L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
2. La méthode comparativeL'analyse comparative consiste à rechercher les différences et les ressemblances existant entre les situations qui font l'objet de la comparaison, en interprétant la signification de ces ressemblances et de ces différences et en essayant de découvrir à travers elle des régularités. Émile DURKHEIM précisait le mécanisme fondamental de la comparaison en ces termes :« Nous n'avons qu'une matière de démontrer qu'entre deux faits il existe une relation logique, un rapport de causalité par exemple, c'est de comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents et de rechercher si les variations qu'ils présentent dans ces différentes combinaisons de circonstances témoignent que l'un dépend de l'autre »234(*). En effet, l'analyse comparative ne peut valablement être utilisée que si les situations choisies pour la comparaison présentent un certain degré d'analogie. La comparaison ayant pour but de relever et d'étudier les ressemblances et les différences existant entre les phénomènes comparés, ceci suppose qu'il existe entre ces phénomènes des ressemblances : c'est l'analogie. Mais si ces phénomènes ne sont pas totalement identiques, faute de quoi la comparaison n'aurait plus aucun intérêt. C'est dire que deux points de vue doivent être pris en considération pour apprécier la validité d'une comparaison et le degré d'analogie des faits comparés.D'une part, les faits comparés doivent présenter une certaine analogie des structures et d'autre part, ils doivent présenter une certaine analogie de contexte. En premier lieu, l'analogie des structures revêt deux significations. Elle suppose que les phénomènes étudiés ont une physionomie générale assez proche. Ainsi, peut-on comparer la société traditionnelle BamounBamun avec la société traditionnelle Duala, etc. De plus, le degré de complexité des faits comparés ne doit pas être trop éloigné. De la sorte, on peut comparer les relations de l'administration coloniale allemande avec le Roi BamounBamun et les chefs Duala, mais il sera beaucoup aléatoire de comparer le fonctionnement de la société allemande avec le Cameroun précolonial en raison de la complexité différente de ces deux phénomènes. Dans la pratique, « cette appréciation de l'analogie des structures n'est pas très facile à réaliser du fait de la multiplicité des éléments qui compose la structure des faits sociaux »235(*).A cet égard, l'existence des typologies solidement fondées peut faciliter le travail du comparatiste. En second lieu, l'analogie de contexte doit être prise en considération étant donné que les phénomènes sociaux n'existent pas de manière isolée. Ils sont intégrés dans un ensemble dont ils ne sont pas séparables sans risque de dénaturation. En effet, pour comprendreun phénomène social, il importe de ne pas négliger le contexte dans lequel il se situe. Ce contexte est envisageable à un double niveau.Le contexte dimensionnel commande que le chercheur ne compare que deux phénomènes sociaux appartenant à des ensembles sociaux de dimension analogues. Il est dans ce sens évident que les problèmes posés par l'administration d'un village de 350 habitants sont difficilement comparables avec ceux posés par une ville de 150 000 habitants. Cependant, la difficulté réside ici sur la précision du critère à partir duquel le chercheur attend apprécier le contexte. Est-ce l'étendue du territoire ou alors le volume de la population ? Par ailleurs, l'on ne peut ignorer le contexte culturel des faits comparés en entendant par-là l'ensemble des valeurs, des croyances, des traditions, des moeurs, des institutions, etc., qui constituent l'ensemble culturel, l'aire de civilisation dans lesquels s'insèrent les faits comparés.De plus, deux types de comparaison sont mis à la disposition du chercheur. D'abord les comparaisons proches que nous utiliserons dans le cadre de cette étude, portent sur des phénomènes présentant un assez fortdegré d'analogie, tant par leur structure que par le contexte dans lequel ils se situent. De fait, ce type de comparaison vise avant tout à la précision : elle est minutieuse, scrupuleuse et détaillée. En revanche, les comparaisons éloignées se caractérisent par les libertés qu'elles prennent avec l'exigence de l'analogie. Elles portent sur des phénomènes de structures assez différentes, dont le contexte dimensionnel et culturel peut être assez éloigné236(*). En rapport avec la présente étude, il y a recours à des référentiels prédéterminés237(*)pour pouvoir établir les points de convergences et de divergences entre les pouvoirs politiques traditionnels BamouDuala et Bamun.Une étude de leurs structures et notamment des processus de transformation au fil des évènements majeurs de la colonisation allemande au Cameroun permet de comprendre la situation. D'abord, elle a aidé à mettre en évidence la manière dont les colons allemands sont entrés en contact avec les chefferies traditionnelles suscitées, et comment ces dernières ont participé positivement ou négativement à l'expansion de cette conquête.Ensuite, on peut se demander où se trouve la pertinence d'une telle ouverture pour la transformation et l'évolution de ces sociétés traditionnelles au fil du temps. Enfin, il s'est agi de poser la question de savoir si tous les acteurs de cette période coloniale ont pu être mis en lumière ainsi que leurs rôles exacts ? Qui plus est, la comparaison amène à souligner une influence inégale, du fait de la domination de l'administration coloniale allemande, mais une influence relative des pouvoirs politiques traditionnels Duala et BamounBamun. L'administration coloniale allemande s'est démarquée au niveau des infrastructures qui sont encore visibles de nos jours. Il faut également ajouter que la chefferie BamounBamun a été plutôt coopérative alors que les chefferies Dualase sont plutôt opposées à celle-ci notamment à cause de l'expropriation de leurs terrains. * 234 E. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique (1ère édition), Paris, ALCAN, 1895. * 235 J.-L. LOUBET DEL BAYLE, Introduction aux méthodes des sciences sociales,Toulouse, Privat, 1986, p. 182. * 236 Ce type de comparaison est généralement appliqué dans les études internationales. Sur le plan théorique, consulter avec profit, M. DOGAN, D. PELASSY, 1980. La comparaison internationale en sociologie politique, Paris, Librairies Techniques, pour une application au Cameroun. Lire L.-M. NKOUM-ME NTSENY, La dualité culturelle dans la politique étrangère : une étude comparée entre le Cameroun et le Canada, Thèse de Doctorat en Relations internationales, Université de Yaoundé II-SOA-IRIC, 1997-1998, pages 139 et suivantes. * 237 Nombre de structures éducatives, sanitaires, commerciales et militaires financées par l'Allemagne, nombre de résidents étrangers, nombre de révoltes, nombre d'ouvrages, de recueils écrits, d'études iconographiques faites. |
|