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L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Cameroun


par Winnie Patricia Etonde Njayou
Université de Douala - Doctorat 2023
  

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PARAGRAPHE I : LES RELATIONS CONFLICTUELLES ENTRE LES CHEFS DUALA ET L'ADMINISTRATION COLONIALE ALLEMANDE

LesBonadoo se diviseront en deux (02) grandes familles : les BonaNjoh à gauche du fleuve Wouri en aval, les Bonaku (Akwa) et les BonaEbele (Deïdo) tous restés à la rive gauche du fleuve Wouri en amont.Les quatre (04) groupes conçus sont appelés « MATUMBA » et sont dirigés par un « MWANED'A BOSO ou KINE » qui signifie Roi.

Chaque Roi a plusieurs « BANEDI BA MBUSA » qui ne peuvent s'appeler « KINE » mais « MWANED'A MUNDIMA » c'est-à-dire chef de village de... Les chefs des villages respectifs d'un Tumba sont indépendants mais rendent compte à « MWANED'A BOSO ou KINE », en cas de besoin ou pendant des assises périodiques convoquées par le Roi.

Le Roi est le seul responsable administratif du canton auprès de l'administration.Dans le village natif de « MWANED'A BOSO », la famille régnante présente ou désigne le « MWANED'A MUNDI » qui n'est pas du même foyer que son « KINE ».En cas d'impossibilité, le Roi fait cumul de fonction. Le « MWANED'A BOSO `KINE' » ou le « MWANED'A TUMBA »978(*) est choisi ou désigné par les seuls membres dignitaires des foyers de la famille régnante. Toute ingérence des autres familles du village ou d'ailleurs est formellement interdite.

Quant à « SANGO'A BOA »979(*) qui n'est pas le « SANGO'A TUMBA »980(*), « MUTUD'A TUMBA » non plus981(*), il est le 1er garçon du premier foyer quand ce dernier n'est pas désigné chef, si oui le 1er garçon du 2ème foyer qui est « SANGO'A BOA » si non le 1er garçon du 3ème foyer dans la tradition Duala. Le « MUTUD'A TUMBA » est le membre le plus vieux de tous les ressortissants de la famille régnante.

Dans cette organisation élargie et libérée, strictement traditionnelle, l'obéissance, le respect, la hiérarchie sont de rigueur. De son système pyramidal tout part de « Masoso 'au Ngondo » : Assemblée traditionnelle où se règlent tous les problèmes de MBOA DOUALA, comme il s'agit de Douala ici, mais c'est précisément NGOND'A SAWA982(*).

Il y a encore deux (02) siècles, on observait des guerres sanglantes entre rois et entre Matumba983(*), les verdicts allaient jusqu'aux pendaisons des rois ou aux extraditions à vie984(*). Les verdicts étaient prononcés par le Ngondo, depuis sa cour suprême de justice. Les débats duraient des jours entiers voire des semaines, des mois, des années et les verdicts étaient sans appel.

Dans la suite de notre travail, nous examinerons les relations de la dynastie BELL(A-), de la dynastie AKWA (B-) et de la dynastie DEÏDO(C-) avec l'administration coloniale allemande.

A. LES RELATIONS DE LA DYNASTIE BELL AVEC L'ADMINISTRATION COLONIALE ALLEMANDE

Au commencement du XIXème siècle, un seul chef Duala, BELE BA DOO représentait encore la totalité des Duala dans les négociations avec les Européens. Mais déjà en 1814, le jeune NGAND'A NKWA arriva à se faire reconnaître pour « roi » par les Européens, en s'attribuant le droit de négocier avec les subrécargues985(*).

Désormais, les Duala étaient divisés en deux (02) groupes antagonistes :

1° Le lignage des Bonadoo986(*) conduit par les « rois » BELL de Bonanjo ;

2° Le lignage des Bonambela, à la tête duquel se trouvaient les rois AKWA de Bonaku.

Cette dichotomie prit une importance fondamentale pour l'histoire ultérieure des Duala. Or, on constate d'autres segmentations. LesBonabéri se détachèrent sous leur chef KUMMBAPE987(*) des Bonanjo, et les Bonambela avec EYUMEBELE988(*) comme chef s'approprièrent l'autonomie des Bonaku. Dès les années 50, les traités de commerce tenaient compte de cette situation, et reconnaissaient la division de l'autorité entre quatre (04) chefs.

