L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
B. LESDIFFÉRENTS CANTONSDU PEUPLEDUALA324(*)LesSawa sont un ensemble d'ethnies bantoues composées de la majorité des ethnies autochtones du littoral camerounais, ainsi que d'une partie des tribus de l'arrière - pays. Ce qui englobe toutes les ethnies de langue sawabantu325(*), les ethnies de langue Manengouba326(*) certaines communautés Basaa, Yabassi et Bakoko des environs de Douala, et d'autres populations bantoues plus anciennes habitant cette région327(*). Toutes ces populationsse reconnaissent comme appartenant à un même groupe bien que les fondements culturels et historiques de cette unité soient parfois assez nébuleux. C'est le « duala » qui sert de langue véhiculaire, il est parlé et compris dans toute la région, notamment grâce à l'hégémonie locale que les Duala ont acquise dès le XVIIème siècle à travers le commerce de produits tropicaux et d'esclaves avec les Européens. LesSawa sont concentrés principalement sur les régions du Littoral, une des huit régions francophones du Camerounet de la région du Sud - Ouest, une des régions anglophones du Cameroun. Une petite partie des populations du groupe Sawa se trouve dans la région du Sud du Cameroun et sur la côte atlantique de la Guinée équatoriale notamment les Batanga et les Yassa. Pour le reste, il existe une diaspora Sawa dans certaines villes européennes et nord - américaines. Le « Ngondo » organisé annuellement à Douala est la principale fête des Sawa.La musique Makossa328(*), certaines danses329(*) et les tenues vestimentaires330(*) sont communes à l'ensembledes Sawa.Par ailleurs, le peuple Duala est formé de deux cantons à savoir le clan KUO et le clan NJO. Au sein de ces clans, on retrouve les BELL, AKWA et DEÏDOqui se regroupent autour de cantons. Ainsi, un clan331(*) est un ensemble de familles associées par une parenté réelle ou fictive, fondée sur l'idée de descendance d'un ancêtre commun, qui, lui-même, peut-être réel, imaginaire ou mythologique. Ce mot d'origine écossaise332(*) a été choisi comme concept générique parles ethnologues, pour désigner tous les systèmes politiques fondés sur des familles élargies stables.Il est l'équivalent du mot français « gente », du latin « gens-gentis » qui désigne les familles patriciennes de la Rome antique et des républiques italiennes, comme celle de Gênes.Même si leur filiation exacte n'est pas connue, tous les membres d'un clan connaissent cette origine qui prend un caractère mythique. Des individus ou des familles étrangères peuvent être adoptés par un clan qui leur donne ses ancêtres, on parle alors d'affiliation ou d'agrégation. Lorsque cet ancêtre est représenté mythiquement ou symboliquement par un animal, les ethnologues parlent de totémisme. Selon le pays, les clans peuvent être des regroupements très formels, ayant une personnalité juridique, un patrimoine et des institutions politiques qui varient d'une civilisation à l'autre, et obéissant à des règles précises : chef, conseils, assemblées, fêtes, coutumes, symboles, sanctions, etc. Généralement, l'appartenance à un clan peut se traduire par des droits et des obligations de solidarité envers les autres membres du groupe, en particulier l'assistance et la vengeance. S'agissant des cantons, c'est un type de territoire infra-étatique dont le statut varie fortement selon les États. Il peut s'agir d'un Etat fédéré, comme en Suisse, d'une collectivité locale, comme en Bosnie-Herzégovine, ou d'une simple circonscription administrative, électorale ou judiciaire. Les lexicographes donnent le mot comme d'origine provençale333(*)du latin « canthus », qui viendrait lui-même du celtique, comme le grec « kanthos »334(*)335(*).En d'autres termes, c'est une portion limitée d'un territoire ou encore la place assignée à quelque chose....On peut ajouter qu'ils ont leurs propres compétences et disposent d'une large autonomie. Ils ont chacun leur gouvernement avec à leur tête un chef qui nomme les membres devant l'accompagner dans ses nombreuses tâches. La plupart sont issus de sa famille ou de sa communauté d'origine mais il peut également faire intervenir des personnalités s'étant distinguées sur le plan local et international et leur attribuer des titres de notabilité qui contribueront au rayonnement du canton. Tableau N° 3 :« CANTONS », « QUARTIERS » ET « FAMILLES » DUALA (A)
(a) - Recensement administratif de 1954. (b) - Il serait fastidieux d'en donner la liste. (c) - Rappelons que Bonabéri ne fut pas recensé336(*). Source : R. GOUELLAIN, « DOUALA - VIE ET HISTOIRE », Enquête réalisée avec le concours du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), Paris, Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, Place du Trocadéro, 16ème, 1975, pp. 295-297. Le peuple Duala se compose de 03 clans à savoir : le cantonBELL(1-), le canton AKWA (2-) et le cantonDEÏDO(3-). 1. Le canton BellLa dynastie DOUALA BELL ou BÉBÉ BELL BONANJO est une famille princière de Douala en Afrique centrale fondée en 1792. Elle est à la tête du clan Bell du peuple Duala et est reconnue par les autorités de la Républiquedu Cameroun comme chefferie traditionnelle de 1erdegré du CantonBELL. En 1897, NDOUMBE BELL meurt. Lui succède le roi AugusteMANGA NDUMBÈ, 5ème de la dynastie fondée en 1792. Il régna de 1897 à 1908 sous le protectorat allemand. En 1908, suite à la mort de son père, Rudolf DUALA MANGA BELL né en 1872 est intronisé Chef Supérieur du clan des BELL qui regroupe les Bonamandone, Bonapriso, Bonadoumbe, tous propriétaires et habitants du plateau Joss à Douala. Condamné à mort, il sera pendu le 08 août 1914 dans la cour du commissariat de police de Bonanjo. Devait lui succéder Alexandre DOUALA MANGA BELL,fils né le 3 décembre 1897 à Douala et décédé le 19 septembre 1966 à Douala. Députédu Cameroun de 1946 à 1958, il a été membre de la première et de la seconde AssembléeNationaleConstituante. Contrairement à ce qu'on croit, Alexandre n'est pas monté sur le trône des BELL. Après son cursus secondaire, il poursuit des études supérieures en Allemagne, où il est surpris et bloqué par le déclenchement de la guerre. Revenu au Cameroun après la fin des hostilités, il y retrouve la traditionnelle position prépondérante de sa famille, dont il est le fils aîné. Cependant, les difficultés concernant les indemnités d'expropriation soulevées à l'encontre de l'administration allemande se poursuivent avec l'administration française, contre laquelle Alexandre DOUALA MANGA BELL est engagé dans plusieurs procès... Son frère Eithel DOUALA MANGA BELL, père du Prince RENÉ BELL refuse de prendre les rênes du canton, c'est alors que le Prince Alexandre désigna son neveu le Prince René MANGA BELL. Le Prince René DOUALA MANGA BELL, né en 1927, est monté au trône à Douala en 1966 après avoir combattu au Vietnam dans l'armée française de 1950 à 1953 et collaboré à Paris à la RadioTélévision Française, à « Présence Africaine », à « Éclair Journal » entre autres.Son autorité morale est incontestable et il est respecté de tous les cercles, du fait de sa droiture. Le Prince René DOUALA MANGA BELL, grand défenseur des plus faibles et de la communauté Sawa, dont il a été l'un des derniers remparts, a incarné pendant plusieurs années, le « Ngondo », puisqu'il en a été président général plusieurs fois, jusqu'en 2010337(*). Comment la dynastie des Rois BELL a-t-il évolué jusqu'à notre époque ? · La chronologie de la dynastie des Rois Bell Quatre générations de rois BELL reposent dans cette sépulture construite en 1936 : son promoteur, le Prince Alexandre NDOUMB'A DOUALA y a transféré les dépouilles de son