L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
2. Les liens entre le clan Deïdo et l'administration coloniale allemandeLe clan DEÏDOest une division du clan AKWA. Le nom aurait été emprunté à une corvette britannique « HMS Dido » ; qui s'était échoué auparavant. Pendant des siècles, les navires ne mouillèrent qu'au milieu d'une rivière profonde. Les marchandises étaient apportées au rivage par des pirogues ou ramassées là-bas. Selon une étude urbanistique de Douala1029(*), un jeune homme courageux de cette colonie avait libéré l'ancre du « HMS Dido » et le « Town » Deïdo avait retrouvé le droit de négocier directement avec les Européens, droit retiré, quand il était de l'Akwa. En 1841, la corvette « HSM Dido » de la « Royal Navy » pourrait s'être arrêtée dans la baie de Douala en route vers l'Océan Indien.A la fin du 19ème siècle, Douala est en pleine effervescence économique avec l'installation de nombreuses compagnies européennes. A cette époque, l'un des partenaires commerciaux les plus importants était King JIMEKWALLADEÏDO, influent et très respecté. Grâce à ses relations avec les Allemands, il réussit à envoyer son fils MoiseEKWALLA étudier en Allemagne. C'est ainsi qu'en 1890 le jeune Prince MoiseEKWALLADEÏDO débarque à l'âge de 14 ans sur le sol allemand. Il est pris en charge par Heinrich DE JONG, le directeur de l'école Victoria à Holthausen, et malgré son mal du pays notable, il suit sérieusement ses études. D'après l'histoire, il a de bons contacts avec ses camarades et les enfants du quartier. Pendant l'hiver 1890, alors qu'il joue avec ses camarades, il tomba accidentellement dans une fosse d'eau glacée, le froid le rendra malade et il est pris d'une pneumonie. Malgré tous les soins, il meurt le 1er mai 1891, à l'âge de 15 ans. Son père le King Jim EKWALLA DEÏDO est venu se recueillir sur sa tombe en 1902, soit 11 ans après l'inhumation de son fils en terre allemande. Dans le petit cimetière de Witthausbuch, une pierre décorée de croix et de branches de palmiers, recouverte de végétation a été découverte, sur laquelle est gravée cette inscription encore à peine visible : « Prince Equalla Deïdo, né le 27 avril 1876 à Douala Cameroun, décédé le 1er mai 1891 à Holthausen ». La pierre tombale a été cassée et remplacée par une réplique en 19891030(*).Ce dernier paragraphe peut traduire plusieurs hypothèses. En effet, cela peut amener à considérer l'abandon de la part du père de ce jeune garçon mort en terre étrangère mais aussi de la confiance placée entre les mains des Allemands.De plus, nous nous penchons également sur le probable cout exorbitant de rapatriement de la dépouille qui aurait couté une fortune aux deux parties concernées. Au regard de ce récit, la situation des chefs Duala est perçue comme une volonté de reproduire le modèle occidental par différents auteurs. En effet, tous les chefs Duala ont eu recours à l'éducation occidentale pour leur progéniture. Nous parlerons plutôt d'une adaptation au monde colonial et à ses réalités. Car il faut le remarquer, les « indigènes » se sont retrouvés au banc de la modernité et l'école des « Blancs » était l'un des meilleurs outils pour essayer de la maîtriser. Néanmoins, ThéodoreSEITZ écrivait : « A les fréquenter superficiellement (les Africains en général, les Douala en particulier), on pouvait croire que ces gens s'étaient dépouillés de l'Africain et essayaient de mettre tout leur être en accord avec notre culture. Mais, souvent à l'occasion d'une remarque secondaire, subitement l'Africain authentique apparaissait avec des sentiments, des idées, tout différents, et j'avais l'impression que ces gens-là menaient une double vie. En fréquentant les Européens, ils essayèrent de s'adapter à leur concept. Toutefois, quand ils étaient entre eux, l'Africain reprenait son droit. Cela ne devait pas être de l'hypocrisie et dans la plupart des cas, ce ne l'était pas.Les indigènes trouvaient les peuples dont la culture primitive a été écartée par une culture nouvelle et étrangère.Un déchirement s'est produit alors dans tout le peuple et dans chaque personnalité.On s'est souvent moqué de la facilité et de la légèreté avec laquelle les indigènes de la côte d'Afrique acceptaient les formes extérieures de la civilisation occidentale et devenaient la caricature des Européens.Ils y étaient soutenus par la connaissance qu'il est impossible aux Européens de s'établir définitivement et pendant des générations dans leur pays à cause du climat. L'Européen fonctionnaire, officier, commerçant, missionnaire, en effet, arrive et repart, alors que l'indigène reste là »1031(*). Nous pouvons dire que la chefferie DEÏDOcomme toutes les autres cherchait à s'adapter aux différents volets de la modernité non sans séquelles. Nous nous attèlerons à la remise en question de la perception de l'administration coloniale allemande par les chefs Duala. * 1029 T. PENDZEL & J. COULIBALY PARADIS, « Les ateliers-maîtrise d'oeuvre urbaine-Synthèse Douala 2016 », p. 45. Article publié sur le site https://ateliers.org et consulté le 16 décembre 2020. * 1030 CAMEROUN RÉTRO - PHOTOS DU PASSÉ. Article publié le 24 août 2021 sur le site www.facebook.com et consulté le mardi 28 septembre 2021. * 1031 T. SEITZ, Vom Aufsting und Niederbruch deutscher Kolonialmacht, Karlsruhe, 1929. Cité par R. GOUELLAIN, « DOUALA - VIE ET HISTOIRE », Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 180. |
|