Comme les deux « rois », les deux (02) « chefs » avaient voix à la Cour d'Équité et ils recevaient une partie de la coutume. Mais malgré leurs ambitions, ils ne parvinrent pas à l'autonomie totale, ni à être reconnus comme « rois » ; ils demeuraient encore dans un certain état de dépendance vis-à-vis de King BELL et de King AKWA989(*).

CHARLEY DIDO, d'ailleurs, paya son ambition politique de sa vie : s'étant engagé dans une guerre sanglante avec les Bonambela, il fut condamné à mort par le Ngondo en décembre 1876990(*). Il semble que souvent des chefs - faute d'une autorité proportionnée aux exigences et accordée par le droit coutumier - aient essayé d'établir un régime rigide. King BELL, en particulier, passait pour despotique. Sa politique avait cependant des effets contraires au but visé : en 1873, les Bonapriso se détachèrent de lui et se placèrent sous la protection de son rival King AKWA991(*). Celui-ci n'hésita pas à leur donner un terrain pour s'y installer. Le conflit né de cette segmentation se prolongea...aux simples rivalités entre les chefs s'ajouta la confrontation des chefs avec leurs dépendants, les cadets sociaux ou les « Youngmen »992(*).En 1871, le Consul avait observé que:« The Kings are well disposed towards us, but it is almost impossible for them to keep their savage subjects its subjection (sic)! ».993(*)

En 1878, enfin, le Consul HOPKINS rapporta:« There are too many Kings in the Cameroons River, and they are too close together. They cannot keep their young men under control. They have all told me they would be glad if His Majesty's Government would take them under their protection, as they cannot rule their people themselves »994(*).Les BONAMANGA sont la branche régnante des BELL, Bonanjo, à Bali, à Douala. Les BONAMANGA sont une composante importante des 12 foyers dits BonaMandona à Bali. Ils font partie d'un groupe qu'on retrouve des deux (02) côtés du fleuve Wouri à Douala : les Bonadoo. Les Bonadoo rassemblent également les BonaPriso, BonaDoumbè, BonaBélone, BonaBéri, BonaSama, Bonendalè, etc.En langue Duala, le mot « Bona » est généralement rattaché à un individu dont on se réclame :un patriarche, un homme ou une femme.

Bonadoo signifie donc « Ceuxde DOO, les descendants de DOO ». Le patriarche DOO-MAKONDO, né entre 1697 et 1702, était le chef de tous les Duala, c'est-à-dire des descendants d'EWALE MBEDI et ses deux (02) fils : « MASSÈ MA EWALÈ » qui a produit la branche des BONADOO et « MOULOBÈ MWA EWALLÈ » qui a produit la branche des BONAMBELA - AKWA sous le règne de « BELLÈ » à Bonabéri(1-).

Partant de là, nous parlerons des rapports que les Rois BELL ont entretenus avec l'administration coloniale allemande (2-).

1. La scission entre « BELL » et « BELLÈ »

Mais, plus tôt dans l'histoire de la tribu Duala, un autre séisme avait déjà durement secoué la maison du roi DOO-MAKONGO : son fils aîné, NJOH995(*), plus connu sous le nom de PRISO'A DOO, fut écarté de la succession royale. On lui préféra son jeune frère « BELLÈ BA DOO ».

La colère et la réaction de PRISO furent si violentes que « BELLÈ » n'eut la vie sauve qu'en s'exilant loin du territoire familial du plateau Joss de Bonanjo. Il trouve ainsi refuge de l'autrecôté du fleuve Wouri, à Hickory-Town, dans un grand territoire qui encore aujourd'hui porte son nom : BonaBellè, ou BonaBèdi, déformé phonétiquement en Bonabéri. « BELLÈ » y prospéra en compagnie d'un de ses frères, « SAMÈDOOH », lui-même fondateur de BonaSama. Cependant, dans la maison de DOO'A MAKONGO, à Bonanjo, les dissensions entre les partisans des deux frères laissaient planer un doute quant à la capacité du clan DOOH à se doter d'un chef après le patriarche DOO-MAKONGO, sur le territoire de Bonanjo, PRISO ayant été écarté, « BELLÈ » s'étant réfugié loin du palais.

