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Le rôle que joue l'apprentissage du français dans le processus d'intégration des migrants en structures associatives

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par Shazia Nazir
Université d'Avignon - Master didactique du FLE/FLS et éducation interculturelle 2017
  

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1.4 La maîtrise de la langue comme facteur d'intégration : conséquences d'une représentation prégnante

J'ai pu justifier l'idée que la migration constitue le lieu du conflit identitaire et qu'il devient pesant pour le migrant de se confronter au poids des représentations qui lui sont assignées. La non maitrise de la langue du pays d'immigration peut également représenter une source d'angoisse et d'insécurité linguistique pour le migrant qui aura tendance à comparer son français à la norme d'un français imaginaire, un français enfermé dans une « idéologie uniformisatrice » (Blanchet et al., 2014 : 292). Mes enquêtés, en tant qu'apprenants, doivent se référer à une norme linguistique véhiculée par les institutions qu'ils fréquentent. Cette norme souvent idéalisée, par les formateurs de français eux même parfois, a tendance à écarter la parole des apprenants et à les mettre dans une situation d'insécurité linguistique où ils prennent conscience :

« d'une distance entre leur idiolecte (ou leur sociolecte) et une langue qu'ils reconnaissent comme légitime parce qu'elle est celle de la classe dominante, ou

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celle d'autres communautés où l'on parle un français « pur », non abâtardi par les interférences avec un autre idiome, ou encore celle de locuteurs fictifs détenteurs de LA norme véhiculée par l'institution scolaire » (Francard et al., 1993 : 13).

Il est d'autant plus important de désacraliser le standard de la langue pour les apprenants en situation de migration car il s'agit non seulement de locuteurs en situation d'apprentissage parfois débutants et n'ayant pas forcément conscience de ces normes mais aussi de certains apprenants provenant de pays francophones n'utilisant pas la même norme : « La « sacralisation » de ces formes standardisées est l'une des causes de l'insécurité linguistique des locuteurs qui usent d'autres variétés ou d'autres langues » (Blanchet et al., 2014 : 283). En effet, c'est pour cela que le processus d'apprentissage, bien que difficile pour certains, sera déterminant dans le processus d'intégration car il représentera l'un des vecteurs facilitant son intégration et son émancipation au sein de la société par son usage pratique et pourra lui permettre d'exprimer entre autres, ses angoisses : « La langue est à la fois une source d'angoisses très importante, mais apparaît aussi comme une voie (ou voix) permettant la résolution de ces angoisses » (Lhomme-Rigaud & Désir, 2005 : 89).

Après avoir interrogé mes enquêtés sur le rapport entretenu entre langue(s) et intégration et plus précisément entre apprentissage du français et intégration, il m'a paru intéressant d'aborder et d'envisager ce rapport sous l'angle de l'intégration linguistique perçu comme un processus « où les individus en situation de mobilité expriment, racontent comment la/les langue/s a/ont été un élément, une entrave, un objet de désir ou de rejet dans leurs processus d'intégration » (Calinon, 2013 : 27) et non pas comme un processus mettant en avant « le mythe du rôle primordial et suffisant de la langue dans les processus d'intégration » (Ibid. : 27) que l'on retrouve malheureusement bien souvent « dans les discours des politiques, dans les titres des médias, dans de multiples strates de la société et, parfois, chez les migrants eux-mêmes » (Biichlé, 2009 : 36).

L'idée d'intégrer les personnes uniquement par la langue est récurrente « C'est par elle que se fait l'intégration sociale et c'est par elle que se forge la symbolique identitaire » (Charaudeau, 2009 : 15). Je postule plutôt pour une reconnaissance des langues/des discours afin de traiter de la question de l'intégration car elles constituent une richesse pour le pays d'accueil si elles sont considérées comme telles. En effet, la langue en tant qu'unique facteur d'intégration pose problème car elle écarte la diversité des pratiques langagières existantes

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dont celles de mes enquêtés mais elle écarte aussi les autres facteurs permettant à un migrant de s'intégrer tels que les difficultés sociales d'accès au logement, à l'emploi, etc. : « La connaissance de la langue française ne suffit pas. Comme l'accès au logement, l'accès à l'emploi est au coeur des freins à l'intégration » (Candide in Archibald & Chiss, 2007 : 198).

Deux imaginaires sur la langue sont en jeu lorsqu'il est question d'intégration, le débat se pose sur la conception même de la langue (débat déjà soulevé plus tôt avec l'opposition langue et parole) : doit-on traiter de la langue ou du discours lorsqu'il s'agit d'intégration ? D'une part, il est envisagé que l'intégration passe par une langue qui soit le reflet unique et commun à l'ensemble des cultures présentes dans les territoires parlant cette langue :

« Une représentation unitaire de la langue qui est assez largement partagée dans différentes cultures. Elle dit que les individus s'identifient à une collectivité unique, grâce au miroir d'une langue commune que chacun tendrait à l'autre et dans laquelle tous se reconnaîtraient » (Charaudeau, 2009 : 14).

On voit par-là, le pouvoir accordé à la langue comme objet de cohésion sociale et la volonté derrière d'homogénéiser et d'effacer la diversité des pratiques langagières au sein d'une seule et même culture, d'une seule et même langue. D'autre part, il y a un deuxième point de vue qui considère que la langue ne peut être représentative de toute une culture, c'est pourquoi il faut plutôt parler de discours :

« la langue n'est pas le tout de la culture. [...] on peut se demander si c'est la langue qui a un rôle identitaire ou ce que l'on appelle le discours, c'est-à-dire l'usage que l'on fait de la langue [...].Contre une idée bien répandue, il faudrait dissocier langue et culture, et associer discours et culture (Charaudeau, 2009 : 15).

Enfin, j'entends par-là que la diversité des cultures et des discours présents au sein des territoires francophones n'est que le reflet de la diversité des apports et des parcours de chacun, ces langues témoignent des mouvements d'une culture et participe à son inévitable évolution.

La prise en compte des parcours de migration devrait permettre à l'enseignant de FLE/FLS de mieux comprendre ses apprenants et contribuer à personnaliser son

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enseignement. Selon moi, la maitrise du français ne constitue pas un élément décisif de l'intégration du migrant. Il est d'autant plus incompréhensible de valider cette doxa qui ne différencie aucun migrant de l'autre, car la diversité des parcours migratoires ne permet pas de raisonner de la même façon. Chaque parcours est différent, par exemple, il m'est impossible de raisonner de la même façon avec une personne ayant fuit son pays en guerre dans l'urgence et n'ayant fait aucun apprentissage du français qu'avec une personne ayant minutieusement préparé son départ et dont l'apprentissage du français a démarré à l'enfance. Entrent également en jeu, les différences entre les systèmes linguistiques des apprenants. Cependant, je peux comprendre que si l'on se focalise autant sur la langue comme moteur de l'intégration, il s'agit peut-être d'un moyen de se détourner d'autres problèmes : « le rôle majeur que l'on octroie à la langue dans le processus d'intégration ne masque-t-il pas d'autres problèmes ? » (Biichlé, 2007 : 245). Ainsi, si j'accepte que la langue constitue certes l'un des facteurs favorisant l'intégration d'un apprenant, alors il est bon de se demander comment faire pour apprendre une langue dans son contexte et ainsi faire entrer l'apprenant au sein de la démarche actionnelle préconisée par le CECR sans d'abord s'intégrer ? Selon moi, la véritable question est bien de savoir si ce n'est pas plutôt en commençant par favoriser l'intégration et donc les interactions qu'on favoriserait l'apprentissage de la langue. Le problème ne se poserait plus en termes de didactique du FLE/FLS uniquement mais impliquerait de comprendre quels sont les autres facteurs à prendre en compte pour améliorer l'intégration des migrants.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus