L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
B. LES RELATIONS DE LA DYNASTIEAKWAAVECL'ADMINISTRATION COLONIALE ALLEMANDESelon le lexique des termes juridiques Dalloz1005(*), la colonisation est une politique d'expansion politique et économique pratiquée à partir du XVIème siècle par certains États à l'égard de peuples moins développés, obligés d'accepter les liens plus ou moins étroits de dépendance.La colonisation véhicule un discours qui se construit sur le principe de la négation de l'altérité aux populations soumises1006(*). De là, l'on peut définir l'Etat colonial comme étant la structure politico-administrative qui se charge de l'implémentation et de la mise en oeuvre des ambitions coloniales de la métropole sur un territoire donné. Pour BernardDURAND,1007(*) la colonisation a fait du chef « davantage un fonctionnaire que le représentant d'une véritable autorité ». La perte du pouvoir traditionnel se singularise pour ce qui est du régime allemand par l'affaire dite des chefs AKWA,1008(*) qui furent condamnés à neuf, huit, sept années de peine d'emprisonnement pour avoir osés envoyer une pétition au Reichstag. A cet effet, la condamnation de DOUALA MANGA BELL le 08 août 1914 est aussi assez révélatrice.Le régime allemand est très répressif à l'encontre de l'autorité traditionnelle. Ainsi par exemple, « le capitaine KANNENBERG faisait battre à mort les chefs camerounais qui se montraient rétifs à apprendre l'allemand »1009(*). Ce qui fait dire au député ERZBERGER le 19 mai 1914 que « la façon dont les indigènes sont traités en conséquence de la loi actuelle est indigne du peuple et de l'empire allemands »1010(*). Mais dans l'ensemble, il est fortement décrié aux fonctionnaires de la colonie, qu'ils soient blancs ou noirs, d'humilier le chef devant ses sujets pour ne pas saper son autorité et par ricochet l'autorité de l'Etat1011(*). Dans le système français, un fait illustre bien cette déliquescence de l'autorité traditionnelle. Il s'agit sans nul doute de la destitution du Roi NJOYA1012(*) des BamounBamun. Il fut dépossédé de tous ces titres en 1923, envoyé à Mantoum à partir de 1924, avant d'être exilé en 1931 à Yaoundé où il meurt le 30 mai 1933. Ainsi, nous parlerons dans un premier temps de la structuration du clan Akwa (1-) et par la suite, nous évoquerons la manière dont le clan Akwa a manifesté son mécontentement à l'égard des colonisateurs allemands (2-). 1. La structuration du clan AkwaMOULOBE EWALE1013(*) eut deux (02) fils, l'aîné NGIYE et NJE dont les enfants furent MUTIE, fondateur du clan Bonamuti et MAPOKA, dont le fils KUO verra sa descendance se développer de façon spectaculaire. Il lui reviendra la chefferie des Bonambela puisqu'EWONDE, petit-fils de NGIYE ne put régner. La royauté revenue à KUO, le clan de celui-ci se développera au point de constituer une entité à part dans le giron Bonambela sous l'appellation des Bonaku qui allaient devenir l'un des plus grands clans des Duala. Pour avoir eu plusieurs épouses, donc plusieurs enfants, KUO verra ses fils à la tête de plusieurs lignages que nous appellerons également clans : - Les BONAMINKENGE par son fils MWANGE I. - Les BONELANG par son petit-fils ELANGE DIKOTO V. - LesBONEBONGet les BONANGANG par ses petits-fils EBONGUEEKUKULAN et NGANGE. Une mention spéciale revenant aux descendants de KWA puisque ce lignage héritera de la royauté avec ces grands rois AKWA : KWA KUO, NGANDO KWA, MPONDO NGANDO AKWA, DIKA MPONDO AKWA, tous du même lignage et clan des BONELEKE. Le Roi NGANDO KWA eut en dehors de son héritier MPONDONGANDO qui lui succédera, d'autres enfants tels que DIKONGUENGANDO à la tête de Bonalembe et EDJENGUENGANDO à la tête des Bonejang. Il faudra rattacher tous les lignages de MUTIEKWANE et MAPOKA sous la seule et unique appellation de Bonambela qui connaitra une deuxième scission de sa descendance EWONDE avec l'émergence du clan BoneBelè1014(*)1015(*). Le clan Akwa n'hésitera pas à manifester son mécontentement face aux abus de la colonisation allemande. * 1005 H. ROLAND, Lexiquejuridique et expressions latines, Dalloz, 3ème édition, 2001, p. 109. * 1006 D. ALLAND & S. RIALS, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 231. * 1007 B. DURAND, Introduction historique au droit colonial, op.cit., p. 340. InP. MOUBEKE A MOUSSI, « L'Etat colonial et les coutumes au Cameroun : Approche comparative des régimes allemand, français et britannique »,Mémoire de Maîtrise en Théories et Pluralismes juridiques, 2018, p. 41. * 1008 Cf. E. LEWIN, « Le régime allemand en Afrique », Publication du comité de l'Afrique française, Paris, 1918, p. 32. In P. MOUBEKE A MOUSSI, « L'Etat colonial et les coutumes au Cameroun : Approche comparative des régimes allemand, français et britannique », Mémoire de Maîtrise en Théories et Pluralismes juridiques, 2018. * 1009 Cf. H. BRUNSCHWIG, L'expansion allemande outre-mer, du XVème siècle jusqu'à nos jours, op. cit., p. 171. In P. MOUBEKE A MOUSSI, « L'Etat colonial et les coutumes au Cameroun : Approche comparative des régimes allemand, français et britannique », Mémoire de Maîtrise en Théories et Pluralismes juridiques, 2018. * 1010 E. LEWIN, « Le régime allemand en Afrique », Publication du comité de l'Afrique française, Paris, 1918, op. cit., p. 31. Cité par P. MOUBEKE A MOUSSI, op.cit., Mémoire de Maîtrise en Théories et Pluralismes juridiques, 2018. * 1011P. MOUBEKE A MOUSSI, « L'Etat colonial et les coutumes au Cameroun : Approche comparative des régimes allemand, français et britannique »,op. cit, 2018, p. 48. * 1012 Cf. B. A. NGANDO, La présence française au Cameroun (1916-1959), colonisation ou mission civilisatrice, Paris, L'Harmattan, 2002, p. 142. Cité par MOUBEKE A MOUSSI, op.cit., p. 42. * 1013 DUALA. * 1014Deïdo. * 1015 A. MBEMBE, « histoire-des-chefs-des-régions-côtières-du-cameroun ». Article publié sur le page « Roukayatou officiel » le 30 mai 2020 et consulté le mardi 28 septembre 2021. |
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