15. §5. LE MINISTERE PUBLIC PRES LE TRIBUNAL DE PAIX
Existe-t-il un parquet approprié attaché au
tribunal de paix ? Pour répondre à cette question, il est
important de recourir à certaines dispositions emblématiques en
la matière. C'est le cas des articles 65, 80 et 82 de la loi organique
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de
l'ordre judiciaire du 11 avril 2013 dont l'examen apporte une solution
discutable, mariant constances et confusion sur fond d'une pratique judiciaire
qui en a tranché mécaniquement.
Ø Une première constance : la
loi a créé un parquet près chaque tribunal de paix.
L'article 65 de la loi organique relative à
l'organisation, le fonctionnement et les compétences des juridictions de
l'ordre judiciaire dispose qu'il est institué un parquet près le
tribunal de paix.
Ø Une deuxième constance : la
composition singulière dudit parquet.
Au regard de la même disposition de l'article 65 de la
loi organique du 11 avril 2013, le parquet près le tribunal de paix
n'est constitué que d'un premier substitut du procureur de la
République auquel sont adjoints un ou plusieurs substituts du procureur
de la République. Aux termes de cette disposition légale, le chef
d'office de ce parquet est un premier substitut du procureur de la
République.
La confusion de la loi organique : la mission
de ministère public en conflit entre deux chefs d'office.
En dépit de la clarté imposée par
l'article 65 de la loi organique, l'article 80 de la même loi vient jeter
un flou. Alors que le chef d'office d'un parquet a le pouvoir d'y exercer la
mission de ministère public dans le cadre de son ressort, l'article 80
confie cette mission plutôt au procureur de la République. Un
conflit de compétence est donc né, envenimé par ailleurs
parl'article 82 de la même loi organique, qui, cette fois-ci,
reconnaît au premier substitut du procureur de la République le
pouvoir d'exercer la mission de ministère public près le tribunal
de paix.
La pratique judiciaire a tranché au profit du
procureur de la République.
Depuis la promulgation de la loi du 11 avril 2013, le premier
tiret de l'article 65 a connu sa pleine application en 2016. En effet, par son
ordonnance n°16/016 du 1er mars 2016, le Président de la
République a nommé 55 procureurs de la République dont
certains ont été affectés comme chefs d'office aux
parquets près les tribunaux de paix installés sur le territoire
de la République. Par la suite, d'autres décisions d'organisation
judiciaire ont été prises par le conseil supérieur de la
magistrature portant affectation des premiers substituts et substituts du
procureur de la République aux parquets près les tribunaux de
paix. Par ces différentes décisions, la pratique judiciaire a
plutôt reconnu au procureur de la République le pouvoir
d'administrer le parquet près le tribunal de paix, démentant
ainsi la loi organique du 11 avril 2013 dans ses articles 65 et 82, auxquels
elle a apporté un coup fatal.
A la recherche de la vraie volonté du
législateur.
En disposant qu'il est constitué un parquet près
le tribunal de paix, le législateur n'a pas voulu créer un
parquet autonome attaché au tribunal de paix. Sinon, il n'aurait pas
décidé de faire du premier substitut un chef d'office de ce
parquet. Le législateur n'a pas non plus voulu laisser le tribunal de
paix fonctionner comme à l'époque de l'ancien code d'organisation
et de compétence judiciaires de 1982, dont les articles 16 et 17
admettaient le fonctionnement du tribunal de paix sans ministère public.
A cette époque, le procureur de la République pouvait
désigner un de ses substituts ou même un officier de police
judiciaire à compétence générale pour exercer les
fonctions de ministère public ; et qu'à défaut de le
faire, le juge de paix pouvait exercer les fonctions du ministère
public. La pratique judiciaire de l'époque avait aussi institué
le système de parquet secondaire, c'est-à-dire le parquet de
grande instance pouvait envoyer en détachement dans le ressort d'un
tribunal de paix un premier substitut et plusieurs substituts du procureur de
la République pour exercer les fonctions de ministère public.
Aujourd'hui, la loi organique du 11 avril 2013 vient conforter cette pratique.
Le premier substitut du procureur de la République
exerce désormais les fonctions de ministère public près le
tribunal de paix, sous la surveillance et le contrôle du procureur de la
République. Il n'en demeure pas vrai que ce premier substitut garde son
cordon ombilical, parce qu'il dépend toujours du procureur de la
République qui, à juste titre, exerce les fonctions du
ministère public près le tribunal de paix.
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