalement récoltée.
Quant aux éleveurs mbororo, ils estiment que la
question des dégâts champêtres, au-delà de ces
aspects, est aussi liée à la restriction d'un certain nombre de
droits implicitement reconnus à eux. Il s'agit notamment les couloirs de
passage, les aires de repos et de parcage qui ont été
systématiquement colonisés par les champs rendant ainsi
périlleux le déplacement des troupeaux. Ceux-ci trouvent
difficilement les aires de repos. Ils se plaignent aussi de certains actes que
posent, selon eux, délibérément les agriculteurs pour les
amener à commettre des dégâts. Il s'agit des « champs
pièges » autour des rares mares dans les flancs des montagnes, zone
par excellence réservée à l'élevage où les
animaux se réfugient pendant la saison pluvieuse en quête du
pâturage. Le nombre de ces champs est en constante augmentation ces
dernières années. Voyant leurs pâturages se réduire
peu à peu devant l'avancée des emblavures de coton et de
maïs, les éleveurs mbororo réagissent par des mouvements de
provocation en faisant passer délibérément leurs troupeaux
sur les champs car ils arrivent difficilement à se discipliner. Ils ne
tiennent pas compte des blocs de culture et sont obligés de faire de
« hors-piste » à bétail.
Les problèmes des champs de « coton
récoltés tardivement » ont été
également signalés par les éleveurs. En effet, les pistes
sont fermées plus longtemps que prévue, bloquées par des
champs non récoltés, jusqu'en décembre - janvier. Les
agriculteurs utilisent cette méthode pour contraindre les
éleveurs à partir ou à ne plus utiliser certains espaces
de pâturage.
La fixation des éleveurs auprès des agriculteurs
a également permis la consolidation des relations d'échanges et
de complémentarité. Les échanges étaient autrefois
limités au troc entre produits d'élevage et produits vivriers, ou
à la contrepartie entre fumure organique des champs et consommation
fourragère de la vaine pâture. Ils se
67
diversifient désormais et au troc ont
succédé les échanges commerciaux de produits alimentaires
(mil, maïs, viande, lait...) et autres services.
La fixation des éleveurs auprès des gros
villages d'agriculteurs les a rapprochés d'une main d'oeuvre peu
onéreuse de paysans pauvres en quête d'un travail
rémunéré. Les éleveurs leurs confient des
tâches ingrates comme la construction des maisons, l'entretien des
parcelles de maïs et la garde du troupeau... L'insécurité
ambiante incite aussi les éleveurs à utiliser les bergers
salariés issus des villages d'agriculteurs voisins.
Les confiages se sont également multipliés. En
effet, après la saison agricole (octobre), le propriétaire
mbororo reçoit des bovins de trait en confiage qui appartiennent
à des cultivateurs des villages voisins dont les enfants sont
scolarisés et qui ne peuvent, de ce fait, garder les bovins de trait. En
contrepartie, ces cultivateurs labourent les champs des éleveurs mbororo
pendant la saison agricole ou paient une certaine somme pour le service
rendu.
Il existe également une forme d'échange entre
les éleveurs ayant des boeufs de trait et les agriculteurs
possédant du matériel agricole (charrues, corps sarcleurs, corps
butteurs notamment). Cette association permet aux deux parties d'entretenir
leurs parcelles, mais aussi de gagner de l'argent. C'est l'agriculteur,
propriétaire du matériel agricole qui travaille avec les animaux.
Outre s'occuper des champs de l'éleveur, il travaille également
dans les champs d'autres personnes contre rémunération. Les
revenus de ces prestations sont partagés entre les deux parties. Au
cours d'une semaine, les revenus de quatre jours reviennent à
l'éleveur30 et ceux des deux jours restant à
l'agriculteur. Dans la journée, l'éleveur veille à ce que
l'agriculteur ne fatigue pas trop les animaux de trait et les laisse se reposer
et pâturer.
