L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Camerounpar Winnie Patricia Etonde Njayou Université de Douala - Doctorat 2023 |
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIENous avons voulu par cette deuxième partie qui s'achève, mettre en lumière l'influence relative des pouvoirs politiques traditionnels BamounBamun et Duala sur l'administration coloniale allemande. En effet, les chefs Duala se verront attribués un salaire appelé Koumi par les autorités coloniales allemandes pour compenser la perte de leur monopole commercial. Cette situation fera remonter à la surface les tensions déjà existantes entre les différents potentats Duala et de la prééminence de la dynastie BELL, du fait de l'immense fortune engendrée et de sa plus grande proximité avec le pouvoir allemande.Mais cette entente sera de courte durée dès lors que la question foncière sera mise sur la table. L'expropriation du plateau Joss va dévoiler les véritables intentions des Allemands. La démarcation entre quartiers indigènes et quartiers blancs va entériner cet état d'esprit des chefs Duala. Il s'en suivra toute une série de revendications conduite par le chefRudolf DOUALA MANGA BELL qui le paiera de sa vie, et qui deviendra un martyr tombé pour la cause du peuple Duala. Quant à l'Allemagne, elle s'est heurtée aux actes rebelles du RoiNJOYA et a pris en compte les réalités socioculturelles de ce territoire de l'Ouest du Cameroun. La pratique de la polygamie, de la divination, de la peine de mort sera combattue avec beaucoup de difficultés et verra le triomphe de la religion musulmane et de la religion syncrétique créée par NJOYA. La perception de cette administration occidentale est assez bonne par le Roi NJOYA qui apprécie l'art de la guerre des Allemands et leurs techniques avérées dans le domaine de l'architecture entre autres. Et cette appréciation est réciproque puisque le souverain indigène est apprécié pour son dynamisme, son sens des responsabilités et son amour pour son peuple. CONCLUSION GÉNÉRALECette thèse a présenté la dialectique entre l'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et BamounBamun dans l'écriture de l'histoire politique du Cameroun. Le but principal était d'évaluer l'influence mutuelle observée entre l'administration coloniale allemande et ces deux (02) entités politiques traditionnelles. Le 1er schéma d'influence porte sur l'implantation progressive de l'administration coloniale allemande sur le territoire BamouDuala et Bamun. Concernant les chefs Duala, la dynamique principale tournait autour de la participation des commerçants et négociants allemands dans la conquête du territoire au travers de la signature de différents traités dont le plus important est celui du 12 juillet 1884 et qui va marquer la naissance du Cameroun international. Cette emprise s'est le plus manifestée autour de la question foncière qui va aboutir à la démarcation entre quartiers « indigènes » et quartiers « blancs ». Cette ségrégation va donner lieu à des revendications de la part des chefs Duala qui vont soit être destitués, soit déportés ou encore assassinés.En pays BamounBamun, les missionnaires ont été les premiers à créer le contact avec le royaume BamounBamun et cela a abouti à une amitié fraternelle entre le missionnaire GÖRING et le Roi NJOYA. Cela a été une aubaine pour le peuple BamounBamun qui a pu bénéficier de la dextérité allemande sur le plan militaire et dans le domaine des arts. Cette fraternité sera d'autant plus renforcée du fait de l'aide apportée par les Allemands au recouvrement du crâne du RoiNSANGU par les BamounBamun. De plus, le peuple BamounBamun a participé aux guerres de conquête des autres peuples locaux pour bénéficier de nombreux privilèges de la part de la nouvelle administration. Le 2ème schéma d'influence porte sur l'adaptation faite par l'administration coloniale allemande vis-à-vis des entités politiques traditionnelles BamounDuala et Bamun. En effet, pour le contexte Duala, l'acquisition de certains droits douaniers et les rivalités économiques engendrées par la redevance salariale entre les chefs favorise l'éclosion d'une situation explosive.Bien que bénéficiant d'avantages financiers conséquents, les chefs Duala vont remettre en cause la suprématie allemande, du fait de la politique d'expropriation sur le plateau Joss. Ils engageront des pétitions, des attaques armées qui aboutiront le 08 août 1914 à la pendaison du Roi DOUALA MANGA BELL en compagnie de son cousin et secrétaire NGOSSO DIN. Par contre, le Roi NJOYA a mis en place un certain nombre de contre-pouvoirs à savoir une religion syncrétique qui alliait à la fois les valeurs chrétiennes, musulmanes et BamounBamun. Il s'est également insurgé sur l'acte du baptême qui selon lui, devait provenir de son pouvoir de guide spirituel suprême du peuple BamounBamun et non de la culture occidentale. Il a produit une écriture inédite appelée le « Shumom » qui survit au temps et à l'espace. Il aura d'ailleurs aux yeux du monde une image de stratège politique, de bâtisseur et de visionnaire qui mettra fin au mythe de l'infériorité du Noir. Notre travail a subi de nombreux soubresauts et difficultés à savoir le recoupage d'informations. En effet, nous avons peu abordé la chefferie DEÏDO qui apparaît parfois secondaire et peu intégrée dans la prise de contact avec les étrangers occidentaux. De plus, nous avons occulté le rôle des églises dans le processus colonial allemand en terre Duala. Nous avons aussi observéà plusieurs reprises un certain flou lié aux informations obtenues lors des entretiens et la capacité à évaluer leur véracité. Il a donc fallu s'assurer de leur fiabilité tout au long de notre parcours. Par ailleurs, nous avons eu cette peur du plagiat qui ne nous a pas quittés.Notre analyse s'est en effet illustrée sur des faits historiques déjà maintes fois mentionnés par des auteurs, des universitaires et des chercheurs de tout bord. C'est pourquoi nous avons voulu apporter une analyse sous le prisme socio-anthropologique pour apporter une plus-value aux diverses interprétations faites de cette période de l'histoire du Cameroun.Il s'agit là d'une ressource politique historique qui aide, dans une certaine mesure, à comprendre les rapports entre l'Etat postcolonial et les chefferies traditionnelles Duala et BamounBamun. Le 1er schéma d'analyse est celui des rapports entre l'Etat postcolonial et les chefferies traditionnelles Duala. En effet, le dilemme devant lequel se trouvait l'administrateur donnera lieu plus tard à une double politique ; l'une « pro-duala », l'autre « pro-allogène ». Douala, divisée en 04 (quatre) cantons ou chefferies jusqu'en 1930, comprenait les cantons de Bell, d'Akwa, de Deïdo et de Bonabéri, tous Duala et ayant à leur tête des chefs supérieurs responsables des leurs et des étrangers à la ville. Ensuite, elle en comporta 06 (six) : les cantons susnommés auxquels on joignit la chefferie des étrangers camerounais à la ville et celle des étrangers africains non-camerounais. En 1944, elle comptera 04 (quatre) chefferies autochtones, et 05 (cinq) chefferies allogènes, et la région, villes et environs, en rassemblera 10 (dix) avec le canton originaire Bassa, de tout temps indépendant vis-à-vis des Duala. Après l'élévation au rang de chefferies des groupements Bamiléké et Bakoko, New-Bell, devenait le quartier de l'avenir et en même temps le point noir de la ville : « L'administration disposant des textes domaniaux qui sont encore en vigueur au Cameroun », écrivait le chef du bureau domanial de la région du Wouri, ... « a renoncé à appliquer l'article 1er du décret de 1938 relatif à la domanialité des terres vacantes et sans maître ou inoccupées et inexploitées depuis plus de 10 ans - ceci pour des raisons purement politiques. Or seule l'application de cet article aurait permis de concilier les intérêts des Duala et des étrangers - mais il est impossible de revenir à l'application intégrale du décret de 1938. Un essai de délimitation des cantons, entrepris depuis un an, n'a pas donné les résultats escomptés. Le canton est une division administrative qui ne correspond pas obligatoirement à une collectivité coutumière.Le Haut-commissaire peut, par arrêté, définir les limites d'un canton, mais ces limites ne sont pas toujours celles des terres coutumièrement détenues par les ressortissants du canton considéré. En particulier, un individu peut solliciter la reconnaissance de ses droits fonciers sur une parcelle comprise à l'intérieur des limites du canton voisin ». En tant qu'autochtones, les Duala occupaient une place à part non seulement vis-à-vis des étrangers africains à la ville, mais aussi vis-à-vis des étrangers d'origine « blanche ». Ils étaient chez eux et montraient que c'était eux qui recevaient les autres, quel que soit le statut de ces derniers. Les étrangers quant à eux, pouvaient considérer la ville comme un lieu de passage, mais tôt ou tard, la plupart pensaient s'y établir et occuper une autre position que celle d'hébergé. LesBlancs s'ils étaient étrangers n'étaient pour ainsi dire nulle part : ils avaient créé la ville et le Territoire, aussi pour eux les étrangers africains et les autochtones faisaient partie, en quelque sorte, de leur réalisation. Les Duala se trouvaient donc compris entre des étrangers dissemblables à tous points de vue : entre des non-propriétaires bénéficiant d'un simple droit d'usage toléré et d'autres non-propriétaires dispensateurs de tous les droits, ceux qui existaient déjà compris. Dans la spatialisation des peuples, les préfixes « Log, Ndog, Bona », selon le regroupement ethno-identitaire, renvoient au village, à la tribu, au clan ou à la famille.« Log » correspond aux populations Bakoko, identifiant les quartiers comme Logpom ou Logbaba. L'expression « Ndog » détermine les populations « Mba n'saa Wouri », d'où les quartiers comme Ndogkoti, Ndogsimbi, Ndogbong. Le préfixe « Bona » fait référence aux populations Duala situant les quartiers tels que Bonapriso, Bonanjo, Bonamoussadi. Cette identification est fonction des sédimentations issues de guerres tribales pour l'occupation des terres et l'élargissement du clan. Dans la cosmogonie Sawa, l'aîné des garçons avait la possibilité, une fois adulte et marié, de quitter la case paternelle pour fonder sa propre famille tout en gardant un lien avec son clan d'origine, d'où la proximité entre ces différents villages-quartiers. Le grand quartier New-Bell illustre ce rapport entre autochtoneset allochtones. A l'aube de la pénétration coloniale, il constitue un « no man's land » entre les Sawa et les autres tribus. Ce quartier représente un véritable microcosme des populations allochtones avec des subdivisions comme New-Bell Mbam-Ewondo (New-Bell terroir des Ewondo), New-Bell Bassa (New-Bell des Bassa), New-Bell Bamiléké (New-Bell des Bamiléké), New-Bell Haoussa (New-Bell des Haoussa). La valorisation identitaire tenant compte du regroupement des peuplades donne également naissance à des quartiers comme Bamenda, le camp Yabassi, le quartier Bafia.De même, certains groupes ethniques catégorisent ces espaces en fonction de leur attachement à ce « nouveau terroir » désormais le leur. La juxtaposition des quartiers « Nkolmintag » et « Nkololoumet la rue Njong mebi », en langue Ewondo, en sont une illustration. A l'époque coloniale, cette rue très insalubre était empruntée par les populations Béti qui l'ont nommée ainsi. Loin de se fondre dans l'agglomérat de l'urbanité, la ville se forme au travers des poches de résistance, vestiges de la segmentation ethnique caractérisant les populations. L'allégeance citoyenne des populations se construit dans la capacité des autorités publiques à permettre un mode de vie souterrain justifiant la construction sociale d'une contre-hégémonie. L'acquiescement des « dominés » aux valeurs de l'ordre social est dans l'acceptation par l'autorité publique du volume discursif et des symboliques déterminées par la logique populaire. Dans cet ordre, la Rue de la joie abrite deux vestiges de l'histoire sociopolitique de Douala, à savoir la chefferie DEÏDO et le 1er bureau de poste de la ville, qui se trouvent au milieu de maisons closes, clubs de nuit, restaurants et autres ventes-à-emporter. La ville est alors « décrite comme un opérateur qui, sans gommer les différences, articule au contraire dynamiquement de multiples identités intermédiaires sous une appartenance commune ». La ville existe dans cette « capacité » des autorités traditionnelles à accepter de manière évidente les mutations sociales qui leur enlèvent le contrôle sur une bonne partie de leurs sujets, à savoir les allochtones. Les chefs sont toutefois consultés pour donner leur avis sur les litiges fonciers, du fait qu'ils sont censés connaître l'occupation des sols : être « apprécié comme autochtone » permet de prétendre légitimement par des « droits historiques » à la terre urbaine. D'ailleurs, au plus fort des villes mortes en 1991, des voix se sont élevées parmi les élites Sawa pour demander aux Bamiléké industriels et commerçants possédant les grands immeubles de Douala de restaurer les terres volées et de retourner chez eux. Par ailleurs, l'ordre du discours sur les espaces devient une valeur attachée à une symbolique politique, déterminant le sens que les populations donnent à leurs actions ; le nom d'une rue ou d'un quartier matérialisant son ancrage politique. Le quartier MaképéMaturité, encore appelé Maképé Opposant, détermine l'inclination des habitants de ce quartier pour la contestation et induit une surveillance accrue de la part des autorités publiques. Dans le même ordre d'idées, le quartier Shell New-Bell fait référence de manière explicite aux populations Bassa proches de l'Union des populations du Cameroun (UPC).Ainsi, l'UPC commence toujours sa campagne politique à Shell New-Bell, qui est son point de ralliement. De même les populations Béti proches du RDPC ne peuvent faire l'économie d'une réunion au quartier New-Bell Mbam Ewondo ou au quartier Nyalla. Le Social Democratic Front, de son côté, tient naturellement ses rassemblements à Bonabéri, quartier majoritairement anglophone, ainsi qu'à Bépanda An 2000 où les populations Bamilékés lui sont favorables. Les noms de quartiers constituent de fait les fiefs électoraux des acteurs politiques et déterminent l'ambivalente identité des partis politiques camerounais.De manière naturelle, l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), dont le leader BELLO BOUBA MAIGARI est originaire du grand Nord, investit le quartier New-Bell Haoussa.Par ailleurs, le RDPC dispose de DoualaII (Quartier New-Bell) d'une règle non-écrite du contrôle politique, à savoir : le siège de député pour les Béti et le maire Bamiléké. A Douala V, les postes politiques majeurs se répartissent entre les « Mba n'saa Wouri » et les Bamiléké. Douala I reste un fief Duala par-delà les clivages politiques, alors que Douala IV-Bonabéri se dispute entre anglophones, Bamiléké et Duala. En définitive, la ville, comme un champ social, lieu de création et d'effervescence sociale et culturelle, met en lumière les aspects adaptatifs et fonctionnels de ses activités, les ressorts propres de sa croissance et de son pouvoir. Le territoire de la ville de Douala a su absorber toutes ses différences pour constituer aujourd'hui un « melting-pot » qui oppose et associe tradition et modernité, autochtones et allochtones, indigènes et civilisés, urbains et ruraux. Il en résulte une juxtaposition de toutes les tendances cosmopolites du Cameroun, qui se manifeste le plus souvent lors des échéances électorales. Le 2èmeschéma d'analyse est celui des rapports entre l'Etat postcolonial et le Royaume BamounBamun.Dans ce cadre on a pu dégager, au-delà de l'existence de plusieurs formations politiques dans le Noun, une perception différente du rapport à l'autre, le frère, le parent ou le chef de famille, construite sur la base de l'appartenance, de fait ou imaginaire, de l'autre à l'une des deux grandes tendances politiques présentes dans la localité. En effet, il existe deux grandes formations politiques qui se partagent les voix électorales dans le Noun et animent les débats qui déstructurent les liens familiaux : il s'agit du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) - parti au pouvoir - et l'Union démocratique du Cameroun (UDC) dont le leader charismatique, à savoir Adamou NDAM NJOYA, est un fils de la cour royale. Il y avait également des familles BamounBamun ayant un ancrage politique rattaché à l'UPC, notamment la famille de Félix-Roland MOUMIE qui, à l'époque des revendications nationalistes des années 1960, était secrétaire général de l'Union des populations du Cameroun (UPC). Au fil des années, cette famille s'est ralliée à l'UDC.Cette bipolarisation de la société BamounBamun va également s'observer sur le plan religieux, avec la cohabitation de deux grands mouvements religieux, l'islam d'un côté et le christianisme de l'autre. Dans l'imaginaire populaire local, le RDPC est présenté comme étant le parti des chrétiens et des élites urbaines, avec l'ensemble des fonctionnaires de l'administration publique camerounaise, des intellectuels et d'autres hommes d'affaires, bref, le parti qui rassemble tous ceux qui sont soucieux de leur carrière professionnelle et de leurs activités économiques. Les autorités traditionnelles se devaient dès lors, comme par le passé, de poursuivre leur mission d'auxiliaire de l'administration en contrôlant les opinions subversives qui pouvaient naître dans leur circonscription de commandement. A côté, on trouve donc l'Union démocratique du Cameroun (UDC), formation ayant une assise régionale, perçue comme étant le parti des musulmans et constituée par la masse rurale et l'ensemble des classes défavorisées. L'histoire politique dans le pays BamounBamun retient que c'est non seulement l'UDC qui est venue mettre un terme à plus de quarante ans de contrôle de la municipalité par la chefferie traditionnelle, mais aussi à cristallisé les tensions entre les membres d'une même famille au nom de la politique. Le fait majeur qui sous-tend ces antagonismes est que la légitimité politique de l'actuel sultan (aujourd'hui décédé), Ibrahim MBOMBO NJOYA, a été fragilisée par la perte des élections municipales (RDPC) contre son cousin Adamou NDAM NJOYA, leader de l'UDC. Pour notre informateur NJOYA, résidant à Yaoundé : « On a longtemps vécu une situation où la mairie était détenue par le palais... L'ancien Roi, notamment le père de l'actuel, avait été pendant longtemps maire de Foumban. Ce qui fait que l'autorité traditionnelle était quelque peu confondue avec l'autorité municipale. En 1996 je pense, l'UDC est venue ravir la vedette au RDPC, gagnant les élections municipales. Ce qui dans les moeurs n'était pas imaginable. Cela a créé une crise en ce sens que c'est le royaume, à travers le Roi, qui avait la mainmise sur les terres ». Depuis lors, l'autorité morale du monarque a été sérieusement fragilisée, écartelée entre la réaffirmation de son attachement au parti au pouvoir et la restructuration de son autorité morale déconstruite par la démocratisation de la parole. Pour Ibrahim, ingénieur, il est clair que : « L'adhésion d'une bonne partie des BamounBamun à l'UDC est quasiment comme une sanction que le royaume entretient avec les populations sont remises en cause par le peuple. Et le contexte politique vient créer un prétexte avec ces liens de domination ». La fragilisation des liens familiaux au sein des familles BamounBamun va donc se renforcer au fil des années, au rythme de ce bicéphalisme de l'espace politique, du jeu d'intérêts et du clientélisme politique. Car, autant l'UDC a longtemps été présentée comme le parti politique de la communauté BamounBamun, autant le parti au pouvoir entend conserver sa position de parti leader qui laisse peu de chance à ses adversaires politiques. Or, les enjeux électoraux sont si importants pour les élites du Noun, celles qui se reconnaissent comme militantes du parti au pouvoir, qu'il ne serait pas judicieux de laisser le Noun à l'opposition. Ce serait non seulement une perte de confiance vis-à-vis du pouvoir en place, mais aussi une perte d'autorité des chefs de familles devant les jeunes et leurs enfants. Pour MIMCHE, fils du terroir rencontré lors d'un entretien approfondi, il est clair que : « Le militantisme dans l'un ou l'autre parti traduit l'appartenance à une catégorie sociale. Pendant longtemps, cela était le cas et l'UDC est restée un parti d'expression des catégories sociales un peu vulnérables, notamment les agriculteurs, les paysans, les ménagères, etc. ». Aziz NJOYA soutient à ce titre que : « Dans toutes les familles il y a deux camps qui s'affrontent. Il y a le camp des rdpécistes et il y a le camp des udcistes. Officiellement, ils ne vont pas se revendiquer comme tels, mais dans leurs différents comportements, on l'observe... Généralement lorsqu'il y a un évènement dans la famille, lors des prises de parole, le RDPC veut intervenir et l'UDC veut aussi intervenir. Ces interventions ne sont pas à but funéraire ou religieux, c'est généralement des interventions politiques. C'est des messages qu'on passe, des sensibilisations qu'on fait. Et l'ordre dans la prise de parole est un élément très important où quand untel a parlé, l'autre ne doit plus parler. Et cela créé des bagarres dans les familles »1460(*).Ainsi, une cérémonie familiale devient un espace d'expression politique, ravivée par des tensions latentes qui traduisent aussi bien la contestation du système politique en place que des membres qui le représentent. Parfois même, il existe des cas où des membres de la famille concernés par l'évènement, mais appartenant à une autre chapelle politique, cultivent une résistance, une réticence même à demander ou à accepter des aides provenant des membres d'un autre bord politique.Tout ou presque devient sujet à controverse, même une simple causerie avec les « gens d'en-bas » peut dégénérer en une véritable crise familiale.
|
|