père, Rudolf DOUALA MANGA BELL, de son grand-père AugusteMANGA NDOUMBÈ, et de son bisaïeul, NDOUMB'A LOBE. - Ndoumb'a Lobe (Roi de 1858-1897) NDOUMB'A LOBE pacifie le pays Sawa et son influence s'étend sur tout le Littoral, du Sud338(*) au Nord339(*). Il est cosignataire avec DIKA MPONDO AKWA, du traité du 12 juillet 1884 qui institue le Protectorat allemand et préserve leurs droits fonciers aux Duala. Sous son règne prend fin le monopole Duala de commerce intermédiaire avec l'Hinterland. - Auguste MangaNdoumbe (Roi de 1897-1908) Son fils, Auguste MANGA BELL, grand bâtisseur, développe une économie de chasse d'éléphants et de plantation, et utilise les revenus du cacao, de l'huilede palme, du bois et de l'ivoire pour faire de gros investissements immobiliers à Bonanjo. Il constitue une des plus importantes fortunes jamais amassées par un roi Duala. - RudolfDoualaMangaBell (Roi de 1908-1914) Rudolf DOUALA MANGA BELL consacre essentiellement son règne à combattre le projet allemand d'urbanisme « Gross Duala » qui préconise entre autres, l'expropriation des indigènes de Bonanjo, d'Akwa, de Deïdo, pour les expédier dans les quartiers de Neu-Bell, Neu-Akwa, Neu-Deïdo, au-delà d'une « Freie Zone », bande de démarcation entre Européens et indigènes, large d'un kilomètre. Il perd ce combat et est pendu le 08 août 1914. - Alexandre Ndoumb'aDouala (Roi de 1950-1966) Son arrière-petit-fils, Alexandre NDOUMB'A DOUALA, héritier tragique, rentre au Cameroun en 1919, après avoir passé sa jeunesse en Allemagne, ce qui incite l'administration française à le suspecter de germanophilie. Il passera plus de 30 ans à se battre pour accéder au trône. Il y parviendra en 1950, mais ne réussira jamais à rétablir la totalité de ses droits. En 1945, il est élu représentant du Cameroun à l'AssembléeNationaleFrançaiseet devient l'un des premiers députés africains. En 1958, il démissionne de ses mandats politiques et se retire de la vie publique340(*). Tableau N° 4 : Dynastie des BELL.
Source : « Dynastie Douala Bell ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 20 janvier 2021. Par la suite, nous parlerons du canton AKWA. * 324 J.-P. MEGOPÉ FOONDÉ, « Douala. Toponymie, histoire et cultures », Éditions Ifrikiya/Collection Interlignes, 2011. Extrait du 2ème paragraphe de la section intitulée « Le choix des noms ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 28 janvier 2021. * 325 Guthrie A. 20, A. 30 et aussi dialectes Oroko A. 11. * 326 Mbo, Bakaka, Bakossi.... * 327 Les Balong, les Bonkeng, les Bafavo, les Bankon.... * 328 Généralement chantée en Duala. * 329 Essèwè, bolobo... * 330 Sanja, kaba... * 331« Clan : ensemble de familles associées par une parenté réelle ou fictive (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 13 décembre 2021. * 332 De « clannad » signifiant famille. * 333 Ancienne appellation de l'Occitan. * 334 J. PICOCHE, Dictionnaire étymologique du français, Dictionnaires Le Robert, 1994. * 335 « Canton/type de division administrative d'un pays (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fret consulté le 1er décembre 2021. * 336 Idem. * 337 E. KINGUE, « Dynastie Bélè Bélè : De Ndoumbe Lobè à René Manga Bell (12.11.2012) ». Article publié sur le site www.peuplesawa.com et dans le journal « Le Messager » du 09 novembre 2021 et consulté le 29 janvier 2021. * 338 Ntem. * 339 Mungo. * 340 E. KINGUE, « Dynastie Bélè Bélè : De Ndoumbe Lobè à René Manga Bell (12.11.2012) ». Article publié sur le site www.peuplesawa.com et dans le journal « Le Messager » du 09 novembre 2021 et consulté le 29 janvier 2021. * 341 E. KINGUE, « Portrait: Jean Yves Eboumbou, nouveau roi des Bell » [archive]. Article publié dans le journal Le Messager le 18 décembre 2012 et consulté le 02 avril 2021. |
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