WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le manuel numérique - une nouvelle manière de découvrir un texte littéraire ?


par Romain Pinoteau
Université Paris III Sorbonne nouvelle - Master 1 - Lettres modernes recherche 2017
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. Présentation de la page-écran

L'agencement de la page-écran où apparaît le texte mais aussi tous les outils qui s'offrent au lecteur est particulièrement important entre car il joue le rôle d'interface avec le texte même et affecte donc la lecture. Le manuel est structuré en différents chapitres, toujours accompagnés d'un titre qui guide le lecteur, comme avec le chapitre 5, Antigone : Une voix face au pouvoir. En fait, cette structure s'apparente tout à fait à celle d'un livre-codex, sauf qu'une différence fondamentale s'impose : lorsque le lecteur accède à la page d'accueil du manuel, il ne peut pas se rendre compte à première vue de son volume de la même manière qu'avec le manuel imprimé qui contient 400 pages. En fait, en ouvrant le chapitre 1, il voit qu'il y a 17 sous-parties.

Figure 14. Capture d'écran montrant comment figurent les 15 chapitres sur la page d'accueil du manuel numérique, source : lelivrescolaire.fr.

La conception des pages n'est pas la même dans les deux versions et fait donc appel à des pratiques de lecture différentes. Nous prendrons donc comme exemple la page-écran de l'extrait de texte des Pensées de Montaigne comportant 541 mots et verrons de quelle manière elle est construite. Ensuite, nous montrerons les outils dont dispose le lecteur grâce au numérique en analysant leurs différences par rapport à la lecture sur format papier.

56

a) Mise en page et matérialités

Tout d'abord, l'extrait des Pensées occupe horizontalement à peu près les trois quarts de la page-écran et le quart restant est dédié à une colonne verticale placée à droite qui contient des informations supplémentaires. Nous dénombrons une dizaine d'hyperliens sur la page-écran, dont quatre sont en rapport avec la découverte de nouvelles informations. De plus, nous trouvons juste au-dessus du texte cinq outils qui permettent au lecteur de visualiser le texte selon ses préférences. Ils servent entre autres à ajuster la taille de la police et l'espacement interlinéaire. Les textes littéraires sont présentés à gauche sur la page-écran alors qu'à droite s'alignent des encadrés proposant des informations supplémentaires. Ce modèle de la page-écran où la colonne de droite est dédiée à des information complémentaires est familières aux lecteurs, comme sur de nombreux sites de journaux.

Figure 15. Mise en page de l'extrait du texte littéraire sur le site du livrescolaire.fr, source : http://www.lelivrescolaire.fr/#!manuel/1171759/francais-3e-2016/chapitre/1171763/se-raconter-se-representer/page/1171766/chercher-a-se-connaitre/lecon.

À titre d'exemple, dans le texte qui traite de Montaigne du chapitre 2, le premier lien de la colonne de droite ouvre dans une fenêtre indépendante des exercices qui sont liés au contenu du texte. Deux autres hyperliens orientent l'utilisateur sur des pages externes au manuel numérique. Le premier donne accès à une vidéo sur la vie de Michel de Montaigne

57

sur YouTube et le deuxième le dirige sur le site de la bibliothèque de Michel de Montaigne pour visionner sa reconstitution en 3D. De plus, la colonne de droite contient des fenêtres qui présentent des définitions et des informations succinctes. En bas de page, il y a trois hyperliens qui proposent des contenus sur des thèmes similaires et dirigent l'utilisateur vers d'autres textes du manuel. Il n'y a aucun hyperlien ou fonctionnalité que le lecteur peut activer dans le texte même. En fait, nous remarquons que l'apparence est très dépouillée et ressemble quasiment à une page d'un livre imprimé. D'ailleurs, le fond de page est d'un gris très clair, les lettres sont de couleur noire avec une lettrine, comme la plupart des textes à l'époque de Montaigne. Plusieurs éléments formels du texte imitent donc la page papier. Il est également intéressant de voir que les numéros de page du manuel imprimé sont indiqués en haut de page à côté du fil d'Ariane.

Figure 16. Lettrine de l'extrait de texte des Essais de Montaigne, source : lelivrescolaire.fr. http://www.lelivrescolaire.fr/#!manuel/1171759/francais-3e-2016/chapitre/1171763/se-raconter-se-representer/page/1171766/chercher-a-se-connaitre/lecon

Figure 17. Lettrine de l'extrait de texte des Essais de Montaigne, Cinquiesme edition, augmentée d'un troisiesme livre et de six cens additions aux deux premiers publié 1588 source : Gallica.fr. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11718168/f9.image

La police de caractère employée est Helvetica, qui fait partie des polices sans-serif qui sont considérées appropriées pour la lecture numérique.97 En effet, « les études de lisibilité à l'écran montrent que le texte sans-serif est là plus rapide à lire », comme

97 Alexandra Saemmer, Rhétorique du texte numérique. Figures de la lecture, anticipations de pratiques, Villeurbanne, Presses de l'Enssib, coll. « Papiers », 2015. p. 113.

58

l'affirment Jakob Nielsen et Hoa Loranger.98 De plus, la lecture se fait naturellement de façon linéaire, avec le déplacement des yeux horizontalement de gauche à droite et de haut en bas lors du passage à la ligne suivante. Les références de l'extrait, c'est-à-dire le nom de l'auteur, la place que l'extrait occupe dans l'oeuvre intégrale ainsi que l'année d'édition, figurent sur la dernière ligne de l'extrait numérique. En fait, l'ensemble du texte respecte l'intégralité des codes qui résultent de la lecture papier, à la différence du choix de sa police de caractère, comme nous l'avons déjà souligné. De plus, la page est conçue d'une telle façon que le lecteur n'est pas distrait par des images dynamiques, comme celles qui clignotent ou bougent : l'ensemble de la page reste en définitive statique.

b) Fonctionnalités permettant la manipulation

La page-écran offre de multiples fonctionnalités dans les deux modes d'affichage du texte. Ils permettent à l'utilisateur de faire des choix qui conviennent à leur lecture mais nécessitent, d'autre part, des compétences techniques. En effet, le lecteur doit être familiarisé avec l'environnement numérique pour pouvoir les utiliser d'une façon appropriée à ses besoins.

Figure 18. Capture d'écran de certaines fonctionnalités associées au texte, source : lelivrescolaire.fr.

Figure 19. Capture d'écran de certaines fonctionnalités associées au texte en mode plein écran, source : lelivrescolaire.fr.

98 Jakob Nielsen et Hoa Loranger (2007). « Site Web ». Dans : Alexandra Saemmer, Rhétorique du texte numérique. Figures de la lecture, anticipations de pratiques, Villeurbanne, Presses de l'Enssib, coll. « Papiers », 2015. p. 113.

59

Comme nous l'avons déjà constaté dans la deuxième partie, la fatigue oculaire est un des plus grands inconvénients associés à la lecture numérique. Elle peut être diminuée à l'aide de certains choix liés à la matérialité, comme les couleurs ou police de caractère mais aussi grâce à certaines fonctionnalités : lorsque nous déplaçons le curseur de la souris, une barre permettant de rétrécir ou d'agrandir le texte s'affiche en bas de l'écran. Ces fonctionnalités permettent donc au lecteur d'avoir un plus grand confort visuel lorsqu'il lit mais aussi de s'arrêter sur certains mots qui peuvent l'interpeller.

Dans le mode plein écran, nous retrouvons aussi un outil qui renvoie à deux liens audio en rapport avec le texte, l'un est lu par un homme l'autre par une femme. De plus, l'utilisateur peut choisir entre trois vitesses de débit lors de l'écoute : lente, normale ou rapide. Il peut aussi régler le son, arrêter l'enregistrement ainsi que le reprendre où il veut grâce à la barre de durée. En fait, ces fonctionnalités permettent au lecteur d'avoir recours à plusieurs moyens qui peuvent l'aider lors de la découverte du texte, car ces enregistrements audio peuvent être écoutés alors que le lecteur a toujours accès au texte.

La fonctionnalité DYS illustre parfaitement comment le livre scolaire numérique est tout à fait capable de s'adapter au lecteur, à la différence d'un manuel papier classique. Il suffit que le lecteur active cet outil pour que la police du texte, la longueur des lignes et l'espacement des mots changent et s'adaptent mieux aux besoins du lecteur atteint de dyslexie. En fait, le but de cette fonctionnalité est de faciliter le déchiffrage et la compréhension du texte par une concentration visuelle renforcée.

