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L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Cameroun


par Winnie Patricia Etonde Njayou
Université de Douala - Doctorat 2023
  

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B. LE ROINJOYAVOULAIT BAPTISER LUI-MÊME SES SUJETS

Le baptême est une pratique religieuse étrangère pratiquée par les missionnaires mais qui existait déjà au sein des sociétés africaines. En pays BamounBamun, on évoque des initiations tribales qui marquent le passage du domaine profane au domaine sacré.

Bien entendu, il s'agit du même schéma parce qu'il s'agit de détruire la personnalité ancienne pour accéder à une personnalité nouvelle, supérieure, donc d'une mort et d'une renaissance et les mêmes séquences rituelles qui vont des rites de séparation1241(*) à des rites d'agrégation1242(*), en passant par des rites de marge1243(*).Pour les initiations religieuses, les rites de rupture avec le monde profane prennent la forme d'un bain dans le marigot, de la destruction des anciens vêtements et du port de vêtements nouveaux, etc., à la suite d'un appel de certains dieux, cet appel pouvant prendre la forme d'un rêve, d'une maladie, de troubles dans la vie familiale1244(*). La religion en tant qu' « ensemble des croyances ou des dogmes et des pratiques cultuelles qui constituent les rapports de l'homme avec la puissance divine ou les puissances surnaturelles » est une donnée permanente qui va de pair avec l'histoire de l'humanité.

Dans ce registre, L.V. THOMAS qui, en posant ce qu'on pourrait appeler une anthropologie du rite, avançait les propos que voici : « On ne saurait concevoir la religion (africaine) sans rites pour diverses raisons. Tout d'abord parce que la religion pour être vivante et active doit s'exprimer dans des comportements liturgiques socialement codifiés, le plus souvent visibles par tous (sauf dans quelques séquences particulières sacrées réservées aux seuls initiés). Ainsi, le rite authentifie la croyance en même temps qu'il l'entretient.

Ensuite, et cela est vrai en Afrique plus encore qu'ailleurs, parce que le corps demeure l'instrument privilégié qui médiatise le sacré dans sa dimension immanente ; par le rite, le numineux devient particulièrement vécu corporel et le négro-africain n'imagine pas de rites (du moins pour les plus importants) sans certaines postures corporelles, sans rythmes ni danses. Enfin, parce que le rite c'est le mythe qui fait chair : langage d'une expérience émotionnelle le plus souvent collective attestant la présence du numineux, le rite reste avant tout l'incarnation du mythe »1245(*).

Ainsi, on pourrait affirmer que les sociétés d'Afrique noire traditionnelle trouvent leur essence dans le rite car on se rend compte qu'aucune activité de la vie sociale n'échappe à l'emprise du rite1246(*).

C'est pourquoi nous avons voulu connaître la signification du baptême et son importance dans la société traditionnelle africaine (1-). Par ailleurs, nous nous sommes interrogés sur la modification des habitudes sociales en pays BamounBamun due à l'adoption des rites chrétiens(2-).

1. La signification du baptême

Le mot « baptême » vient d'un verbe grec, « baptizein », qui veut dire « plonger ». On appelle donc ce sacrement par son rite central : la plongée dans l'eau, signe d'un changement de vie radical. CommeJésus à Pâques, et avec lui, le baptisé plonge dans la mort pour renaître à une vie nouvelle, la vie de Dieu1247(*).

Le baptême ou baptême d'eau est un rite ou un sacrement symbolisant la nouvelle vie du croyant chrétien. Il est partagé par la quasi-totalité des Églises chrétiennes, étant donné son importance dans les textes bibliques.

L'eau symbolise à la fois la mort par noyade des baptisés dans leur ancienne vie caractérisée par le péché, et leur nouvelle naissance dans une vie nouvelle et éternelle1248(*). Pour le catholicisme et l'orthodoxie, le baptême est le sacrement de la foi en Jésus-Christ par lequel le chrétien est sauvé, purifié du péché, en devenant enfant de Dieu.

La première signification est celle des eaux de la mort. « L'eau est figure de la mort »1249(*), l'analogie la plus importante est celledu Déluge. De même que l'eau du Déluge a détruit le monde pécheur, de même l'eau du baptême détruit l'homme pécheur. Une autre analogie est celle de la traversée de la Mer Rouge : les eaux de la mer détruisirent le Pharaon et ses troupes ; de même, l'eau du baptême détruit les démons qui dominaient l'homme.

