1.3 Parler français : un facteur d'inclusion et
d'exclusion
Si les langues possèdent un pouvoir symbolique
permettant à un individu de se positionner et qu'elles agissent ainsi
sur sa façon d'être, je peux alors clairement faire un lien entre
les langues qu'il parle et son identité: « La langue fait
partie intégrante de notre identité et elle constitue un
élément majeur lors de tout échange culturel et
linguistique » (Tsokalidou, 2009 : 195). Ainsi, je peux
considérer que ses actes de parole sont des « acts of identity
» (Tabouret Keller, 1985). Il semble aujourd'hui important de
s'interroger sur ce parallèle récurrent effectué entre la
connaissance du français et l'intégration car en plus
d'être un enjeu didactique pour les formateurs, la connaissance du
français est devenue un enjeu sociétal et politique,
critère d'intégration pour les populations immigrées :
« de plus en plus souvent, c'est au nom de ce
critère de la connaissance du français que notre
société se propose de déterminer qui est apte
à émigrer en France, à y résider et
à en adopter la nationalité » (Biichlé, 2007 :
2).
Les langues dont dispose un locuteur ont une valeur
différente selon où il se trouve (géographiquement,
socialement, etc.) et selon comment il les utilise. Ainsi la valeur d'une
langue dépendrait de la compétence du locuteur à
l'utiliser, de son statut social et de l'endroit où il se
trouve/provient : « les linguistes ont raison de dire que toutes les
langues se valent linguistiquement ; ils ont tort de croire qu'elles se valent
socialement » (Bourdieu, 1977 : 23). C'est ainsi le locuteur qui
ferait de ses langues soit un outil d'inclusion soit un outil d'exclusion selon
sa compétence mais aussi selon le regard de ses interlocuteurs sur cette
utilisation effective :
« Les langues protègent ceux qui font
appartenance. Très vite, les autres, les hors sein, les
étrangers, les différents, sont mis en position d'exclusion,
quand ils ne doivent pas être détruits. La loi des plus forts par
la sélection naturelle a ici toute sa place » (Thiberge, 2012
: 75).
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La façon dont s'exprime un locuteur le positionne
vis-à-vis d'autrui et lui permet d'intégrer une identité,
une posture plus ou moins légitime qui l'intègre où
l'exclut d'un système dominé par des normes. Tout cela
fonctionnerait comme un marché où la parole aurait une valeur
prédéfinie :
« Toute situation linguistique fonctionne comme un
marché sur lequel le locuteur place ses produits et le produit qu'il
produit pour ce marché dépend de l'anticipation qu'il a des prix
que vont recevoir ses produits... » (Bourdieu, 1980 : 98).
Je remarque ici, la comparaison effectuée entre une
situation linguistique et le marché au sein duquel les discours seraient
des produits ayant une valeur plus ou moins différente selon l'acception
qu'un individu en fera et celle qu'autrui estimera. La solution que je pourrais
proposer à un apprenant en situation de migration serait alors de lui
permettre de comprendre la valeur de ses dires afin qu'il puisse ainsi
s'adapter en fonction de la situation. Tout cela implique, qu'apprendre une
langue passe alors aussi forcément et simultanément par
l'apprentissage de savoirs nous permettant de comprendre : « les
conditions d'acceptabilité de ce langage (Ibid. : 98) et
d'« apprendre en même temps que ce langage sera payant dans
telle ou telle situation » (Ibid. : 98). Ce travail
constituerait ainsi l'objet d'un apprentissage prenant en compte le contexte de
production des langues ce qui confirme qu'apprendre une langue est avant tout
un acte social.
La connaissance du français convoque un locuteur mais
aussi son interlocuteur à des places définies. Ces places sont
déterminées en fonction de leur niveau de français qui
sera synonyme d'inclusion ou d'exclusion au sein de la société
française. Ces notions que j'ai abordé dans cette partie, me
permette de mieux comprendre les positions de mes enquêtés sur
leur sentiment d'intégration en France et le lien qu'ils en font avec
leur niveau de français. Désormais, je vais m'intéresser
aux langues et à leur traitement au niveau institutionnel. J'approcherai
ainsi la notion de diglossie, et ce que cela implique pour l'apprenant de
FLE/FLS.
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