L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
c) L'autoritéLe mot « autorité » vient du latin « auctoritas » qui signifie le fait d'exercer une volonté, de décider, de commander et d'être obéi, en tant que garant reconnu pour la réussite de l'action entreprise. Selon le contexte, il est traduit par autorité, garantie, dignité, prestige, volonté, pouvoir64(*). Il est formé sur le radical (auct-) issu du verbe « augere », qui signifie « faire pousser », « faire grandir », « augmenter »65(*). D'après le ProfesseurMichelHUMBERT66(*) : « La notion d'auctoritas, essentielle en droit privé et en droit public romains, se rattache, par sa racine, au même groupe que « augere » (augmenter), « augure » (celui qui accroît l'autorité d'un acte par l'examen favorable des oiseaux), « augustus » (celui qui renforce par son charisme [...celui qui est porteur de l'auctoritas]). L'auctoritas exprime à son tour l'idée d'augmenter l'efficacité d'un acte juridique ou d'un droit. [...]De même le Sénat, grâce à son incomparable prestige, a la vertu d'augmenter la portée de tout acte pour lequel il a donné son accord (son auctoritas). [...] Aucune de ces décisions ne sera prise directement par le Sénat (il n'en a pas le pouvoir). Mais tous ces projets, enrichis de l'auctoritas du Sénat, sont assurés du succès. [...] Aucun acte politiquement significatif n'est mis à exécution par un magistrat sans l'accord (et la délibération) du Sénat.Au point que tout se passe comme si l'inspirateur de la décision était le Sénat, et l'exécutant, le magistrat. Telle est la force de l'auctoritas : sans elle, pas d'action ; devant elle, pas d'inaction ».La notion d'autorité est ainsi définie dans un sens juridique et social. C'est son caractère nécessaire, voire indispensable à la structure de toute société qui la rend légitime pour le plus grand nombre et qui permet de l'opposer« erga omnes »67(*). L'« autorité naturelle » peut se dégager d'une personne.Sur le plan professionnel, par exemple, on attribuera à une personne une autorité certaine si elle inspire, à travers sa compétence et sa moralité, la confiance qui permettra d'obtenir le meilleur de chacun et la bonne entente entre les différents individus du groupe. La philosophe et psychologue ArianeBILHERAN, dans son ouvrage L'autorité, écrit : « D'après Benveniste, « augere » consiste avant tout à poser un acte créateur, fondateur, voire mythique, qui fait apparaître une chose pour la première fois. Bien évidemment, dans la même racine étymologique, l'auteur (auctor) est celui qui fonde une parole et s'en donne le garant. Ce terme était particulièrement employé pour les historiens, l'auteur étant la personne d'où émerge une crédibilité de parole concernant l'héritage et le passé ». Elle définit alors l'autorité selon trois fonctions : la fonction d'engendrement68(*),la fonction de conservation69(*) et la fonction de différenciation70(*). Elle souligne que l'autorité s'inscrit dans un rapport au temps, à l'héritage, et qu'elle est vouée, dans son exercice, à disparaître : contrairement au pouvoir, à la domination, à la contrainte, l'autorité vise l'autonomie progressive de celui qui en bénéficie. On peut distinguer plusieurs sources d'autorité parmi lesquelles : Autorité de pouvoirquiprovient des règlements71(*). Elle concerne la justice, la police, l'État... Autorité de fonction qui provient des structurations72(*). Elle concerne l'entreprise, la famille, l'association... Autorité de compétencequi provient des savoirs, savoir-faire et savoir-être d'une personne ou d'un organisme. Elle peut être reconnue à quiconque se situe dans une démarche personnelle et positive d'amélioration aux points de vue, attitudes, connaissances et compétences, ainsi qu'à quelque organisme ayant fait preuve de prise en compte des besoins de la situation et des personnes. On la qualifie parfois « d'autorité naturelle » ou « charismatique », bien qu'elle tienne des éléments cités. Par ailleurs, MaxWEBER73(*)affirme que l'autorité est nécessaire au pouvoir. Il montre que toute socialisation passe par une forme de domination, soit une adhésion proche de la soumission volontaire qui dépend des qualités que le dominé prête à celui qui le commande. Pour durer, en effet, l'autorité est dans l'obligation de faire naître et de renforcer une croyance en sa légitimité. Ainsi, MaxWEBERconçoit l'autorité comme la chance de faire triompher, au sein d'une relation sociale, sa propre volonté, même contre la résistance des autres. Dans cette perspective, la politique est l'ensemble des conduites humaines qui comportent une domination de l'homme par l'homme.De plus, Max WEBER affirme que la domination se rencontre dès lors qu'un individu commande avec succès d'autres, ce qui suppose à la fois la transmission d'un ordre et la rencontre d'une docilité, d'une volonté d'obéissance : « l'action de celui qui obéit se déroule, en substance, comme s'il avait fait du contenu de l'ordre la maxime de sa conduite, et cela simplement de par le rapport formel d'obéissance, sans considérer la valeur ou la non-valeur de l'ordre »74(*). Or, l'obéissance n'existe que parce que le donneur d'ordre bénéficie d'une légitimité. Donc, pour MaxWEBER, toute domination, c'est-à-dire toute obéissance, s'explique de façon générale par une croyance au prestige du ou des gouvernants75(*).In fine, l'autorité est le pouvoir de commander, d'être obéi. Elle implique les notions de légitimité, de commandement et d'obéissance, d'un autre pouvoir qui impose l'autorité. La forme de la légitimité peut varier selon les circonstances76(*). Maintenant, nous abordons le concept d'histoire politique (3-). 3. Le concept d'histoire politique Il convient tout d'abord de préciser la notion d'histoire, puis celle d'histoire politique. Par la suite, nous proposerons d'établir la corrélation entre le concept d'histoire et le concept de politique. * 64 A. COLLOGNAT, « AUCTORITAS. Autorité : un mot, une notion clé », article publié le 08 décembre 2019 sur le site https://eduscol.education.fr et consulté le 14 mars 2022. * 65 Idem. * 66 M. HUMBERT, Institutions politiques et sociales de l'antiquité, Paris, Dalloz, 2014, p. 323. * 67A condition bien sûr, qu'elle soit régulière juridiquement. * 68 Être à l'origine de, être l'ascendant de. * 69Se porter garant de l'identité, au travers de la transmission, de la mémoire, du lien passé/présent. * 70 Projet. * 71 Lois, décrets, arrêtés, etc. * 72 Hiérarchies, organisations, structures, etc. * 73 M. WEBER, Économie et société, Paris, Plon, 1995. * 74Idem. * 75Idem. * 76 M. HUMBERT, Institutions politiques et sociales de l'antiquité, Paris, Dalloz, 2014, p. 323. |
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