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Le rôle que joue l'apprentissage du français dans le processus d'intégration des migrants en structures associatives

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par Shazia Nazir
Université d'Avignon - Master didactique du FLE/FLS et éducation interculturelle 2017
  

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1.2 Origines et conséquences des représentations sur l'immigration

Les immigrés suscitent effectivement bien souvent des représentations péjoratives. Il m'a alors semblé pertinent d'essayer d'appréhender les raisons de ces considérations étant donné que cela concerne mes enquêtés et que je pense qu'il est important d'essayer de saisir, en amont, comment ils sont représentés pour mieux comprendre ce à quoi ils sont confrontés dans leur vie. Ainsi, cela me permettra notamment de mieux interpréter leurs réponses lors des entretiens effectués et tenter par là une analyse plus appropriée. Parmi les raisons retenues j'observe que le migrant dérange de par son statut même et que les qualificatifs ne manquent pas pour soulever son étrangéité :

« l'immigré est atopos, sans lieu, déplacé, inclassable [...] Déplacé, au sens d'incongru et d'importun, il suscite l'embarras; et la difficulté que l'on éprouve à le penser - jusque dans la science, qui reprend souvent, sans le savoir, les présupposés ou les omissions de la vision officielle - ne fait que reproduire l'embarras que crée son inexistence encombrante » (Bourdieu, 2006 : 13)9

La question qui se pose au sujet de ces représentations sur l'immigré/l'immigration n'est pas de savoir si tout cela est vrai ou faux car chacun choisit d'adhérer ou pas à une opinion comme évoqué dans la partie précédente, mais plutôt de savoir (de manière quelque peu utopique) comment il est possible de stopper de telles idées : « Comment empêcher que se propage le virus d'une métonymie désignant non l'immigration, mais l'immigré comme coupable ? » (Morice, 2011 : 6) car elles contribuent également à l'émergence de représentations péjoratives allant jusqu'à la stigmatisation des migrants qui « subiront une perte de statut et seront discriminés au point de faire partie d'un groupe particulier : il y aura « eux » qui auront une mauvaise réputation et « nous », les normaux » (Noiriel, 2007 : 684).

Une stigmatisation qui divise et amène à la création de deux groupes opposés, ce qui n'est pas sans me rappeler le « they code » et le « we code » (Gumperz, 1989) : une opposition entre « eux » (ce à quoi on ne s'identifie pas) et « nous » (ce à quoi on s'identifie). Les immigrés sont ainsi pointés du doigt par le groupe de référence « nous » (« notre identité », une identité nationale) représentant la norme du groupe majoritaire, et s'opposeraient par conséquent en s'inscrivant dans le groupe « eux » (« notre altérité »).

9 Préface du livre d'Abelmalek Sayad : L'immigration ou les paradoxes de l'altérité, tome 1 : L'illusion du provisoire (2006)

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J'insiste ici sur le fait qu'il s'agit d'une perspective réversible, en effet, la perspective que je viens d'évoquer pourrait très bien s'inverser et ainsi laisser place à la perspective des immigrés. On aurait alors un « we code » qui représenterait les immigrés, les étrangers en fonction de « tout ce qui définit l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes, tout l'impensé social par lequel ils se constituent comme "nous" » (Sayad, 1994 : 8) et un « they code » qui correspondrait aux autres : tous les Français.

L'ensemble de ces représentations placent les migrants et donc mes enquêtés par la même occasion, dans une position inconfortable dès leur arrivée, les laissant penser qu'ils ne sont pas les bienvenus. Si je prends en compte ce contexte représentationnel hostile, je peux déjà y voir l'un des freins potentiels à une intégration réussie.