Après d'interminables négociations dans le but de faire revenir « BELLÈ » à Bonanjo pour hériter du trône de son père, « BELLÈ » refusa finalement d'opérer son retour, préférant s'établir définitivement et régner sur les DOO à partir de son nouveau territoire. Il proposa à la famille un de ses 37 enfants pour perpétuer le trône de son père de l'autre côté du fleuve. « BEBEYBELLÈ », un de ses fils, fut désigné pour succéder à son grand-père, un héritage qui n'était pas complètement sans risque, tant les tensions entre les BELL et les PRISO étaient encore vives. Mais DOO LA MAKONGO avait désormais un successeur issu de Bèlè, car son petit-fils « BEBEY » a réussi à pacifier la famille et à établir ainsi un pont entre ceux de Bonabelè996(*) et ceux de son oncle.

Les autres branches de la famille, les BonaDoumbè, les BonaBelonè, les BonaDouma, les BonaNgang, reconnurent la légitimité et l'autorité de « BEBEY » et se rangèrent tous derrière lui. Le royaume de DOO ne connut donc pas de scission, grâce à la finesse politique du jeune « BEBEY » et le sens élevé de l'intérêt général des partisans de PRISO.

Ainsi fut scellée la paix retrouvée entre les DOO et les DOO, dont EPEE D'OR chantait jadis les jolies mélodies de la réconciliation en prenant comme un des symboles, le club de football « Oryx de Douala » : « Doo-Doo a ma bolè lata » = « Doo-Doo a retrouvé la paix et l'unité ». De Bonabéri à Bali, jusqu'à BonaPriso, un seul peuple : BONADOO !« BELÈBELÈ » fut rebaptisé en « BELE BELL » et devint ainsi le véritable « King Bell » de l'ère moderne.

Pour bien distinguer des descendants de PRISO'A DOO de ceux de « BELLÈ BA DOO », ces derniers furent appelés « BonaMandona », du nom de la mère de « BELLÈ BA DOO », celle de PRISO s'appelant « ENDALLÈ ».« BEBEY BELL » engendra le Prince BELL LOBÈ BEBE et ses frères et soeurs, LOBEBEBE engendra le Prince BELL NDOUMBE LOBÈ et ses frères et soeurs. MANGANDOUMBÈ engendra le Prince BELL RUDOLF DOUALA MANGA BELL et ses frères et soeurs, DOUALA MANGA engendra NDOUMBÈ DOUALA MANGA BELL et ses frères et soeurs.

Un drame familial ayant opposé NDOUMB'A DOUALA et son fils unique JOSE EMMANUEL où ce dernier trouva la mort, NDOUMBÈ désigna de son vivant, son successeur en la personne de son neveu, le Prince RENÉ DOUALA MANGA BELL997(*), qui succéda à son oncle sur le trône des BELL en 1966 jusqu'à sa disparition en 2012.Le cousin germain du patriarche DOO MAKONGO, qui se prénommait NGANDO, issu de Mulobè, mena une insurrection dans le but de s'émanciper de la tutelle des BonaDoo : la tribu se retrouva désormais avec deux chefs distincts, et deux clans, au sein du même peuple, puis bientôt trois chefs, avec la prise de distance des fils « EBÈLÈ »998(*), qui s'émancipent à leur tour de la tutelle Akwa.Les Duala devaient imposer par la force leur hégémonie et s'imposer une centralisation politique tribale que les lignages craignaient pour leur indépendance...

En effet, le commerce qui les servit pendant un temps, les desservit par la suite : aucun lignage ne parvint à se distinguer des autres, et de l'entente interlignagère valable vis-à-vis de l'extérieur n'émergea aucun pouvoir centralisé. De là, l'affaiblissement du groupe « monopoleur » devant ses partenaires locaux, lesquels, tout en restant sous l'influence des Duala, n'attendaient que le moment de s'affranchir de leur tutelle matérielle et occulte...

