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L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Cameroun


par Winnie Patricia Etonde Njayou
Université de Douala - Doctorat 2023
  

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2. Pourquoi le RoiNjoya voulait ajouter du vin de palme à l'eau bénite ?

En Afrique, la consommation du vin de palme est presque toujours collective. Il peut s'agir des membres de sa famille ; famille au sens large du terme1298(*). Ainsi, dans toutes les cultures, « manger la même nourriture équivaut à produire la même chair et le même sang, faisant ainsi de nous des commensaux plus semblables et nous rapprochant l'un de l'autre (...). Si manger un aliment nous change un peu en lui, alors le partage d'une même nourriture nous fera davantage nous ressembler les uns aux autres ».

Cela entraîne un moment de fraternité, d'union1299(*). D'après l'« Histoire et coutumes des BamounBamun », article 109 : « Lorsque la mère d'une femme rù shi (forme spéciale de dot) meurt, son gendre doit aller aux lamentations avec une chèvre vivante, il doit préparer le « pen », faire cuire une autre chèvre ; on tue ensuite un poulet, on prépare du « pen », cela c'est pour « Nkut Nyi », et une calebasse de vin pour « Nkum Shi » et un coq pour « Mùntgu ». Puis le gendre, portant « nkùete » et coiffé d'un « njo », arrive dans la cour rapidement. S'il tombe, que la chèvre s'échappe, que la terre souille son visage, que le panache se retourne vers son dos et que son bâton se casse, il feint d'être honteux et les gens rient beaucoup ». « Si la belle-mère du roi meurt, on fait cuire une grande chèvre, on prépare du « pen », on amène une chèvre vivante, un coq et une calebasse de vin. « Taafon » arrive avec « Mùnjemndù pùte » ; les princes soufflent dans leurs cornes, les femmes royales dansent.On donne un coq à « Taafon » et une calebasse de vin ; puis on donne un coq et un bouc pour les princes qui jouent et une calebasse de vin pour les femmes royales »1300(*). Le vin de palme apparaît ici indispensable dans la célébration des funérailles en pays BamounBamun et témoigne de sa « noblesse » en tout temps et en tout lieu.

En outre, la consommation du vin de palme s'avère aussi pour le touriste des retrouvailles avec un environnement qui n'a pas encore été significativement transformé par l'homme. Il est important de retenir que : « Dans les perceptions du touriste, le lien est établi entre les cultures alimentaires et les lieux : manger local à la consommation symbolique d'une terre, d'une région, d'une province, de son climat, de son paysage... ».1301(*)Vu dans ce sens, le touriste cherche ainsi à entrer en communion avec cette nature, c'est-à-dire ces arbres, ces rochers, ces herbes, ces animaux, etc. qu'il est difficile de voir dans son environnement urbain habituel.

Aussi près de la nature, le touriste met à profit son déplacement pour rétablir le lien avec la surnature, donc avec ses ancêtres, les génies, les forces intangibles dont, en contexte africain, on sait qu'ils ont aussi une influence dans la vie de tous les jours.

C'est donc un moment où le touriste leur fait comprendre, comme il le fait comprendre aux vivants d'ailleurs, qu'il n'a pas oublié ses origines, qu'il se souvient d'eux et qu'ainsi ils ne doivent pas l'oublier et lui donner des bénédictions1302(*).

D'ailleurs, il constitue également une offrande précieuse lors de cérémonies d'hommage aux morts, mais est aussi considéré comme le symbole de l'union éternelle entre les époux.C'est donc à partir de ce constat que l'on peut dire que le vin de palme a aussi une fonction salvatrice au même titre que l'eau bénite. Et pour mieux illustrer ce fait, nous avons voulu rappeler la signification de l'eau bénite.

· Signification de l'eau bénite

L'eau bénite provient de la religion romaine, où elle était employée par les pontifes1303(*). Elle est aussi considérée comme cette eau qui a été bénie par un prêtre, un évêque ou un diacre pour la célébration du sacrement du Baptême ou pour bénir des objets, entre autres coutumes pieuses.Autrefois, on bénissait également de l'eau à diverses occasions, en l'honneur de certains saints. Ces eaux étaient censées apporter certaines protections.

Par exemple, on en bénissait en même temps que du pain, du vin, et des fruits pour la fête de SAINT BLAISE, pour protéger contre les maux de gorge ; en l'honneur de SAINT HUBERT, on bénissait de l'eau, du sel et du pain pour se prémunir contre la rage canine1304(*).

L'eau bénite est un sacramental, c'est-à-dire un signe sacré, que l'Église catholique met à la disposition des fidèles pour leur sanctification et leur protection et celle des objets et des lieux qu'ils utilisent. Au même titre que les crucifix, médailles, images pieuses, rosaires, cendres et rameaux, elle trouve sa place dans le quotidien des chrétiens au point qu'elle apparaît comme l'un des sacramentaux les plus employés1305(*).

Toutefois, il faut rappeler que l'eau bénite n'est pas une potion magique car son efficacité lui vient de la passion et de la résurrection du Christ et dépend des bonnes dispositions de l'utilisateur : foi, humilité, espérance et charité, qui mettent en relation directe avec Dieu.

Par ailleurs, l'usage de l'eau bénite n'a rien à voir avec la consommation abusive à laquelle s'adonnent certains qui lui prêtent des pouvoirs magiques et s'en servent surtout pour « lutter contre » les démons, les maladies, les influences néfastes...

Rien à voir non plus avec cette pratique des « accros du bénitier », qui cuisinent ou se douchent à l'eau bénite, pour éviter d'être empoisonné, lutter contre les maladies ou les tentations, ou se purifier après une mauvaise rencontre.

En outre, de par la vertu des prières de l'Église, l'eau bénite attire, en toute occasion, le secours de l'Esprit-Saint, pour le bien de l'âme et de notre corps. Elle efface les péchés véniels, non point toutefois par sa propre efficacité1306(*), comme les sacrements, mais par les sentiments de contrition sincère que, fécondée et sanctifiée par la bénédiction du prêtre, elle concourt à faire naître dans nos âmes.Dans ce cas, d'ailleurs, l'usage de l'eau bénite ne dispense pas du recours au sacrement de réconciliation. Comme l'explique SAINT FRANÇOIS DE SALES, « Quand on dit que la bénédiction de l'évêque et l'eau bénite effacent les péchés véniels, ce n'est pas en vertu de l'acte d'humilité que l'on fait en le recevant, et en vertu du retour que nous faisons de notre esprit en Dieu ».Autrement dit, l'usage de l'eau bénite doit toujours être accompagné d'une foi sincère dans un acte d'abandon total et confiant et total en Dieu, d'une prière et d'une intention droite pour être efficace1307(*).

· Corrélation entre le vin de palme et l'eau bénite

Partant de là, on peut établir une corrélation entre le vin de palme et l'eau bénite dans la mesure où ces deux « eaux » sont au service du surnaturel, une sorte de création entre le divin et l'humain.Tout comme l'eau bénite est une eau naturelle consacrée au service divin par un rite de bénédiction1308(*),le vin de palme est une offrande faite aux ancêtres.

On pourrait parler en ce cas d'une véritable civilisation du palmier, tant cet arbre reste l'une des sources principales de revenus, fournit des matériaux pour l'architecture et l'artisanat, intervient1309(*) dans toute manifestation solennelle ou sacrée de la vie sociale comme dans les manifestations banales d'amitié et de coopération.

Le palmier est un arbre « mâle » et, dans un certain sens, un arbre « noble » - arbre du chef qui ordonne de planter et régit les palmeraies naturelles tenues des ancêtres. La charge de tireur de vin de palme, « musogi » n'exige pas seulement une sorte d'apprentissage, elle requiert aussi la confiance du chef qui la contrôle ; c'est encore ce dernier qui détient la « caisse »1310(*), où sont accumulés les produits des ventes de vin, et qui règle chaque année le partage de ces sommes1311(*) entre les hommes mariés de son lignage1312(*).

Sur la Cloche Royale de Guerre BamounBamun, qui sert à appeler la population au combat et probablement à d'autres occasions, est représenté un guerrier BamounBamun ; celui-ci tient la corne avec laquelle le roi1313(*) offre le vin de palme à son peuple. Appelé « mimbo », le vin de palme était très apprécié par le Roi NJOYA et vu que l'Islam ne le lui permettait pas d'en consommer, il eut l'idée de créer une religion syncrétique, « Nuet-Kwete », qui lui autorisait la consommation de cet élixir alcoolisé, la pratique de la polygamie et le culte rendu aux ancêtres à travers les libations faites à base de vin de palme et/ou de raphia1314(*).

Et de ce point de vue, on peut dire que le RoiNJOYA montre que les Africains sont également capables de bénir, de sanctifier, de rendre sacré un lieu, une chose, une personne. Mais surtout qu'ils continuent d'établir un lien avec le surnaturel, les génies et autres forces intangibles de la nature. C'est une manière de ne pas oublier ses origines, qu'il se souvient de ses ancêtres et qu'ainsi, qu'ils ont besoin de leurs bénédictions. Il fait un contrepoids à cette croyance occidentale selon laquelle l'homme blanc est le seul à être en contact avec Dieu, à faire preuve de croyance.

D'ailleurs, l'usage du vin de palmeest conservé dans les rites de « Nuot Kwote » parce que cette boisson a toujours été utilisée dans le culte ancestral. Par ailleurs, le vin de raphia était aussi utilisé lors du culte d'allégeance à la cérémonie d'intronisation du nouveau roi. Ici, le vin était versé dans les mains des membres de sa famille et à tous les chefs qui doivent le boire.

L'Islam, devenu la religion de la majorité de la population, interdisant la consommation du vin, le roi SeidouNJIMOLUH NJOYA innova en serrant la main de tous ceux qui sont venus le reconnaître1315(*). Ce n'est qu'en 1917-1918 que le monarque revint définitivement à la religion musulmane et entreprit d'y amener ses sujets parce qu'il avait compris que les autorités coloniales françaises avaient décidé d'encourager le développement du christianisme dans le royaume.

Concernant la suite de notre travail, les relations entre le RoiNJOYA et le missionnaire GÖRING ont été des plus paradoxales et nous avons examiné les points de discorde entre les deux hommes.

* 1298 Oncles et tantes, cousins et cousines, neveux et nièces, grands-parents, amis et connaissances.

* 1299 P. U. OTYE ELOM, « La consommation du vin de palme au Cameroun. Anthropologie d'un prétexte touristique », Anthropology of food (Online), 13/2018. Article publié sur le site https://doi.org/10.4000/aof.8766 le 03 juillet 2018 et consulté le 04 Septembre 2021.

* 1300 M. MONGBET LAMARE, La médecine BamounBamun. Étude d'anthropologie, Yaoundé, Éditions LAMARO, 1975, pp. 117-121.

* 1301 J.-P. POULAIN (dir.) et Al., Dictionnaire des cultures alimentaires. Paris, Presses Universitaires de France, 1027-1039, 2012, p. 1341.

* 1302 P. U. OTYE ELOM, « La consommation du vin de palme au Cameroun. Anthropologie d'un prétexte touristique », Anthropology of food (Online), 13/2018. Article publié sur le site : https://doi.org/10.4000/aof.8766; DOI : https://doi.org/10.4000/aof.8766 le 03 juillet 2018 et consulté le 04 Septembre 2021.

* 1303 A. RICH, « Dictionnaire des antiquités romaines et grecques », 1883, 3ème éd. Article disponible sur le site www.mediterranees.net et consulté le 13 septembre 2020.

* 1304 « Eau bénite - l'eau qui a été bénie par un prêtre, un évêque ou un diacre pour la célébration du sacrement du Baptême ou pour bénir des objets, entre autres coutumes pieuses (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 06 mars 2021.

* 1305 LA CROIX AFRICA,« Eau bénite : Définition, usages et où en trouve-t-on ? ». Article publié sur le blog et sur le site www.africa-lacroix.com et consulté le 04 septembre 2021.

* 1306 Nous insistons.

* 1307 Idem.

* 1308« Eau bénite - l'eau qui a été bénie par un prêtre, un évêque ou un diacre pour la célébration du sacrement du Baptême ou pour bénir des objets, entre autres coutumes pieuses (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 06 mars 2021.

* 1309 Par le vin de palme.

* 1310 « Mogussa maba ».

* 1311 Dont une moitié lui revient de droit.

* 1312 Cette « caisse » étant considérée comme une sorte de banque recevant le produit des ventes, mais ayant le pouvoir de prêter : à l'occasion d'achats couteux, par exemple. In G. BALANDIER, Sociologie de l'Afrique actuelle. Dynamique sociale en Afrique noire. Quadrige/Presses Universitaires de France, 1955, p. 351.

* 1313 Mfon.

* 1314 MUSÉUM D'HISTOIRE SURNATURELLE, « Articles, Histoires et Contes ». Article disponible sur le site www.logs.surnateum.com et consulté le 08 avril 2022.

CAMERLEX, « FOUMBAN EN BREF ». Article publié sur le site www.camerlex.com, le 05 février 2011 et consulté le 08 avril 2022.

* 1315 P. ETONDE, « Les chefferies traditionnelles entre tradition et modernité : Le Cas du Royaume BamounBamun », Mémoire de Maîtrise, Université de Yaoundé II, 2014-2015, pp. 76-77.

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