Des limites de l'action publique en droit penal congolaispar Chadrack MTEBWA EBAKE Université de Lubumbashi - Graduat 2023 |
CHAPITRE TROISIEME : ANALYSE DES LIMITES DE L'ACTION PUBLIQUE EN DROIT PENAL CONGOLAISEn principe, le ministère public a le droit et le devoir d'exercer des poursuites chaque fois qu'une infraction est portée à sa connaissance. Néanmoins, dans certains cas, le pouvoir du ministère public se trouve soit paralysé, soit limité, et ce, pour diverses raisons. SECTION 1. LA QUALITE DU DELINQUANT20. §1. LE CAS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE OU DU PREMIER MINISTRELe Président de la République ou le Premier Ministre qui commet une infraction en dehors de l'exercice de ses fonctions ne peut pas être poursuivi pendant l'exercice de son mandat. A cet effet, toutes poursuites sont suspendues jusqu'à l'expiration dudit mandat, et pendant ce temps, la prescription de l'action publique est suspendue40(*). La disposition de l'article 167 de la constitution pose de manière indirecte le principe de l'irresponsabilité pénale du Président de la république et du Premier ministre. Ce principe n'est pas absolu, car dans certaines circonstances et lorsque les faits reprochés sont commis dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de fonction de Président de la République ou du Premier Ministre, celui-ci peut engager sa responsabilité pénale41(*). C'est le cas précisément dans l'hypothèse des infractions politiques de haute trahison, d'outrage au parlement, d'atteinte à l'honneur ou à la probité ainsi que de délit d'initié. La haute trahison existe lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier Ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de violations graves et caractérisées des Droits de Homme, de cession d'une partie du territoire national42(*). Par atteinte à l'honneur ou à la probité, il faut entendre le fait pour le Président de la République ou le Premier Ministre d'adopter un comportement personnel contraire aux bonnes moeurs ou le fait d'être reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de malversations, de corruption ou d'enrichissement illicite43(*). Le délit d'initié existe lorsque le Président de la République ou le Premier Ministre effectue des opérations sur valeurs immobilières ou sur marchandises à l'égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces informations soient connues du public. Le délit d'initié englobe l'achat ou la vente d'actions fondées sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux actionnaires44(*). Il y a outrage au Parlement lorsque sur des questions posées par l'une ou l'autre Chambre du Parlement sur l'activité gouvernementale, le Premier ministre ne fournit aucune réponse dans un délai de trente jours45(*). La responsabilité pénale du Président de la République ou du Premier Ministre ne peut être engagée que lorsque le parlement réuni en congrès décide de le mettre en accusation. La décision de mise en accusation est votée par les 2/3 des membres du parlement46(*). Par ailleurs, il faudrait déplorer l'expression « mise en accusation » employée dans l'article 166 de la constitution. La mise en accusation suggère donc l'existence d'une instruction préparatoire qui aboutit à la conclusion qu'une infraction a été commise. En ce qui concerne les poursuites contre le Président de la république ou le Premier Ministre, la mise en accusation existe sans qu'aucune instruction préparatoire n'ait commencée. Nous pensons qu'il y a lieu de reformuler cette disposition constitutionnelle en indiquant que le vote du congrès constitue non pas la mise en accusation, mais plutôt la levée d'immunité politique qui donnera droit au Procureur général de la République d'instruire et de saisir éventuellement la Cour constitutionnelle47(*). * 40 Art. 167, al. 2, Constitution du 18 février 2006. * 41 Art. 164, idem. * 42 Art. 165, al. 1, Constitution du 18 février 2006. * 43 Art. 165, al.2, idem. * 44 Art. 165, al.3, ibidem. * 45 Art. 165, al. 4, ibidem. * 46 Art. 166, al. 1, ibidem. * 47 E. LUZOLO BAMBI LESSA et al., op. cit., p. 166. |
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