Mais les Duala déjà divisés ne firent qu'étendre leurs dissensions à l'extérieur, dans cet immense hinterland que les clans rivaux se partagèrent. Aussi, afin de résoudre le problème insoluble posé par l'interdépendance des lignages antagonistes, fractions dans l'obligation de se fondre en une unité indécomposable face au pays, ils crurent qu'avec l'appui de leurs échangistes occidentaux habituels, ils retrouveraient la paix chez eux, mieux, ils assoiraient leur hégémonie dans l'intérieur999(*).

* 978 Chef du village.

* 979 Chef du foyer.

* 980 Chef de famille.

* 981 L'aîné de la famille.

* 982 Littoral.

* 983 Villages.

* 984 Bila na ba Ngando na Belle ; Bila ba Bona Ebele na Douala...

* 985 JACKSON, « Journal », cité d'après J. BOUCHAUD, op. cit., p. 119 et suiv., et J. M. FLAD, « Zur Geschichte der Vergangenbeit », in Missionary Herald du 1er juillet 1877.

* 986 Les Bonadoo en résumé, regroupent donc, rive droite et rive gauche du fleuve Wouri confondues :

- Les BonaNjo ou BonaMandona à Bali ;

- Les BonaPriso ;

- Les BonaBelonè ;

- Les BonaDouma (on y met aussi les BonaNgang, bien que Ngangue fût un frère de Doo, donc oncle des BonaDoo) ;

- Les BonaBèle (Bèlè Bèlè à Bonabèdi) ;

- Les Bon'Endalè ;

- Les BonaSama, mais aussi les branches Bojongo, et certains groupes Bakoko alliés, etc.

Pour information, voici aussi les noms des 12 tribus dites BonaMandona à Bali-Bonanjo :

- BonaLobabèdi ;

- BonaBebe (anciennement Njako na ébélè) ;

- Bon'Ekambi ;

- Bon'Ewanè ;

- BonaNdoumbè ;

- BonaMandenguè ;

- BonaManga ;

- Bonéssoka ;

- Dikéti ;

- Dippah na Samè ;

- BonaNkolo (les BonNkolo seraient une partie des Bojongo restés à Douala et faisant désormais partie intégrante des foyers de Mandona. Les Bojongo sont les descendants d' « Ekakanga », dit « Jongo, frère aîné d'Ewalè (Duala) ».

* 987 LOCK PRISO.

* 988 CHARLEY DIDO.

* 989 J. M. FLAD, « Zur Geschichte der Vergangenbeit », in Missionary Herald du 1er juillet 1877, p. 45, dit qu'un certain Ebule, fils de l'ancêtre éponyme de Bonebela, aurait reçu le nom de King « Deïdo » parce qu'il avait accueilli les missionnaires baptistes en 1845. Cf. aussi H. ZOLLER, Forschungsreisen in der Colonie Kamerun, Berlin, 1885, 2ème partie, p. 5 et suiv.

* 990 Jakob Freidrich HARTER, op. cit., p. 70 et suiv. Johann Martin FLAD, op. cit., p. 226, inMissionary Herald du 1er juillet 1877, p. 146-159, et Arch. Nat. Cam, n° 333, p. 40. Cité par Albert WIRZ, op. cit., p. 190.

* 991 Cf. les différents rapports consulaires qui traitent de cette affaire : P.R.O., F.O., 84/1377, p. 137-145, 260-264 ; F.O., 84/1401, p. 81-84, 88-92, 158-163 ; et Missionary Herald du 1er août 1873, p. 153-156.

* 992 P.R.O., F.O., 84/1508, p. 207-210, p. 416-422.

* 993 P.R.O., F.O., 84/1343, p. 104-108. Cité par WIRZ A. : op. cit., p. 193.

* 994 P.R.O., F.O., 84/1508, p. 416-422 ; cf. aussi Max BUCHNER, op. cit., p. 30, et ZOLLER, op. cit., p. 5 passim. Cité par A. WIRZ, op. cit., p. 194.

* 995 Du nom de son arrière-grand-père NJOH'A MASSÈ.

* 996 Bonabéri.

* 997 Le Prince Alexandre NDOUMBÈ DOUALA est mort en 1966, mais son neveu René DOUALA BELL ne lui succède qu'en 1967.

* 998DEÏDO.

* 999 R. GOUELLAIN, « DOUALA - VIE ET HISTOIRE », Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 145.

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