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Le rôle que joue l'apprentissage du français dans le processus d'intégration des migrants en structures associatives

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par Shazia Nazir
Université d'Avignon - Master didactique du FLE/FLS et éducation interculturelle 2017
  

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CONCLUSION

Ce travail arrivé désormais à sa fin, reste l'objet de préoccupations et de questions restées sans réponses. Il m'a en effet été impossible de me débarrasser de l'ensemble des interrogations survenues tout au long de ce périple où fusaient des interrogations scientifiques, personnelles et professionnelles, qui m'ont poussée à réfléchir de plus en plus et m'ont parfois écartée de mon raisonnement initial. J'ai très vite compris que faire un travail de recherche consiste aussi à savoir se remettre en question et ne pas toujours rester sur ses positions de départ. Je m'étais mise dans une position de défense vis-à-vis de ce que j'estimais être une adroite supercherie politique visant à nous faire croire que seule la langue pouvait aider un migrant à s'intégrer et ne m'étais pas rendue compte que la question devait se poser autrement. Ce qui me semblait être au départ une problématique tournée dans le bon sens : aborder l'apprentissage du français à travers l'optique de l'intégration des populations immigrées, a petit à petit été réorienté par les dires de mes enquêtés. Largement perçue comme une démarche sociale d'interaction vers l'autre, l'intégration ne semble pas se résoudre par l'apprentissage du français. Il aurait été plus pertinent d'aborder le rôle que joue l'intégration de ces publics dans leur processus d'apprentissage du français car il constitue un levier d'action plus important. Leurs parcours d'intégration soulèvent essentiellement des problèmes de reconnaissance sociale, une reconnaissance de l'autre au niveau professionnel, personnel et identitaire.

Je ne nie pas la prégnance de la représentation visant à surestimer la langue dans l'intégration des migrants et ce que cela implique sur les parcours d'apprentissage de mes enquêtés ni même la force par laquelle elle guide leur pratique au quotidien. Cependant, il me semble juste de ne pas oublier que la langue reste pour mes enquêtés une force d'action, elle représente un outil d'indépendance et d'autonomie, de conviction et de sociabilisation leur permettant d'accéder à l'intégration.

Au fur et à mesure que j'avançais, je me rendais compte à travers les énoncés de mes enquêtés, qu'ils étaient eux aussi victimes de cette représentation qui semble affecter non seulement leur identité en tant qu'individu mais aussi en tant qu'apprenant. Afin de mieux comprendre mes enquêtés, j'ai essayé de rentrer dans leur logique représentationnelle en me positionnant moi aussi comme une personne immigrant dans un pays étranger. Je me suis souvenue de mes expériences à l'étranger (et même en France) où le sentiment d'insécurité linguistique me pesait et m'empêcher de m'exprimer : cours de langues, rencontres avec des locuteurs allophones, voyages touristiques et familiales, etc. Ces expériences, loin d'être

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comparables à la situation de beaucoup de personnes immigrant en France car elles ont été entreprises dans un but parfois récréatif ou professionnel, ont contribué à remettre en cause mon identité. Nous avons tous eu (ou presque) un jour l'expérience de se retrouver l'étranger de quelqu'un et de se sentir démuni face à une langue qu'on ne maitrise pas ou très peu. La perte de statut qui va avec nous rend conscients que l'apprentissage de la langue du pays d'immigration est un facteur à prendre en compte dans la vie et l'intégration de ces personnes

car :

« apprendre à parler le français c'est comme refaire sa porte f...] une porte pour le monde entier, tu es libre, tu as ta liberté en main, c'est comme si tu venais de naitre f...] tu es né et tu voles, avant tu ne volais pas parce que tu ne parlais pas le français » (G40)

Si apprendre le français amène nécessairement l'apprenant à se définir en tant qu'individu, il semble alors important de préserver cette identité à travers les interactions qu'il a avec le monde extérieur (« face-work », Goffman, 1974). C'est en ce sens que je ne néglige pas l'importance et le rôle que joue la langue pour l'apprenant de FLE/FLS. C'est également dans cette direction qu'en tant qu'enseignant de FLE/FLS nous devons agir afin d'aider l'apprenant dans la construction d'une identité harmonieuse avec et par la langue. Cependant, il reste à prendre en compte que l'intégration est une démarche binaire, elle implique également la part que la société d'immigration offre au migrant afin de contribuer à la réussite de son processus d'intégration (De Pietro et Matthey, 2003 : 144). En effet, si cette partie ne considère pas la personne immigrant en tant qu'individu et locuteur à part entière de cette société, comment est-il possible pour elle de se faire une place ? : « Pour ma famille oui mais pour la France je sais pas, je sais pas si moi [...] je suis intégrée ou non parce que je parle pas bien » (K43).

Ne pas pouvoir s'exprimer dans un français « correct » représente une source d'inconfort pour les migrants qui ont tendance à s'isoler et ainsi à ne pas pratiquer la langue. S'engage ainsi tout une dynamique d'isolement et d'enfermement auprès de ces personnes. Le phénomène migratoire implique comme j'ai pu l'évoquer, des chamboulements considérables en termes d'identité mais aussi au niveau langagier. S'exprimer dans une langue c'est aussi exprimer une identité et si celle-ci n'est pas considérée, alors l'apprenant aura du mal à s'intégrer. La réponse à ma problématique à savoir : le rôle que joue l'apprentissage du français au sein du processus d'intégration des migrants en France, se trouve confrontée à des résultats mitigés. A première vue, les réponses de mes enquêtés ne m'ont pas menée vers une piste impliquant la langue comme facteur d'intégration, en effet, une majorité d'arguments se

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dirigeaient vers des savoir être et des savoir faire à mettre en pratique en société pour s'intégrer beaucoup plus que l'apprentissage du français. Par la suite, il s'est avéré qu'en reformulant mes questions et en les dirigeant précisément sur ma problématique, ceux-ci se soient retrouvés face à un paradoxe : celui de considérer la langue comme facteur premier d'intégration. Si au départ, je pensais confirmer le fait que la langue n'est pas ressenti comme un facteur d'intégration pour mes enquêtés, il me semble désormais impossible de l'affirmer. La transmission et le guidage vers la représentation langue = intégration me semble avoir été un facteur déclencheur dans ces réponses.

Je retiendrai alors pour étude qualitative limitée en termes de temps et de corpus, qu'il est difficile d'envisager un travail conséquent en tant que qu'étudiant car l'objet d'un tel travail nécessite un travail de fond et un recul qui survient parfois très tard dans le cheminement de notre recherche. Aussi, ces périodes d'observation et d'enquêtes m'ont fait réaliser l'importance d'instaurer une relation de confiance et d'apaisement en termes de communication avec nos apprenants. En effet, lors de mes entretiens, beaucoup d'apprenants se sont révélés être des personnes très à l'aise avec la langue une fois la pression normative amoindrie : pas d'évaluation ni de jugement de leur parole. J'ai pu voir des apprenants se révéler et interagir de manière aisée. Je pense que le cadre de la classe ne doit pas se réduire à un simple cours de français, il devrait être un échantillon de ce à quoi l'apprenant sera confronté mais aussi un lieu où sa parole devrait être prise en considération dans sa pluralité, j'estime qu'il représente une micro société devant agir comme un tremplin vers la société pour les migrants, une transition accompagnée et guidée par l'enseignant. Quoi qu'il en soit, je pense que les associations permettent cette transition de manière plus ou moins éclairée et que leur travail doit être reconnu, car souvent limités en termes de moyens, elles agissent bien souvent comme elles le peuvent et non comme elles le voudraient toujours.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote