WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le rôle que joue l'apprentissage du français dans le processus d'intégration des migrants en structures associatives

( Télécharger le fichier original )
par Shazia Nazir
Université d'Avignon - Master didactique du FLE/FLS et éducation interculturelle 2017
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1.2 Une histoire de représentations : « Vrai français » vs « mauvais français »

Il est d'abord essentiel de comprendre la notion de représentations sociales (RS) car elles sont générées et transmises par le discours, elles « enracinent le discours dans un contexte symbolique familier pour les deux participants classiques de la communication (Negura, 2006 : 5). Ainsi, il parait pertinent de comprendre que « Chaque énoncé peut alors devenir un indicateur des représentations sociales qui participent à sa constitution » (Ibid. : 5) car je serai amenée dans cadre de cette étude à les analyser au sein des discours de mes enquêtés. Les affirmations qualifiant la parole d'un locuteur de « bon » ou de « mauvais » m'amène également à m'orienter vers les représentations sociales qui circulent dans chaque individu et lui permet de se positionner.

Approcher les RS et leur fonctionnement est essentiel car elles permettent à un individu de se comprendre, de comprendre les autres et ainsi de pouvoir se comporter de manière adéquate en fonction de ces éléments de compréhension. Pour cela, l'individu crée et

29

absorbe des représentations qui lui permettent de se situer dans un espace constitué d'objets, de personnes, d'idées, etc. afin de « bien s'y ajuster, s'y conduire, le maîtriser physiquement ou intellectuellement, identifier et résoudre les problèmes qu'il pose » (Jodelet, 2003). Ces RS constituent « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social » (Ibid.). Il est difficile de parler de représentation individuelle et propre à un individu car la RS possède 2 versants : l'un étant cognitif et individuel car elle émane certes d'un individu et de sa perception du monde et l'autre étant social et collectif car elle dépend d'états sociaux et de la collectivité dans son intégrité ; les deux ne pouvant être séparés car imbriqués (Durkheim, 1898).

C'est grâce à ces représentations qu'un individu est capable de fonder des groupes, d'y adhérer ou pas, selon que ses représentations convergent ou pas avec celles du groupe fondant ainsi des identités collectives. Il est important de soulever pour mon étude que les RS ont permis à mes enquêtés de s'ajuster à une situation ou du moins à la représentation qu'ils se font d'une situation : ici celle de l'entretien. En effet, j'évoquerai dans mon analyse l'impact des RS sur mes enquêtés, sur leurs interlocuteurs, sur moi-même mais également l'impact de celles-ci sur mon recueil de données.

Comme je l'évoquerai dans mon analyse, ces RS sont pratiques car elles permettent

aux individus d'interpréter la réalité et de mieux appréhender l'autre. Elles possèdent une fonction régulatrice importante, en ce qu'elles régissent les relations entre les individus et leur environnement. Il est possible, par ailleurs de distinguer quatre fonctions essentielles de ces RS :

· Une fonction cognitive, qui permet aux individus d'intégrer, dans leur système de pensées, de nouvelles informations (auxquelles ils adhèrent) afin de mieux comprendre la réalité,

· Une fonction d'orientation, permettant aux personnes d'adopter des conduites et des comportements appropriés en fonction du contexte, ce qui engendre des attitudes, des opinions et des comportements (la RS possède notamment, un aspect prescriptif en ce qu'elle définit ce qui est licite, tolérable ou inacceptable),

· Une fonction identitaire, qui a pour but de situer les individus dans leur environnement et de définir une identité sociale et personnelle gratifiante,

· Une fonction justificatrice, qui permet de justifier telle ou telle pratique dans un contexte social donné (prises de position et comportement d'un groupe)

(Abric, 1994 : 188).

30

L'importante quantité d'informations (et par conséquent, de représentations sociales) que l'environnement transmet à un individu, le pousse à effectuer un tri parmi celles-ci. Ce tri l'amène à former des stéréotypes définis comme des « croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements, d'un groupe de personnes » (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1996 : 24). Les stéréotypes permettent une économie cognitive considérable en ce qu'elles représentent des outils de simplification de la réalité. Ils aident à mieux comprendre une réalité complexe, constituent un gain de temps essentiel au fonctionnement cognitif d'un individu, j'estime ainsi qu'ils ont :

« une fonction d'économie cognitive importante dans les activités de jugement et de perception dans la mesure où ils se résument à peu d'informations (quelques adjectifs le plus souvent) et que ces informations sont facilement accessibles » (Charron et alii., 2014 : 281).

Les RS et les stéréotypes relèvent tous deux d'une activité collective (mais dépendent aussi de l'expérience individuelle) et modèlent non seulement la connaissance que l'individu a du monde mais aussi les interactions sociales. Il convient cependant d'établir une distinction car « la représentation sociale désigne un « univers d'opinions », le stéréotype n'est selon lui que la cristallisation d'un élément ; il sert seulement d'indicateur » (Amossy et alii., 2011). Aussi, l'avantage qu'il est possible d'attribuer à la représentation sociale par rapport au stéréotype, est celui de ne pas être chargée de connotations négatives car en effet « le propre de la stéréotypie, c'est d'être grossière, brutale, rigide et de reposer sur une sorte d'essentialisme simpliste » (Maisonneuve, 1989 : 141).

En termes de transmission, les RS naissent, circulent et évoluent dans les rapports sociaux, elles sont façonnées par les interactions sociales (Billiez et Millet, 2001 : 33). Pour ce mémoire, je chercherai à comprendre le rôle joué par l'enseignement et l'apprentissage du français au sein du processus d'intégration de migrants et pour cela je serai amenée à prendre en compte leurs difficultés et blocages au sein de leur processus d'apprentissage. Certains apprenants sont affectés par ces RS car « certaines RS sont des obstacles, des voies de garage, voire des freins à l'apprentissage » (Py, 2004 : 15).

31

En conclusion, l'affirmation qui qualifierait le français de « bon » ou « vrai » se rattache à une représentation sociale du bon usage du français qui correspond au « maniement du français légitime, étiqueté comme le « bon » français » (Billiez, 1985 : 101) et qui est parlé par une classe « moyenne » ou « supérieure » : « Il est supposé pratiqué par les locuteurs ayant un statut social élevé, les autres variétés en étant dès lors regardées comme des déviances » (Gadet, 2003 : 18). Ce modèle normatif prônant un usage « correct » de la langue suppose un ensemble de pratiques linguistiques dominantes et légitimes. Par opposition, le « mauvais français » quant à lui correspondrait entre autres à « l`attitude qu'ont les francophones par rapport à la variation linguistique : tout ce qui n'est pas la langue standard est nécessairement mauvais » (Beaudoin-Bégin, 2011). Aussi, il est important de noter que ces représentations reposent sur la comparaison avec un français standard qui se confond bien souvent avec la langue parlée elle-même : « As probably the most highly standardized of European languages, the `French language' has come to be conventionnaly confused with that of standard language (SL) »8 (Twain, 2007 : 241). Ces représentations sociales permettent de mettre en évidence l'un des autres points essentiels de mon analyse : les représentations qu'ont mes enquêtés vis-à-vis de leur niveau de français et le lien qu'ils en font avec l'intégration.

J'ai pu montrer les rapports entretenus entre les notions de langue(s) et de pouvoir à travers des enjeux définis en termes de pratique du français et d'identité des locuteurs. La prochaine partie fera le lien entre les langue(s) et la notion d'intégration.

8 Considérée comme étant sûrement la langue européenne la plus standardisée, la « langue française » se confond de manière courante/conventionnelle avec la langue standard (SL) (Twain, 2007 : 241).

32

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo