INTRODUCTION
Ce travail vise à prendre en compte de manière
générale, l'enseignement et l'apprentissage du FLE/FLS
auprès d'un public d'adultes migrants dans les structures sociales
françaises. C'est particulièrement envers ce public d'apprenants
que je mènerai ma réflexion pour ce mémoire parce que :
« les caractéristiques de ces adultes migrants interrogent bien
évidemment la didactique de notre discipline »
(Barthélémy et al., 2011 : 111) et qu'à la
différence des apprenants qui choisissent d'apprendre le français
à l'étranger : « pour des raisons intellectuelles,
professionnelles ou touristiques, les migrants arrivent le plus
généralement contraints ou forcés (raisons familiales,
économiques, politiques...) »(Ibid. : 112).
Il s'agit de se demander au préalable comment est
envisagé aujourd'hui la formation linguistique envers ce type de public
particulier dont les motivations et attentes diffèrent d'un public FLE
que l'on retrouve dans les écoles et centres de formations de type
Alliances Françaises, Instituts Français, etc. Il est notamment
important j'estime, d'essayer de comprendre comment en tant qu'enseignants de
FLE/FLS nous sommes censés faire face à ces besoins
d'apprentissage spécifiques. Ce terrain particulier sera l'objet de mon
étude car il m'a paru important en tant qu'enseignante de FLE
débutante de me préparer aussi à enseigner dans ce type de
contexte.
Mon travail prendra plus précisément en compte
les apprenants des cours de FLE/FLS prodigués au sein d'une association
avignonnaise nommée Office de Gestion et d'Animation (OGA). L'objectif
de ce travail est de faire ressortir les représentations des apprenants
sur l'articulation entre langue(s) et intégration. Cette relation
quasiment automatique, est bien souvent guidée par une logique
politique. Elle sera ici envisagée directement du point de vue des
personnes concernées. Mon hypothèse est que la «
maîtrise » de la langue du pays d'immigration facilite
l'intégration d'un migrant mais qu'elle ne peut reposer que sur ce seul
facteur comme on le prétend souvent en politique :
« la question de l'intégration
- notamment linguistique - des migrants
est devenue dans un très grand nombre de pays européens
un enjeu des politiques publiques - il serait plus juste de dire : un
enjeu politique tout court » (Lochak, 2013 : 3).
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En effet, l'apprentissage de la langue du pays d'immigration
est souvent l'unique solution proposée pour l'intégration des
populations immigrées, ce qui semble par ailleurs soulever un paradoxe
entre la volonté de reconnaissance de la diversité culturelle et
le choix d'une langue commune : « le partage de la langue commune et
la reconnaissance de la diversité culturelle ont l'air de s'opposer
» (Archibald & Chiss, 2007 : 7). C'est ainsi que très
vite, nous basculons sur la question périlleuse et inévitable de
l' « identité française » et de ce qu'elle implique
pour les immigrés en termes de langue(s), de culture(s), etc. à
adopter :
« Dès lors, toutes les questions liées
à l'immigration retentissent sur la définition de l' «
identité française » en
général. En ce sens, un travail sur les dimensions
linguistiques, culturelles et éducatives de
l'intégration des immigrés [...] participe d'un
intérêt de connaissance qui importe au fonctionnement
global de la société française »
(Ibid. : 9).
Il m'a alors semblé pertinent d'envisager au sein de la
didactique du FLE/FLS, une démarche de réflexion dans ce sens. En
termes d'approche méthodologique, je pense qu'il est important de
s'interroger directement du point de vue des apprenants en situation de
migration en leur demandant ce que représente les langues qu'ils
pratiquent au quotidien pour eux ? Quelle relation entretiennent-ils avec le
français ?, s'agit-il de la seule clé d'intégration pour
eux ou existe-t-il d'autres moyens ? Si les réponses obtenues convergent
dans ce sens, alors qu'en est-il des apprenants migrants ayant un niveau de
maîtrise conséquent du français mais qui ne se sentent pas
intégrés ? Pourquoi ne se sentent-ils pas intégrés
malgré un niveau de français parfois équivalent à
celui d'un natif ? Que leur manque-t-il pour y arriver ? Si la question de
l'intégration est si présente dans ce mémoire, c'est tout
simplement que j'y ai été confrontée dès mon
arrivée sur le terrain. Ma problématique a été
guidée par le thème de l'intégration car il m'a
semblé être une préoccupation auprès des
associations offrant des cours de français.
J'ai constaté que l'objectif des acteurs au sein de ces
espaces associatifs (formateurs et apprenants) vise principalement à
permettre aux apprenants une intégration sociale (parfois d'urgence pour
les demandeurs d'asile et réfugiés) à travers la langue.
C'est pourquoi il m'a paru pertinent de m'intéresser à
l'enseignement du FLE/FLS dans cette perspective intégrationnelle. Ce
sera là l'occasion d'alimenter une didactique du français
orientée vers ces structures sociales françaises.
On oublie bien souvent qu'apprendre une langue, c'est aussi
apprendre à se construire et à s'identifier dans une langue, dans
une culture autre et à y trouver des repères en se
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questionnant sur sa propre identité, mais aussi
inévitablement sur celle de l'autre : « Quelle place
idéale, aurais-je avec cette langue autre ? On voit immédiatement
que cette question touche à l'identité mais inévitablement
à la constitution de l'altérité »
(Ibid.). Je souligne par là, tout l'intérêt
de m'intéresser à ces deux perspectives car la réussite du
processus d'intégration se fonde sur deux éléments
« deux acteurs, la société et le migrant, le
système et l'élément » (Biichlé,
2009).
Pour conclure cette introduction, justifier ma démarche
et la positionner au sein de la didactique du FLE/FLS, j'aimerais rappeler que
l'enseignement d'une langue passe inévitablement par la confrontation
avec la culture de l'autre : « car il n'est pas possible de
communiquer dans la vie quotidienne sans mettre en oeuvre la compétence
culturelle » (Kandeel, 2013 : 76), il n'est donc pas envisageable
d'évoquer la didactique d'une langue étrangère sans
aborder la didactique de sa culture (Zarate 1986). En parallèle de
l'aspect linguistique, je traiterai également de la
représentation de cette culture chez l'apprenant migrant. Cette prise en
compte de l'altérité nous amène à soulever la
démarche interculturelle préconisée par le CECR qui
précise que l'objectif essentiel de l'enseignement des langues consiste
à favoriser :
« le développement harmonieux
de la personnalité de l'apprenant et de son
identité en réponse à l'expérience
enrichissante de l'altérité en matière de
langue et de culture. Il revient aux enseignants et aux
apprenants eux-mêmes de construire une personnalité saine
et équilibrée « (Conseil de l'Europe, 2001 :
9).
L'enseignement/apprentissage du FLE/FLS parait ainsi
étroitement lié aux notions d'identité et
d`altérité d'après les recommandations du CECRL, nous
pouvons alors aisément permettre un travail d'analyse de ce rapport
à soi et à l'autre que sous-tend l'intégration, au sein de
la didactique du FLE car « dualism exists in the construction of
personal identity : the comparison of the Self to the Other, including both
friends and enemies »1 (Tap, 2001 : 2). J'envisagerai
ainsi un travail sur les représentations selon deux perspectives : le
migrant vis-à-vis de lui-même et le migrant vis-à-vis de sa
société d'accueil. Enfin, ce sont toutes ces
considérations qui m'ont amenée à m'interroger sur le
rôle que joue l'apprentissage du FLE/FLS dans le processus
d'intégration des apprenants adultes en situation de
migration.
1 Un dualisme existe dans la construction de
l'identité personnelle : la comparaison de soi à l'autre qui
inclut à la fois les amis et les ennemis (Tap, 2001 : 2)
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I- PARTIE THÉORIQUE
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