L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
B. L'UTILISATIONDE LA MONNAIEOCCIDENTALEOU LA MODIFICATION DES USETCOUTUMESDE LA SOCIÉTÉ DUALAAu stade du « troc-marchand », calcul et crédit tenaient lieu de monnaie. Des instruments dont la capacité de mesure était connue, l'épaisseur de piles d'étoffe par exemple, étaient employés pour réaliser les « termes de l'échange » ... En 1907, le gouvernement constatait à cette date, c'est-à-dire deux décennies après la prise de possession du Cameroun, que le commerce ne présentait pas de changement fondamental : « le troc garde toujours sa prépondérance, quoiqu'on aperçoive une haute augmentation de la circulation monétaire. L'arrêté relatif au paiement de la solde des indigènes en espèces, qui entrera en vigueur le 1er avril 1908 pour le district Sud, enlèvera de plus en plus de régions au commerce par troc, pour les ouvrir à la circulation monétaire. En même temps, l'affaiblissement du système du trust se fera jour. Les commerçants ont reconnu depuis longtemps son caractère nuisible, mais tout effort pour en finir s'est heurté jusqu'à présent à la grande concurrence. C'est seulement en 1910 qu'un procès était enregistré : « l'augmentation des transactions, la nécessité de payer les impôts en espèce, ainsi que l'interdiction du trust par l'ordonnance relative au paiement en espèces des agents, entraînaient partout une grande augmentation de la circulation monétaire »963(*). De plus, nous avons interprété la situation commerciale du Protectorat allemand au Cameroun à partir de la fin des années 1800(1-) et l'utilisation du nouveau système monétaire va faire éclore de nouveaux rapports sociaux au sein de la société indigène (2-). 1. Interprétation de la situation commerciale du Protectorat allemand au CamerounLe tableau suivant résume la situation du commerce de 1901 à 1912. Tableau N° 8: Situation du commerce au Cameroun de 1901 à 1902.
Source : F. ETOGA EILY, Surles chemins du développement. Essai d'histoire des faits économiques du Cameroun, Centre d'Édition et de Production de Manuels et d'Auxiliaires de l'Enseignement Yaoundé-Cameroun, 1971, pp. 223-227. Au cours de cette période, l'évolution des activités commerciales accuse une très nette constance. Seules les années 1903 et 1904 marquent une certaine régression par rapport au niveau atteint en 1902. Il faut observer que cette baisse affecte plus les importations que les exportations ; c'est qu'à cette époque-là, le commerce au Cameroun était soumis à de graves épreuves.En Allemagne même, l'hostilité du Reichstag avait redoublé d'intensité et condamné toutes les activités à un développement au ralenti. Dans le même temps, commençaient les affrontements les plus sanglants enregistrés dans l'intérieur du pays entre noirs et blancs. A l'inverse, la situation connait un redressement spectaculaire à partir de 1907 ; c'est qu'un changement était intervenu au Reichstag et que DERNBURG, plus favorable aux colonies, avait été nommé Ministre des Colonies, dès décembre 1906. Cette mutation explique l'accroissement de plus de 38 % que connait le commerce total du Cameroun en 1907 par rapport à l'année précédente. D'une manière générale, les progrès réalisés depuis 1900 et plus particulièrement depuis 1907 par rapport à la période antérieure sont très sensibles.Le tableau suivant permettra de mieux s'en rendre compte. Tableau N° 9:Situation du commerce au Cameroun de 1891 à 1900.
Source : F. ETOGA EILY, Surles chemins du développement. Essai d'histoire des faits économiques du Cameroun, Centre d'Édition et de Production de Manuels et d'Auxiliaires de l'Enseignement Yaoundé-Cameroun, 1971, pp. 223-227. ... Il faut bien noter qu'au cours de la période qui va de 1896 à 1908, le Cameroun était parmi les colonies allemandes, celle dont les exportations représentaient encore le montant le plus élevé. Par la suite, cette situation devait connaître un net changement ; car, en 1911, le Cameroun n'occupait plus que le troisième rang parmi les quatre possessions allemandes d'Afrique, pour les importations, les exportations et le commerce total. Tout le commerce d'Allemagne avec ses colonies représentait un chiffre global de 240 208 483 marks en 1911 ; le Cameroun y contribuait pour 50 586 000 marks, soit un peu plus de 25 %. Mais, c'était la colonie qui recevait le moins de subventions de la part de la métropole ; pendant plus de vingt ans, de 1891 à 1912, le total des subventions accordées au Cameroun n'a atteint que 71 144 000 marks, ce qui est très insuffisant. La plus grande part du commerce du Cameroun se faisait avec l'Allemagne. En 1912, sur 57 577 000 marks que représentait l'ensemble du commerce du Protectorat, 47 millions revenaient au commerce avec l'Allemagne ; les importations y figuraient pour 27,2 millions et les exportations 19,8 millions. L'Angleterre venait en seconde position avec un commerce total de 8,5 millions répartis à raison de 5,5 millions à l'importation et 3 millions à l'exportation. Avec les pays africains voisins, le commerce du Cameroun représentait en 1912, que 917 000 marks pour l'importation ; il était en 1912, de 917 000 marks pour l'importation, et de 181 000 marks pour l'exportation. L'Amérique et la France comptaient respectivement 230 000 et 300 000 marks d'importation. Il convient de signaler ici que la part du gouvernement dans les importations était de 5,4 millions de marks ; mais les matériaux d'une valeur de 500 000 marks destinés à la construction du chemin de fer en 1912, n'ont pas été importés pour le compte du gouvernement.Les produits importés intéressaient notamment, l'agriculture, les productions animales, les articles d'habillement, les machines et les véhicules, les armes et les munitions, etc...966(*) Par la suite, on assistera à l'apparition des rapports sociaux due à l'introduction du nouveau système monétaire. * 963 Jahresbericht, 1906-1907. L'usage de la monnaie locale chassa aussi la monnaie locale qui était utilisée auparavant, monnaie dont l'usage était limité et presque sacralisé. Cité par R. GOUELLAIN : « DOUALA - VIE ET HISTOIRE », Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, p. 148. * 964 Les chiffres sont empruntés aux différentes statistiques des Deutschen Schutzgebieten pour chacune des années correspondantes. * 965 En millions de marks. * 966 F. ETOGA EILY, Surles chemins du développement. Essai d'histoire des faits économiques du Cameroun, Centre d'Édition et de Production de Manuels et d'Auxiliaires de l'Enseignement Yaoundé-Cameroun, 1971, pp. 223-227. |
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