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L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Cameroun


par Winnie Patricia Etonde Njayou
Université de Douala - Doctorat 2023
  

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C. LES RELATIONS DE LA DYNASTIE DEÏDO AVEC L'ADMINISTRATION COLONIALE ALLEMANDE

Le protectorat correspond donc au moment où l'indigène fut retiré de sa société, celle-ci étant mise à l'écart, et où le colon fut mobilisé sur place, sa propre société étant intégrée à la colonie, par opposition à la période précoloniale, qui fut le moment où émergèrent le « commerçant » africain selon les normes occidentales et le pratiquant européen de la traite, agissant souvent presque en Africain.

Quand les uns et les autres se rapprochèrent, il y eut crise chez le « colonisateur », qui vit alors ses avantages diminuer relativement, et chez le « colonisé », qui ne put s'ouvrir entièrement à la compétition capitaliste craignant de voir ses structures s'éclater1022(*).

D'après les lettres de ces missionnaires, il est dit que « pour avoir part aux privilèges des adultes, un jeune homme de bonne famille devait d'abord prouver sa valeur en tuant un ou plusieurs individus. Après quoi, il fixait à la proue de sa pirogue les têtes et les armes de ses victimes et paradait ainsi devant les villages voisins »1023(*)... Mais ce qui intéressa surtout les missionnaires, ce sont les croyances Duala, les sociétés secrètes et quelques rites :« Ils rendaient surtout un culte aux esprits de la rivière qu'ils appelaient « Miengu » et dont les lamantins, les « Mammy Wata » alors nombreux les incarnaient »1024(*).

BOUCHAUD dans son ouvrage déjà cité, résume de la façon suivante les écrits des missionnaires relatifs aux Duala : « Elles (les lettres) nous les dépeignent comme une sorte d'aristocratie guerrière, dominant les premiers habitants du pays au moyen de cruautés sauvages et d'abrutissantes superstitions. Les Duala eux-mêmes se répartissent en 03 classes sociales : les hommes libres, ceux nés de père libre et de mère esclave, et les esclaves proprement dits formant à eux seuls les 2/3 de la population totale, qu'on évaluait à environ 30.000 personnes. Les esclaves se recrutaient principalement parmi les prisonniers de guerre, les criminels, les indigents incapables de payer leurs dettes et ceux qui, en temps de disette, se vendaient eux-mêmes ou vendaient leurs enfants pour avoir à manger. Si la condition de la plupart était misérable, il y en avait par contre qui grâce à leur industrie, savaient prendre de l'ascendant sur leurs maîtres et arrivaient à jouer un rôle important sinon prépondérant dans les affaires de la tribu ».

Les autorités traditionnelles peuvent être définies comme « tout individu ou groupe d'individus qui détenaient et exerçaient le pouvoir politique avant la conquête coloniale ainsi que les individus qui furent investis par cette dernière de certaines compétences analogues à celles qui étaient détenues par les gouvernants de la période précoloniale à laquelle sont venus s'ajouter officiellement certains éléments nouveaux en vertu de la volonté des autorités coloniales ».1025(*)

Pour la suite de notre travail, nous évoquerons le clan DEÏDO qui fut considéré comme le 3èmecampdes autorités traditionnelles Duala(1-) et de revenir sur les liens qui ont lié cette dynastie à l'administration coloniale allemande (2-).

1. L'historique du clan Deïdo

L'ancêtre des BoneBelè que nous appellerons les Deïdo est originaire du pays Abo. Il avait pour nom EJOBE. Il aurait été capturé à Bansoa lors d'une expédition par les gens du clan NJO.

Il fut recueilli par les Bonapriso où il se révéla très habile artisan. Il parvint à s'enrichir très rapidement en fabriquant des sièges en bois et des pirogues qu'il échangeait contre des marchandises.Ne pouvant se marier dans son clan d'adoption au prétexte qu'il était esclave, de par sa fortune, il put épouser une princesse, KANYA EWONDE KWANE NJE. KANYA était infirme donc inapte au travail, néanmoins EJOBE l'épousa et eut un fils de cette union, nommé EBELE. A son tour, il se révéla être un excellent lutteur se distinguant dans toutes les joutes et tous les tournois de lutte entre les villages. Ce qui ne manqua pas de lui valoir l'animosité de tout son clan d'adoption au point qu'il dût quitter Bonapriso pour aller se réfugier dans le village de sa famille maternelle dans le clan Bonewonda à Akwa-Nord.

C'est pendant qu'il remontait le Wouri que le Roi NGANDO KWA, son cousin maternel, l'invita à s'établir dans son village où sa descendance s'agrandit rapidement. A la mort d'EBELE, des troubles commencèrent à opposer ses descendants aux autres AKWA. Le Roi NGANDO KWA devant les tracasseries que vivaient ses neveux, les descendants d'EBELE, et pour les soustraire aux provocations des siens, les autorisa à aller s'établir dans l'emplacement que les Deïdo occupent encore aujourd'hui. Et pour leur conférer considération et dignité, il nomma EBULE, 1er fils d'EBELE, Prince DIDOAKWA.

Celui-ci ne règnera pas mais formera dès lors son clan, les « Bonebele » ou « Deïdo » ne relevant plus des Bonambela. Rappelons qu'EBELE épousa en outre les Dames TEKI, TENE et NAMBEKE qu'il répartit dans les deux foyers de ses premières épouses JINJE et MULA.

Les descendants de ces cinq femmes formeront les cinq foyers du lignage actuel des Deïdo à savoir :

- Les BONAJINJE

- LesBONANOUDOUDOU (MULA)

- LesBONATEKI

- LesBONATENE

- LesBONANTONE (NAMBEKE).

Comme pour les Bonadoo et les Bonambela/Bonaku, la chefferie chez les Deïdo quittera le foyer Bonajinje1026(*) pour aller au 4ème foyer des Bonatene1027(*)sans qu'ici la succession se soit opérée telle que traditionnellement par le droit d'ainesse1028(*).

Dans la suite de notre travail, nous nous pencherons sur les liens qui se sont tissés entre le clan Deïdo et l'administration coloniale allemande.

* 1022 R. GOUELLAIN, « DOUALA - VIE ET HISTOIRE », Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 181.

* 1023 J. BOUCHAUD, « La côte du Cameroun dans l'histoire et la cartographie », Mémoire, Institut Français d'Afrique Noire, Centre Cameroun, Douala, n°5, 1952, pp. 129-130. In René GOUELLAIN, « DOUALA - VIE ET HISTOIRE », Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975.

* 1024Ibid., p. 130. In R. GOUELLAIN, « DOUALA - VIE ET HISTOIRE », Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 47.

* 1025 P. F. GONIDEC, Les systèmes politiques africains : les nouvelles démocraties (3ème édition), Bibliothèque africaine et malgache, Tome 55, 1997. In J.-P. PABANEL, Les coups d'Etat militaires en Afrique noire, Paris, L'Harmattan, 1984.

* 1026 EBULE n'ayant pas régné, ni sa succession.

* 1027 Famille régnante jusqu'à ce jour.

* 1028 , « Les origines égyptiennes des Douala (Publiées comme telles) ». Article publié le 22 août 2021 sur le blog « Dibambe La Sawa » et consulté le mardi 28 septembre 2021.

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