Les éleveurs peuvent également louer du
matériel agricole au cours d'une saison. Pour les charrues, le
coût varie de 20 000 et 30 000 Fcfa selon les relations d'affinité
entre les deux parties pour toute la saison des pluies.
30 Chaque jour de prestation, l'éleveur remet 1
000 Fcfa à l'agriculteur pour la conduite du travail (jogugo
hore).
68
N'ayant pas de charrette, les éleveurs louent les
services des agriculteurs pour transporter les récoltes, les tourteaux,
les matériels de construction, que les voitures ne peuvent acheminer
jusqu'au village.
On assiste ainsi à l'émergence d'un secteur qui
s'apparente à la petite entreprise de travaux agricoles, et on peut
anticiper que d'ici quelques années, certaines personnes en feront une
activité principale, cessant ainsi d'être agriculteur ou
éleveur.
Il existe des interdépendances entre les deux
activités agriculture et élevage et les deux catégories
d'acteurs - les agriculteurs et les éleveurs. Ces relations passent par
de nombreux échanges commerciaux (vente de produits alimentaires : mil,
maïs, viande, taurillons dressés pour le labour...), et des
échanges professionnels (gardiennage des animaux, mains d'oeuvre
salariée pour les champs, prêt de matériel agricole et
prêt d'animaux de trait, ...). Le passage des animaux sur les champs
après la récolte est aussi un exemple de coopération entre
éleveurs et agriculteurs. Les premiers utilisent les résidus de
récolte (pailles, tiges et rafles de céréales, ainsi que
les fanes de légumineuses : arachide, niébé) pour nourrir
le bétail, et cela permet dans le même temps de fertiliser la
terre pour la prochaine saison agricole dans la mesure où les troupeaux
y déposent leurs déjections.
La proximité des agriculteurs facilite l'accès
des éleveurs aux intrants agricoles (engrais, urée, insecticides,
herbicides...). En effet, les intrants acquis à crédits
auprès de la SODECOTON et la CNPC-C sont vendus ou
échangés contre les céréales aux éleveurs
par les agriculteurs qui n'arrivent pas à assurer la couverture des
besoins alimentaires pendant la période de soudure (juillet et
août). Il en est de même pour le tourteau acquis auprès des
groupements de producteurs de coton-graine. Le tourteau reçu par les
producteurs non équipés et le surplus par rapport à la
quantité destinée à l'alimentation animale chez les
possesseurs de bétail sont le plus souvent revendus. Les éleveurs
mbororo achètent le tourteau directement au domicile du producteur de
coton ou dans les marchés de Djéfatou, Ngong, Djalingo, Djola ou
sur l'axe routier Garoua-Ngong où des sacs de tourteau sont souvent
exposés. Rappelons que le « bradage » par les paysans des
produits de traitements insecticides et herbicides obtenus à
crédit auprès de la SODECOTON ou de la CNPC-C est fréquent
dans la
69
région soit pour acheter des céréales,
soit pour régler certains problèmes, soit pour se procurer de la
bière de mil.
Cependant, les éleveurs mbororo ne sont pas les seuls
à acheter le tourteau auprès des producteurs de coton.
D'après une étude réalisée par la Cellule
Suivi-évaluation de la SODECOTON en 2013, 48% des acheteurs de tourteaux
sont les grands commerçants, 26% sont les producteurs de coton
équipés, 13% les petits spéculateurs et 13% les
éleveurs non planteurs de coton. Les enchères sur le prix du
tourteau sont entretenues par les grands commerçants qui passent dans
les villages au moment de la distribution du tourteau. Ils passent par
l'intermédiaire des petits spéculateurs ou rachètent
directement le tourteau livré aux planteurs par la SODECOTON. De ce
fait, les éleveurs n'achètent pas les tourteaux aux prix
fixés par la SODECOTON. Du fait de sa rareté et des
spéculations autour de ce sous-produit, rares sont les cas de bradage
à vil prix. Les prix pratiqués sont variables selon l'offre et de
la demande dans la région. Le prix d'un sac de 60 kg de tourteau
Nutribet est passé de 5 000 FCFA en 2005 à 9 500 FCFA en
2012. Ces prix varient entre les saisons. C'est pour cela que certains
éleveurs, notamment ceux qui font de l'embouche, préfère
se ravitailler à cette période pour stocker afin de
complémenter à moindre coût leurs animaux pendant la saison
sèche.
II.2.5. Rapports éleveurs/éleveurs :
entre échanges, complémentarités et
conflits
Depuis leur fixation, les échanges se sont
intensifiés entre les éleveurs. Bien qu'il existe des
compétitions entre eux pour l'accès aux ressources pastorales,
les éleveurs ne cherchent pas à garder systématiquement
pour eux les informations sur les pâturages. Les moyens de locomotion
n'étant pas encore importants dans les campements, ceux qui en
possèdent se chargent d'aller prospecter l'état des
pâturages et partagent l'information sur le choix des lieux de
transhumance sans aucune contrepartie. Ils rapportent également des
informations sur les conflits, le nombre d'éleveurs présents,
etc.
Malgré l'exiguïté de l'espace
réservé à l'habitat et la saturation de l'espace agricole,
les premiers éleveurs continuent de recevoir de nouveaux candidats
à la
70
sédentarisation. Par contre, ils refusent
systématiquement l'installation de personnes étrangères
à leur clan sur leur territoire. Lorsqu'un nouveau membre de leur clan
désire s'installer, certaines précautions sont
préalablement prises. Tout d'abord, le chef du quartier prend le soin de
vérifier s'il n'est pas mal intentionné en se renseignant sur ses
antécédents dans les différents sites qu'il a
occupés. Il cherche notamment à savoir si le nouveau venu n'est
pas voleur ou sorcier... S'il est accepté, le chef du quartier doit le
présenter aux autorités traditionnelles, d'abord à l'ar'do
puis au sarkin saanou. Cependant, il ne peut pas défricher une
parcelle. Le chef du quartier lui en octroie une où il cultive et cette
dernière lui appartient.
Les éleveurs étant peu outillés en
matériels de traction, il s'ensuit des échanges et des
complémentarités entre eux sous forme de prêt gratuit ou
d'échange de travail. Il en est de même pour les moyens de
transport comme les vélos et les motocyclettes pour le transport du
maïs au moulin, diverses courses ponctuelles dans les villages voisins ou
pour aller rendre visite aux bergers sur les lieux de transhumance.
On assiste également à l'émergence de
travail communautaire non rétribué. En effet, la surga a
fait son apparition chez les éleveurs lors des travaux agricoles.
Emprunté aux agriculteurs des villages voisins, c'est une forme de
solidarité dans l'accomplissement des travaux agricoles (sarclage et
récolte) qui permet de gagner du temps et de réduire les
coûts d'entretien des parcelles. Le propriétaire du champ informe
les habitants du village la veille. En même temps, il achète 1 kg
de sucre, 1 kg de thé, 2 kg de riz, des galettes d'arachide de 300 FCFA
et réserve environ 2 litres de lait. Alors que chez les agriculteurs la
surga peut prendre toute la matinée (6 heures - 13 heures), les
éleveurs y consacrent moins de temps (6 heures - 9 heures) notamment
parce qu'ils n'ont pas de grandes parcelles, mais aussi pour permettre aux
bergers d'aller faire paître leur troupeau.
La sédentarisation a fait développer chez les
éleveurs mbororo l'individualisme et la jalousie. En effet,
malgré ces échanges et complémentarités, les
rivalités entre les
71
différents campements31 existent ainsi que
l'effritement des logiques traditionnelles de prise de décision
collective qui ne permettent pas la cohésion entre les
différentes communautés mbororo pour faire foule face à
leurs problèmes communs. Il n'existe donc pas une cohésion
interne au sein des lignages. Les nombreuses réunions de sensibilisation
qui, sans doute, ont contribué à accélérer la prise
de conscience collective et permis quelques actions concrètes ont rendu
d'indiscutables services aux éleveurs, mais il est résulté
au final que des opérations encore timides. Dans certains campements,
les bornes plantées par les projets de développement marquent
bien les territoires, mais il n'existe aucun consensus collectif pour la
gestion de ces espaces. Les porteurs de ces actions étant
décédés, les autres membres de la communauté ne se
sentent que faiblement concernés par la préservation de ces
espaces. Il en est de même pour la culture des plantes fourragères
qui, pour le moment, n'est pratiquée que de manière marginale. Le
manque d'implication et d'organisation de tous les éleveurs dans ces
opérations de production fourragère ne permet pas à ceux
qui les pratiquent d'étendre leurs parcelles et de les protéger
en saison sèche.
Les conflits inter-éleveurs sont fréquents. Ces
conflits sont nouveaux pour les éleveurs et sont liés à
leur sédentarisation. Ils s'étalent de la période allant
des semis à la libération des champs. Les causes sont multiples
et variées. Elles vont de la contestation des limites des champs aux
questions relatives aux transactions foncières telles les ventes, les
prêts, les legs, les dons, l'héritage des terres, mais rarement
pour des dégâts de culture même si l'agriculture occupe une
place déjà importante. Un consensus tacite existe entre les
éleveurs pour l'organisation des activités agricoles notamment en
ce qui concerne les périodes des semis et des récoltes.
La question des limites des parcelles est la cause de conflit
la plus fréquemment évoquée. Elle est liée au fait
que dans les deux territoires les limites sont sommaires et constituées
d'espèces herbacées. Ces dernières disparaissent sous le
poids des charges animales, des vents et même des opérations
d'entretiens des parcelles (sarclages ou
31 Pour des réunions ou une action de
développement, il est toujours difficile de trouver un consensus. Le
choix d'un campement pour une action est rejeté par les autres
communautés parce qu'ils ont le sentiment de faire allégeance
à l'autre communauté. Ils refusent même souvent d'envoyer
leurs enfants dans une école construite dans une communauté
voisine.
72
buttage réalisés par les manoeuvres
maîtrisant mal les limites des champs de ceux qui les emploient).
L'action des propriétaires des champs n'est pas écartée
puisque certains interlocuteurs ont fait cas de tentatives
délibérées pour grignoter les propriétés
voisines. C'est pour cela qu'un vieux mbororo lors de la régulation d'un
tel conflit auprès de chef du village à Laïndé
Ngobara a insisté auprès de ses frères en ces termes :
« Ngade keerol ! Ngade keerol ! » (Faites des limites !
Faites des limites). Ces genres de différends généralement
gérés au niveau familial, aboutissent de plus en plus à la
Cour du chef du village en raison de la valeur acquise par les terres.
Le second type de conflit inter-éleveurs est celui
relatif aux transactions foncières de toutes sortes, notamment les dons,
les legs et les prêts, les ventes n'étant pas monnaie courante. Au
début de leur installation, les éleveurs n'avaient pas
accordé une grande importance aux actes qu'ils posaient vis-à-vis
de la terre. Après avoir défriché quelques parcelles
proportionnellement à leur capacité à les exploiter et
à leurs besoins alimentaires, les premiers arrivants octroyaient avec
beaucoup de nonchalance des terres à ceux qui venaient après eux.
Maintenant qu'il n'y a plus de terres à défricher et qu'il faut
trouver des terres pour les enfants qui grandissent, commence la remise en
cause des transactions. Les propriétaires ou ayant-droits du donateur ou
du prêteur remettent en cause les accords souvent oraux et revendiquent
la paternité de la terre. Ayant passé parfois 8 à 10 ans
à exploiter les parcelles, l'autre partie refuse d'y accéder. Ces
conflits sont gérés au niveau du chef du village et aucune
altercation violente n'est encore survenue.
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