CONCLUSION :
Il ressort de cette étude que l'opération coup
d'accordéon, pose un dilemme juridico-économique. On a d'un
côté une opération sur le capital qui par
l'indivisibilité entre sa phase de réduction qui apure les pertes
de la société et sa phase d'augmentation qui la recapitalise
permet de faire efficacement face aux difficultés de l'entreprise.
L'attractivité de cette opération financièrement
cohérente s'accroit par la légitimité que lui accordent
les dispositions du droit des sociétés relatives à la
réduction et à l'augmentation du capital social ainsi qu'aux
seuils minimaux de capitaux propres et l'obligation de reconstituer les
capitaux propres. Ces dispositions sont en général très
similaires en France comme au Maroc, elles permettent et facilitent la
réalisation du coup d'accordéon. Les procédures du droit
des entreprises en difficulté marocain comme français qu'elles
soient amiables ou collectives sont elles aussi en général
perméables à ce type d'opération quoique a des
degrés différents.
Cela dit cette opération si séduisante, se
heurte aux droits des actionnaires notamment, dans un premier temps leurs droit
à ne pas voir leurs engagements augmentés et à ne pas
être exclus de la société, contre leur gré. Des
droits fondamentaux que les actionnaires chercheront à défendre,
ce qui fait planer la menace d'annulation de l'opération pour abus a ces
droits ainsi que dans les hypothèses d'abus de majorité dans
l'opération coup d'accordéon. De cette situation ressort un
conflit entre le potentiel de restructuration d'une entreprise en
difficulté de l'opération accordéon et les droits des
actionnaires.
L'analyse du cadre juridique et de la pratique de
l'opération accordéon en France et au Maroc Montre les forces et
les faiblesses de ces régimes quant à la possibilité de
mise en place de l'opération coup d'accordéon. On a d'un
côté un Cadre Français qui par sa riche jurisprudence
valide l'opération et consolide au fur et à mesure ses acquis en
la renforçant.
Ce renforcement de l'opération accordéon semble
s'inscrire dans le passage dans le droit français d'une conception
plutôt contractualiste de la société qui voit dans la
société «La chose des actionnaires» et donc
privilégiant leurs intérêts à une conception
plutôt institutionnaliste, plus large et privilégiant
l'intérêt de la société elle-même ainsi que
toutes ses parties prenantes.
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Cela dit la jurisprudence n'est pas sans faiblesses et
certaines décisions récentes posent des questions sur la
continuité de la favorabilité du juge français à
l'opération coup d'accordéon, ces questions sont plus
approfondies par un certain désillusionnement quant aux dispositions de
la loi Macron française. L'ordonnance 2021-1193 du 15 septembre 2021
transposant les dispositions de la directive «directive (UE) n°
2019/1023 du 20 juin 2019 sur la restructuration et
l'insolvabilité» amène quelques réponses aux carences
de la loi Macron, ceci sans la remplacer réellement mais en lui
superposant un système de restructuration propice a la mise en place de
plans pouvant prévoir des opérations comme le coup
d'accordéon contre le refus des actionnaires. Un système qui a le
défaut d'avoir une portée et une force obligatoire plutôt
réduite. Il faudra observer la manière dont se déroulera
la future confrontation de ce dispositif juridique encore jeune et «
révolutionnaire » à la réalité pratique et
comment les deux s'inter-influenceront. Mais il semblerait qu'en France et avec
la nouvelle ordonnance les graines d'un réel et radical changement de
paradigme en la matière viennent d'être semées.
Au Maroc, la jurisprudence relative à
l'opération coup d'accordéon est absente, et le cadre juridique
encadrant la matière que ce soit au niveau du droit des
sociétés ou du droit des entreprises en difficulté semble
quoique très similaire a son homologue français toujours
être a quelques pas en arrière. Ce qui peut être lié
a l'économie relativement jeune et croissante du Maroc. Ceci a
demandé, afin de subvenir à cette carence, de réaliser une
étude de la pratique de l'opération coup d'accordéon dans
le monde des affaires marocain ainsi que de certaines décisions de
justice relatives à des opérations sur le capital mais non
spécifiques au coup d'accordéon. L'analyse de ces deux
régimes donne une perception d'un cadre juridique hospitalier à
l'opération accordéon.
Cela dit, l'absence de jurisprudence laisse une
obscurité et une imprévisibilité qui, jumelée
à certains éléments de droit commun marocain
représente une faiblesse dans le régime relatif à la mise
en place de l'opération coup d'accordéon ,comparé à
son homologue français.
Une faiblesse est néanmoins commune aux régimes
français et marocain, L'absence de règles spécifiques
à l'opération coup d'accordéon. Dans ces deux droits de
tradition civiliste ceci pose des problèmes de sécurité
juridique pouvant affecter l'attractivité du milieu des affaires
Français comme marocain ainsi que pour la prise en compte des
spécificités d'une telle
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opération et de la possibilité de son
perfectionnement afin de répondre aux besoins du monde des affaires.
Cela dit l'étude de l'opération coup
d'accordéon et notamment de sa cohérence financière et de
sa pertinence nécessiterait un travail qui dépasse la
sphère du juridique. Une étude de l'impact économique
d'une telle opération afin de mieux cerner ses enjeux et de lui accorder
un encadrement juridique adéquat. Il convient aussi de soulever que
malgré des différences présentes entre le cadre juridique
entourant l'opération coup d'accordéon en France et au Maroc les
deux restent similaires sur les généralités, il serait
judicieux dans une future étude de comparer la restructuration par coup
d'accordéon en France ou au Maroc a un droit différent dans sa
conception du traitement des difficultés de l'entreprise comme le droit
américain qui lui est beaucoup plus rigoureux envers
l'associé.
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