Une autre conception est voisine de celle-ci : pour la cosmologie hébraïque, la Terre est placée sur les eaux inférieures, qui sont les Enfers, le royaume de la mort. On peut rapprocher de ce thème celui de l'eau purificatrice, bien qu'il soit d'une autre origine.

L'eau du baptême signifiera alors la destruction de la souillure originelle1250(*).La seconde ligne est celle des eaux de la vie. Elle est en relation avec l'eau en tant qu'elle suscite et entretient la vie. D'après la Genèse1251(*), les êtres vivants sont nés de l'eau. Par ailleurs, selon SaintAmbroise, l'eau du baptême suscite une nouvelle créature1252(*). L'eau du baptême est aussi comparée aux fleuves du paradis1253(*), au bord desquels poussent des arbres de vie.

ÉZÉCHIEL montre dans les temps messianiques un fleuve d'eau jaillissant du rocher du Temple et se répandant dans le désert de Judas, où il fait pousser des arbres de vie, et dans la Mer Morte, où il fait pulluler les poissons1254(*). Le Christ applique cette prophétie au baptême1255(*). Dans cette perspective, l'eau est souvent associée à l'Esprit : « nul, s'il n'est créé à nouveau de l'eau et de l'Esprit, n'entrera dans le Royaume »1256(*)1257(*).

Ainsi, nous nous sommes interrogés sur la cérémonie du baptême dans la société traditionnelle africaine.

· La cérémonie du baptême dans la société traditionnelle africaine

La cérémonie de baptême d'un nouveau bébé est l'un des plus importants rites de passage dans la vie. Dans la société africaine traditionnelle, la cérémonie de baptême annonce la naissance d'un nouveau-né, introduit l'enfant dans sa famille élargie et dans la communauté plus large, et surtout, il donne un nom à l'enfant.

Le nom donné à un bébé peut avoir une influence durable sur leur personnalité et leur éducation. Choisir le nom d'un enfant est une tâche importante pour les parents.Pour l'art africain, la cérémonie de baptême est un rite d'initiation qui sert d'accueil.

La plupart du temps, cette célébration se passe avec un sacrifice de mouton, chèvre, vache, est nécessaire pour satisfaire les ancêtres avec le sang de l'animal en même temps pour nourrir les invités, cet évènement est plus ancien que l'ère du Christ et toutes les autres religions.

La cérémonie commence avec la reconnaissance et la divination des ancêtres, suivie du nom de « donner » et de planter une plante vivante pour représenter la vie et la survie. Les noms africains traditionnels ont souvent des histoires uniques derrière eux. Depuis le jour ou l'heure de la naissance du bébé jusqu'aux circonstances entourant la naissance, plusieurs facteurs influencent les noms que les parents choisissent pour leurs enfants. Quel que soit le groupe ethnique que vous regardez, les noms locaux révèlent une mine d'informations sur le porteur.

Parmi plusieurs groupes ethniques, choisir des noms peut être influencé par des circonstances positives ou négatives dans lesquelles se trouve la famille au moment de la naissance d'un enfant. Souvent, ces noms sont des phrases complètes. Par exemple, si l'enfant est né un vendredi, le bébé peut être nommé « adjuma » qui est un nom commun dans la tribu des « Wolof ».

« Kiptanui » et « Cheptanui » sont souvent donnés aux bébés dont les mères ont pu avoir éprouvé des difficultés extrêmes pendant l'accouchement parmi le groupe ethnique de « KaleNJIn » au Kenya.« Lindiwe » qui signifie « Nous avons attendu » est un nom « Isizulu », souvent donné à une petite fille après une longue lignée de garçons. « Ayuji » qui veut dire « né sur un tas d'ordures » est un nom « haoussa » donné à un bébé après ceux qui sont nés avant qu'il ne puisse survivre. On croit que donner un nom « terrible » à l'enfant va tromper les mauvais esprits en leur faisant croire que l'enfant n'est pas aimé et, par conséquent, lui permettre de vivre.

L'enfant ne commence officiellement à exister que lorsqu'il a été nommé dans le cadre de son rite de passage, c'est-à-dire la cérémonie de baptême1258(*). En pays « Yoruba », la cérémonie de baptême est appelée « Ikomo jade », qui signifie « La sortie de l'enfant ». Elle se déroule une semaine après la naissance, dans la maison du père. Le bébé est présenté à l'assistance par sa mère. Outre les discours d'accueil de l'enfant, on utilise de l'huilede palme, du sel, de la noix de cola ou du miel et chacun de ces produits est censé faciliter la vie future du bambin1259(*).

« Ayodele » qui veut dire « La joie est revenue à la maison » est un nom unisexe pour un bébé dont la naissance a apporté le bonheur à leurs parents « Yoruba » au Nigéria. « Adetokunbo » qui signifie « La couronne/richesse est revenue à la maison » est un nom « Yoruba » unisexe souvent donné à un enfant né à l'étranger1260(*).

En pays BamounBamun, comme partout ailleurs, chaque individu est désigné par un nom. C'est au père, chef de la famille, qu'il appartient de choisir le nom de l'enfant qui vient de naître. Il choisit un nom ayant déjà été porté par ses ancêtres ou par les grands-parents.

L'enfant ne prend presque jamais le nom de son père, car ce dernier doit toujours chercher à honorer la mémoire des ascendants décédés1261(*).Le père peut aussi donner à l'enfant le nom d'un ami décédé ou vivant, en témoignage de leur amitié. Si l'ami est vivant, il reconnaitra cette intention en offrant des présents au nouveau-né.

Lorsque le père géniteur d'un enfant qui vient de naître a son propre père vivant, c'est à ce dernier que revient l'honneur de choisir un nom pour le nouveau-né. A côté du nom, le BamounBamun d'aujourd'hui porte un nom musulman s'il est musulman, ou un prénom chrétien s'il est chrétien.

Chez lesBamounBamun, c'est le prénom qui est le plus employé. Si un individu porte le nom de GBENTKOM et le prénom d'OUMAROU, on l'appellera presque toujours OUMAROU. Une autre habitude très répandue consiste à désigner un individu par son nom suivi de celui de sa mère. SiGBENTKOM a pour mère MFÙT, parlant de lui, on dira GBENTKOMMFÙT.

Dans les familles musulmanes, le nom est attribué à l'enfant le septième jour après sa naissance, au cours d'une cérémonie. A la cérémonie de la prise de nom, les parents, les voisins et les amis se réunissent. Tous ceux qui arrivent font l'aumône à l'entrée de la maison.

Ils déposent dans une assiette de l'argent, des colas, des noix de palmistes, etc.Ces aumônes seront distribuées aux pauvres qui prieront Dieu pour lui demander de bénir le nouveau-né. Le père de l'enfant fait égorger un bélier pour célébrer la naissance de son enfant. L'imam, le chef de la communauté musulmane ou son assistant récite une prière à Dieu pour qu'il prenne sous sa protection celui qui va recevoir son nom. Les réjouissances succèdent aux rites religieux.

Partant de cette définition, on a assisté à la modification des habitudes sociales en pays BamounBamun dûe à l'adoption des rites chrétiens.

* 1241 Concernant les rites de séparation, tout d'abord, l'enfant est séparé du groupe des femmes. Élevé jusqu'ici par sa mère, on le lui arrache souvent sous la forme d'un rapt violent. Les mères se lamentent, comme si leur enfant était mort. Il s'agit bien en fait d'une mort symbolique : le futur initié est censé avoir été avalé par un monstre, qui le dégorgera ensuite, ou tué par lui. La grotte où il est conduit est la bouche du monstre ; la hutte où il sera initié dans la brousse à l'apparence du monstre mythique (Nouvelle-Guinée). Cette opération prend aussi la forme d'une purification : bains, destruction des anciens vêtements, changement de nom. A la fin, l'enfant renaitra. Chez les Kikuyu africains, la nouvelle naissance est marquée par la mise en position de l'enfant entre les jambes de sa mère à laquelle il est attaché par un boyau de mouton, symbolisant le cordon ombilical. Dans une certaine mesure, les mutilations corporelles (circoncision, arrachage de certaines dents, scarification, tatouage des signes tribaux) constituent les marques apparentes de cet arrachement au monde des femmes pour l'entrée dans celui des hommes.

* 1242 Selon les rites d'agrégation, l'initiation a créé un nouvel être, qu'il faut réintégrer dans la société, mais cette fois avec son statut définitif d'adulte, susceptible de se marier. Les rituels de sortie comprennent en gros deux séquences de réapprentissage de la vie quotidienne. L'initié est censé avoir tout oublié, il ne sait plus marcher, parler, rire. Il retourne au village courbé, comme s'il ne savait avancer qu'à quatre pattes. Il ne reconnait plus ses parents, sa maison. Il faut donc lui donner de nouveau l'usage de ce qu'il a perdu. Mais ce retour chez les siens, avec un statut supérieur, est aussi pour lui et pour ceux qui l'accueillent, une fête, et cette fête se marque par des chants, des danses, des processions solennelles.

* 1243 Les rites de marge comportent l'apprentissage d'une langue liturgique, des chants, des danses, des mythes du dieu ou du génie qui a appelé le néophyte et dont celui-ci devient dès lors le médium, des tabous, alimentaires et sexuels, comme aussi une manipulation du corps pour le rendre perméable à l'incorporation d'un dieu ou d'un génie. Cette manipulation du corps se fait par l'ingestion de drogues hallucinogènes (comme celle de l' « iloga » dans le « Bwiti » du Gabon, où les hallucinations provoquées permettent aux initiés de monter dans le monde des ancêtres et d'y recevoir un message), par des jeunes provocateurs de visions (comme chez les Amérindiens de Californie) par des bains d'herbes amenant des transes et suivis, au cours même de ces transes, d'un bain de sang (comme en Afrique de l'Ouest).

* 1244 A. SENE, Les structures anthropologiques de l'imaginaire en Afrique Noire traditionnelle ou vers une archétypologie des concepts de pratiques rituelles et de représentations sociales, Thèse de Doctorat de Troisième Cycle, Université Pierre Mendès France, UFR Sciences de l'Homme et de la Société, Département de sociologie, Centre de Sociologie des Représentations et des Pratiques Culturelles, GDR Opus CNRS, 2004, pp. 147-148.

* 1245 Ibid., pp. 234-235.

* 1246 Ibid., pp. 136-137.

* 1247DIOCÈSE DE VERSAILLES, « A l'origine du baptême ». Article publié sur le site https://www.catholique78.fr et consulté le 02 juin 2021.

* 1248 « Baptême - rite chrétien d'admission dans les différentes églises chrétiennes, dans lesquelles l'eau est utilisée (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 02 juin 2021.

* 1249 L.-M. CHAVET & J. DANIELOU, « Le symbolisme du baptême chrétien ». Article publié sur le site https://www.universalis.fr et consulté le 10 août 2021. Tiré de l'ouvrage de l'auteur LACTANCE, Les institutions divines, Tome II, Les éditions du Cerf, 9 septembre 1987.

* 1250 L.-M. CHAVET & J. DANIELOU, « Le symbolisme du baptême chrétien ». Article publié sur le site https://www.universalis.fr et consulté le 10 août 2021. Tiré de l'ouvrage de l'auteur LACTANCE, Les institutions divines, Tome II, Les éditions du Cerf, 9 septembre 1987.

* 1251 GENESE, I, 20.

* 1252 Sur les Sacrements.

* 1253 GENESE, II, 10.

* 1254 ÉZÉCHIEL, XLVII, 2-11.

* 1255 JEAN, VII, 38.

* 1256 JEAN, III, 5.

* 1257 L.-M. CHAVET & J. DANIELOU, « Le symbolisme du baptême chrétien ». Article publié sur le site https://www.universalis.fr et consulté le 10 août 2021. Tiré de l'ouvrage de l'auteur LACTANCE, Les institutions divines, Tome II, Les éditions du Cerf, 9 septembre 1987.

* 1258 HISTOIRE D'AFRIQUE, « LE BAPTÊME ». Article publié le 30 avril 2018 sur le site https://m.facebook.com et consulté le 20 juin 2021.

* 1259 JOURNAL RFI EN LIGNE, « Huile de palme et noix de cola : les attributs du baptême Yoruba - La vie ici ». Article publié le 01 avril 2019 sur le site www.rfi.fr et consulté le 20 juin 2021.

* 1260 HISTOIRE D'AFRIQUE, « LE BAPTÊME ». Article publié le 30 avril 2018 sur le site https://m.facebook.com et consulté le 20 juin 2021.

* 1261 M. MONGBET LAMARE, La médecine BamounBamun. Étude d'anthropologie, Yaoundé, Éditions LAMARO, 1975, pp. 20-21.

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