III-2 L'intégration
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1.1 Un processus continu et dynamique
La question de l'immigration désormais prise en compte,
il est maintenant question de l'intégration de ces migrants. En effet,
se pose désormais la question de la logique d'intégration
à adopter pour ces migrants mais aussi pour moi en tant
qu'enquêtrice et individu faisant partie de cette société
d'immigration.
Tout d'abord, je précise que le discours sur
l'intégration est un discours fondé dans la croyance (Laacher,
1992), il n'existe pas de définition fondée et prouvée sur
le sujet qui amène à un résultat mathématique : tel
comportement amène à telle intégration. Il s'agit
plutôt d'un ensemble de représentations sur le sujet. En effet :
« Tout ce qui touche à l'intégration relève avant
tout de la croyance, même si les discours qui la concernent se parent le
plus souvent de vertus scientifiques » (Sayad, 1994 : 8). Mon propos
ici n'est pas de mesurer l'intégration de mes enquêtés au
sein de la société française mais plutôt de
comprendre le rôle que joue le français (et ainsi son
apprentissage au sein des structures associatives) dans leur processus
d'intégration de ces derniers. Je vais d'abord m'attacher à
définir ce que j'entends par processus d'intégration et j'insiste
ici sur la notion de processus car l'intégration est un cheminement qui
n'a ni début ni fin : « C'est un processus continu
auquel on ne peut assigner ni commencement ni
aboutissement, un processus de tous les instants de la vie, de tous
les actes de l'existence » (Sayad, 1994 : 8). En effet, si ce
processus est difficilement perceptible car il est : « un processus
inconscient, quasi invisible de
socialisation, qui ne peut être uniquement le produit d'un volontarisme
politique de la société » (Sayad, 1994 : 8), il reste
cependant l'objet d'enjeux politiques visibles, que j'aborderai plus bas :
« l'intégration désigne en sociologie
un processus social quand, dans le débat public, il est à la fois
un objectif (les politiques d'intégration) et un
enjeu politique (la « crise du modèle d'intégration
») » (Tiberj, 2014 : 1).
Afin de positionner l'intégration, je tiens à
préciser qu'elle « s'oppose d'une part à toute forme
d'exclusion, de ségrégation ou de marginalisation mais
également, à toute forme de dissolution ou d'assimilation »
(Biichlé, 2007 : 175). Dans la notion d'intégration, il y a
l'idée d'accueillir un nouvel élément dans un
système qui rétroaction oblige, modifie ce système et
l'élément également :
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« l'élément intégré n'est
pas perçu comme devant être neutralisé, comme devant perdre
ses caractéristiques initiales, même si des transformations sont
supposées, dans le système intégratif comme dans
l'élément à intégrer »
(Tap in Manço, 1999 : 16).
Il existe 3 cas de figures à la suite de la migration dans
le pays que je peux positionner au sein d'un continuum incluant 3 pôles :
ségrégation ou marginalisation, intégration et
assimilation (Biichlé, 2009 : 36) :
A chacune de ces positions s'opèrent des pratiques
langagières différentes et des sociabilités diverses en
lien avec les représentations sociales et les choix identitaires de ces
migrants (Ibid. : 36). En ce qui concerne la première
extrémité : la ségrégation ou
marginalisation, elle correspond à une position d'exclusion
volontaire du migrant qui refuse tout contact avec la société, sa
langue, ses habitudes et qui « tend à se retrancher, ou
à être refoulé derrière une barrière,
à former un kyste, un ghetto, une tour d'ivoire » (Tap, 1988 :
12), ou subie par la société car elle peut résulter aussi
de l'exclusion de celle-ci, ce sont ainsi les dysfonctionnements de la
société et de ses normes qui empêchent l'intégration
des populations qui ne correspondent pas d'entrée ou plus assez,
à ces normes (Ravaud, 2000). Se retrouvent ainsi exclues du
système aussi bien les personnes rejetées de leur plein
gré, que celles qui n'y ont jamais eu accès car elles ne
rentraient pas dans le cadre des normes établies. A l'inverse, la
deuxième extrémité, l'assimilation, tend
à effacer tout ce qui fonde l'identité du pays d'origine du
migrant et l'amène à se fondre parfaitement dans les
caractéristiques du pays d'immigration, il s'agit d' « un
processus de convergence uniforme et unilatéral (straight line) des
caractéristiques des immigrés vers une sorte de
caractéristiques moyennes de la société d'accueil
(Mirna, 2011 : 151). Ainsi, le migrant existe au sein « d'un
corps unifié et central de la société d'accueil et c'est
dans ce noyau que l'assimilation s'opère » (Ibid. :
151). L'assimilation peut pour certains, à tort selon moi, se confondre
avec la notion d'intégration, elle est ainsi perçue comme
« un processus qui consiste idéalement, à passer de
l'altérité la plus radicale à l'identité la plus
totale (ou voulue comme telle) » (Sayad, 1994 : 8). Dans ces deux
extrêmes, il n'y a pas de confrontation entre les
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représentations et les langues du migrant et celles de
la société car il y a évitement des relations entretenues
avec le présent (le migrant marginalisé) ou le passé (le
migrant assimilé). En effet, il n'y a pas de position
intermédiaire comme l'intégration où des mélanges
s'opèrent entre l'identité du migrant et celle de la
société car l'un se positionne dans un rejet total de la
société (marginalisation) et l'autre se fond totalement à
l'intérieur avec le rejet de l'identité d'origine
(assimilation).
J'ai pu déterminer ce que j'entends par
intégration et ce que j'écarte, désormais j'aimerais
préciser que cette étude se dirige vers l'analyse des
représentations et des sentiments de mes enquêtés sur la
notion d'intégration. Je vais ainsi préciser dans la partie qui
suit la distinction qui s'opère entre les deux notions.
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