L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
b) La dominationLe mot « domination » vient du latin « dominare » qui veut dire exercer la souveraineté. Dans son sens originel, le terme n'a ni connotation négative, ni positive, cela dépend de la façon dont elle est exercée. La domination implique cependant toujours une hiérarchie des positions sociales : Dieu est défini en théologie comme dominant le monde pour le bien de ce dernier, tandis que les hommes le feraient pour leurs propres bénéfices, au détriment des hommes. Il peut aussi s'agir d'une forme locutive pour souligner l'importance d'un élément dans un environnement donné, comme dans l'expression « la montagne domine la plaine ». Selon la conception contemporaine, la domination est effectivement toujours légitimisée, aux vues des actions sociales, elle ne se rapporte pas systématiquement à une inégalité sociale.Par contre, en sciences sociales, la domination est un processus qui engendre une situation dans laquelle une identité sociale, c'est-à-dire en tant qu'individu ou en tant qu'institution, est en position d'imposer son autorité. Ce déséquilibre structurel n'est pas systématiquement perçu comme étant inégalitaire, mais ce sont à ceux-ci que les sciences sociales se sont le plus intéressées.DepuisMaxWEBER,la domination est comprise comme étant légitime, puisqu'elle repose sur la contingence d'actions sociales qui lui donnent sa légitimité sociale58(*). Ainsi, le voleur en se cachant de la police légitimise la domination du droit comme forme de justice dans nos sociétés contemporaines. Pour MaxWEBER, on sait que le charisme est ce rare privilège, accordé par la providence à certains hommes d'Etat, qui leur permet d'exercer un commandement sur leurs semblables au nom de leurs seules qualités personnelles. Dans cette occurrence, précise GeorgesBURDEAU, « le chef est à lui-même son propre principe de légitimité. Il n'est plus seulement l'instrument du pouvoir étatique, il est lui-même tout le pouvoir car il cesse d'en user comme d'une compétence pour en disposer comme d'une propriété. Sa légitimité ne s'apprécie plus par rapport à une norme préétablie ; elle est un absolu dont l'évidence s'inscrit dans ses qualités personnelles »59(*). Quant à KarlMARX, la domination est vue comme un rapport de force inégalitaire, asymétrique mais non injuste du point de vue du droit bourgeois, car l'extorsion de la plus-value se produit au sein d'un contrat de travail60(*).Ce sont les différences et asymétries de classes, de la place dans les rapports de production, qui déterminent les inégalités sociales et politiques61(*). En d'autres termes, la domination exprime un rapport entre dominants et dominés, même sans coercition effective, l'obéissance des dominés étant généralement consentie dans la mesure où le pouvoir est considéré comme légitime.62(*) Les 03 types de domination politique établis par MAXWEBERnous éclairent davantageà savoir la domination traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle : La domination traditionnelle : le chef est chef en raison de ses ascendances divines, de ses pouvoirs mystiques, de son lien avec l'au-delà. C'est une domination fondée sur la tradition. La domination charismatique, c'est le « niveau 2 » du pouvoir politique. En raison de son comportement héroïque, de son charisme, de l'admiration irrationnelle qu'un être suscite, celui-ci est considéré comme le chef naturel, spontanément plébiscité...Une survivance moderne de cette domination est le moteur du mythe de l' « homme providentiel »63(*).Il s'agit d'une domination qui repose sur les qualités exceptionnelles d'un individu. La domination légale-rationnelle, c'est une domination fondée sur les textes, les instruments juridiques, le droit positif en vigueur dans un Etat. Nous utilisons de façon interchangeable les concepts pouvoir traditionnel et pouvoir coutumier, chef traditionnel et chef coutumier. Il en va de même du concept d'autorité. * 58 M. WEBER, Économie et société, Paris, Plon, 1995. * 59 G. BURDEAU, Droit constitutionnel et Institutions politiques, LGDJ, 1972, p. 33. * 60 P. BAILLY, « Conflits de classes et changement social chez MARX » : « la force de travail a la caractéristique de créer plus de travail que n'en nécessite son entretien. La plus-value est cette valeur supplémentaire produite par le salarié que le capitaliste s'approprie gratuitement et légalement (il y a un contrat de travail qui est passé entre eux) ». Voir « Domination - situation dans laquelle un être et/ou un groupe est en position d'imposer ses idées (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 22 mars 2022. * 61 K. MARX, Critique du programme de Gotha, p. 39. « Au lieu de la vague formule redondante qui termine le paragraphe : « éliminer toute inégalité sociale et politique », il fallait dire : avec la suppression des différences de classe s'évanouit d'elle-même toute inégalité sociale et politique résultant de ces différences ». Ibid., p. 13. - Voir «Domination - situation dans laquelle un être et/ou un groupe est en position d'imposer ses idées (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 22 mars 2022. * 62 C. RIVIÈRE, «DOMINATION», Encyclopædia Universalis [en ligne], article publié sur le site http://www.universalis.fr/encyclopédie/domination/ et consulté le 18 janvier 2019. * 63 Ou de la femme, bien entendu. |
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