Figure 20. Ligne 35 du texte littéraire en caractère Helvetica sur le site du livrescolaire.fr, source : http://www.lelivrescolaire.fr/#!manuel/1171759/francais-3e-2016/chapitre/1171763/se-raconter-se-representer/page/1171766/chercher-a-se-connaitre/lecon/document/1171768

60

Figure 21. Même extrait de texte que celui de la figure 15, cette fois-ci avec une police de caractère adaptée pour un lecteur dyslexique sur le site du livrescolaire.fr, source : http://www.lelivrescolaire.fr/#!manuel/1171759/francais-3e-2016/chapitre/1171763/se-raconter-se-representer/page/1171766/chercher-a-se-connaitre/lecon/document/1171768

La fonctionnalité pour imprimer le texte sur papier figure dans les deux modes de lecture, ce qui est important car il y a toujours des utilisateurs qui préfèrent la lecture papier. En effet, il y a un lien entre le numérique et la matière, le contenu dématérialisé engendre aussi un contenu qui a comme support une page papier. La coupure entre le numérique et le codex n'est donc pas définitivement franchie.

c) La possibilité d'une lecture plus immersive

Comme nous l'avons vu dans la deuxième partie de ce travail, la lecture numérique est souvent caractérisée comme superficielle et fondamentalement non immersive à cause des hyperliens qui peuvent interrompre le flux de la lecture. En fait, Alexandra Saemmer99 distingue trois formes-modèles des page-écran qui permettent d'anticiper sur des pratiques de lecture. Les formes modèles pro-intensives qui sont des pratiques de lecture plutôt lentes et concentrées tandis que les formes-modèles pro-interventives confondent des activités de lecture et d'écriture. De plus, les formes-modèles pro-extensives favorisent la lecture rapide et incitent à la navigation. Notre manuel numérique contient beaucoup d'éléments qui sont propres au modèle pro-intensif. Le fait que les extraits ne contiennent pas d'hyperliens est typique de ce modèle, de même que l'imitation de certaines caractéristiques héritées du manuel papier comme celle de la page et l'emploi d'une lettrine. D'autre part, l'emploi d'une police sans empattements et la numération des lignes favorisent une lecture rapide. Finalement, les fonctionnalités interactives offertes au lecteur font partie des formes-modèles pro-interventives mais nécessitent l'implication

99 Alexandra Saemmer, Rhétorique du texte numérique. Figures de la lecture, anticipations de pratiques, Villeurbanne, Presses de l'Enssib, coll. « Papiers », 2015. p. 121-122.

61

corporelle de l'utilisateur. Dans ce sens, leur manipulation peut être aussi considérée comme une activité de nature immersive.

Du point de vue de la lecture immersive, l'outil « plein écran » a retenu particulièrement notre attention. Il se situe sur la barre du menu juste au-dessus du texte. En effet, il permet d'avoir le texte que nous avons déjà décrit au centre de l'écran, avec à ses contours, un bandeau très sombre. Nous y trouvons aussi six fonctionnalités, toutes de couleur blanche.

Figure 22. L'extrait du texte littéraire en mode plein écran sur le site du livrescolaire.fr, source : http://www.lelivrescolaire.fr/#!manuel/1171759/francais-3e-2016/chapitre/1171763/se-raconter-se-representer/page/1171766/chercher-a-se-connaitre/lecon/document/1171768

En fait, l'affichage en mode plein écran permet d'avoir simplement l'extrait littéraire sur une seule page présentant exactement la même structure qu'une page d'un codex. Les éléments externes au texte même, susceptibles de parasiter la lecture, sont très limités et d'une couleur neutre. Il n'y a donc plus d'images avec des couleurs plus ou moins vives, ni de menu externe, comme nous pouvons encore voir sur la figure 15. Cet agencement du texte par rapport à la page-écran produit, donc chez l'utilisateur, une lecture beaucoup plus immersive, qui s'apparente fortement à la lecture papier. En effet, le lecteur lit d'une manière linéaire. D'ailleurs, les numéros de ligne sont affichés à gauche, ce qui peut aider le lecteur à être plus concentré en ayant une vue rapide sur la longueur approximative du texte. Par contre, le lecteur ne peut pas être passif s'il veut lire l'ensemble de l'extrait, car

62

celui-ci n'apparaît pas entièrement sur l'écran. En fait, le lecteur doit s'aider de la souris pour faire défiler la suite. Cela induit donc qu'il est actif lors de la lecture.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery