1.2 Ecarter pour mieux régner : langue vs langues
Il est important de relever que bien souvent lorsque l'on
retrouve la lexie « langue » au singulier, elle tend à effacer
la pluralité des usages et variétés linguistiques
existants, je constate alors qu'une force s'exerce dans le discours, et j'y
perçois des enjeux de pouvoir qui m'amènent à une
représentation de la langue supposée figée, se
référant à un modèle unique auquel l'on se devrait
d'adhérer, parfois avec violence « la langue, comme performance
de tout langage, n'est ni réactionnaire, ni progressiste ; elle est tout
simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire,
c'est d'obliger à dire » (Barthes, 1977 : 14). Ainsi,
la langue vue sous cette perspective monolithique serait vouée à
porter en elle de la violence car nécessairement au service d'un pouvoir
: « Dès qu'elle est proférée, fût-ce dans
l'intimité la plus profonde du sujet, la langue entre au service d'un
pouvoir » (Ibid.). Je souligne par-là, la force introduite
dans la dimension politique de la réflexion sur la langue : une langue
qui serait réduite à un espace clos qui oblige et impose :
« l'espace langagier est en ce sens un espace d'enfermement ou de
confinement » (Voisset-Veysseyre, 2013 : 8).
Une réflexion qui rejoint ainsi selon moi la thèse
saussurienne vue précédemment faisant de la langue un objet
idéalisé.
Il m'est possible d'y voir dans ce combat langue vs langues,
la prégnance d'une norme, principalement orientée vers
l'écrit en France (Gadet, 2003). Cette norme grammaticale donc, aura de
lourdes conséquences sur la norme subjective : celle des
représentations « qui, en dépit de sa variabilité
selon les individus, induit des attitudes et des comportements particuliers
parmi lesquels l'insécurité linguistique »
(Biichlé, 2011 : 14).
Enfin, dans tout rapport de force, il est possible de voir un
dominant et un dominé. Si je suppose que nous parlons tous la même
langue (une langue dominante), j'écarte et sous-estime alors les autres
langues ou usages effectifs de la langue dite (les langues dominées).
S'installe alors une hiérarchie dans les langues qui place le locuteur
dans un rapport de force avec autrui, ce qui en fait un facteur pouvant tout
autant l'intégrer s'il « maitrise » la langue dominante comme
l'exclure s'il n'a pas de « maitrise » suffisante de cette même
langue dominante qui comme je l'ai précédemment
énoncé répond à un certain nombre de normes
établies :
« les représentations communes,
incarnées par les langues, fonderont les identités qui
génèreront des groupes, lesquels ratifieront,
créeront ou changeront les formes linguistiques, générant
des représentations qui, si elles sont partagées,
fonderont des identités et ainsi de suite »
(Biichlé, 2017)
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C'est dans cette direction, que je propose de poursuivre avec
la partie suivante qui traite de l'usage de la langue comme facteur pouvant
tout autant inclure quelqu'un dans un groupe que l'écarter.
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