Si je cherche à comprendre la provenance de ces représentations au sujet de l'immigré/l'immigration, j'estime d'une manière générale qu'elles prennent source dans « la « pensée d'Etat », base anthropologique sur laquelle reposent tous nos jugements sociaux » (Sayad, 1999 : 400), c'est ce qui fonderait ainsi nos représentations a priori et inciterait certaines personnes à croire que l'immigration porterait en elle-même des maux mais aussi les amèneraient à décupler la culpabilité qu'il leur est attribué en cas d'infraction effective commise ou d'actes conflictuels :

« Tout se passe comme si c'était l'immigration qui était en elle-même délinquance, délinquance, au regard de nos catégories de pensée qui, en la matière, sont, on ne le dira jamais assez, des catégories nationales » (Ibid. : 401).

Parallèlement les outils de diffusion de ces représentions péjoratives au sujet de l'immigration contribuent à élaborer la pensée commune certes mais aussi à la rendre de plus en plus accessible à un grand nombre d'individus. Les principaux moteurs de cette propagation sont représentés par les médias et les journaux : « les représentations négatives des immigrants ont été élaborées d'abord dans les rubriques sociale, politique et internationale des grands journaux » (Noiriel, 2007 : 685) mais aussi les « hebdomadaires, [...] actualités télévisées, bref [...] tous les organes d'information qui fabriquent aujourd'hui l'opinion » (Ibid. : 684). Je précise également que les biais par lesquels passent ces représentations ont une importance certaine car ils contribuent à donner une perspective conflictuelle et accrocheuse aux informations diffusées autour de l'immigration :

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« Ces phénomènes sociaux prennent une résonance particulière lorsqu'ils font l'objet d'un traitement politique ou médiatique : l'immigration s'y présente toujours comme un problème » (Rea & Tripier, 2003 : 3-4).

Je remarque que le sentiment d'insécurité crée par ces informations provient d'institutions auxquelles, il est souvent accordé du crédit : « les discours politiques et médiatiques sur l'immigration font des immigrés une cause d'insécurité » (Ibid. : 3-4). Ces informations circulent auprès de tous et sont censées refléter la réalité de l'immigration à partir des mots et des discours choisis et construits par les médias, cependant il est intéressant de se demander s'il ne s'agit pas plutôt d'une réalité construite visant à nous influencer dans une vision péjorative des immigrés. En effet, ne serait-il pas là plutôt une question de perspective que de réalité car :

« S'il est vrai que le langage reflète -- ou tente de refléter -- la réalité et l'interprétation que l'on donne de cette réalité, il est également vrai que ce même langage imprime un sens à la perception de la réalité qu'il interprète. Autrement dit, les mots ont un sens, et leur agencement dans le discours est censé faire sens » (Vianna, 2015 : 3).

Si j'ai pu constater que l'immigré dérange par son statut, je peux aussi comprendre que l'origine même du mot entraine des peurs de par la difficulté à le définir, se laissant ainsi en proie aux dérives politiques : « Chargé d'incertitude, le mot même d'immigration véhicule des peurs. C'est pourquoi il est si souvent objet de passion politique » (Rea & Tripier, 2003 : 4). Aussi, face à la masse inconsidérable d'informations à ce sujet il est difficile d'empêcher selon moi, la propagation de telles RS car comme je l'ai montré plus haut, elles permettent un gain de temps et facilitent la compréhension des phénomènes complexes qui entourent un individu. C'est pourquoi je ne tenterai pas de définition arrêtée de ce phénomène car l'objet de cette étude sera de traiter des représentations sociales de mes enquêtés sur leur intégration en France et le lien qu'ils en font avec leur apprentissage du français. Cependant, je prends en compte ce qui a été vu dans cette partie comme un lien à ma problématique car : « l'immigration est principalement une question nationale via la problématique de l'intégration » (Favell, 2010 : 44).

Dans cette partie, il m'a été possible de souligner l'un des premiers freins probables à l'intégration des immigrés : les barrières représentationnelles faisant de ces personnes des cas

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à problèmes d'emblée. Je m'intéresserai par la suite aux motifs de départ de ces personnes, ce qui me permettra de mieux comprendre les raisons qui les ont poussés à immigrer en France. C'est ce qui m'amènera également par la suite, à émettre des hypothèses sur les écarts dans leurs parcours d'apprentissage du français et me permettra de mieux appréhender leur motivation à s'intégrer.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard