B - Difficultés renvoyant à l'environnement
du couple
107. Au delà des croyances religieuses propres, c'est
à travers la religion que le groupe a trouvé le moyen de
manifester sa désapprobation, si ce n'est davantage. B. Laffort parle de
« prégnance du groupe social ». Cette prégnance est
d'autant plus forte que le conjoint étranger, affaibli par la distance
qui le sépare de sa famille, sentira constamment le besoin de recueillir
leur approbation. Les conjoints sont (ou pensent être) prisonniers du
« qu'en dira-t-on » de la famille élargie qui est
restée au pays .
108. Les sociologues insistent sur l'importance du groupe
social aux yeux du conjoint Maghrébin. J. Streiff-Fénart souligne
qu' : « en immigration, le mariage mixte signale un tout autre danger
: celui de la perte d'identité ou d'intégrité du groupe
par assimilation culturelle à la société d'accueil. Cette
menace passe cette fois beaucoup plus par les femmes que par les hommes ; d'une
part parce qu'elles jouent, à travers la fonction éducative, un
rôle central dans la transmission des valeurs ; d'autre part parce
qu'elles sont, comme Andrée Michel l'a montré, les plus promptes
à adopter les valeurs familiales de la société
française »86. Pour les épouses
maghrébines, le mariage mixte est de façon quasi
systématique la cause des ruptures familiales, parfois
irréversibles. Plus encore que cela, il est, vu par la
société d'origine, comme le signe de la trahison sociale et du
reniement religieux. Cette interdiction, au delà de la (faussement
démontrée) interdiction religieuse, serait un moyen pour le
groupe d'assurer et de conserver sa cohésion menacée. Certaines
réactions émanant de l'entourage peuvent être tellement
opposées qu'elles entraînent des attitudes extrémistes. Le
film de Gérard Blain, « Pierre et Djamila », raconte
ce drame de la rencontre amoureuse interculturelle qui s'oppose aux
règles de chaque groupe.
109. La religion n'est ainsi qu'un prétexte pour
traduire un malaise plus profond, lié à des sentiments où
se mêlent la « perte d'identité » à des rejets
plus intériorisés. Ces sentiments intériorisés sont
évidemment rattachés à la période coloniale et plus
généralement, aux tensions politiques existant entre les deux
groupes Orient/Occident.
110. Les tensions viennent donc non seulement de
l'environnement proche (la famille), mais aussi de l'environnement le plus
lointain (la société globale). Comme le souligne B. Laffort, les
premiers couples mixtes Franco-Maghrébins auront à porter un
héritage
85 Études publiées à la Revue « Double
Mixte », citées par B. Laffort, préc., page 22.
86J. Streiff-Fénart, cité par B. Laffort,
préc., page 30.
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lourd d'histoire, où se mêle le passé
colonial de la France et la guerre d'Algérie dans toute sa
complexité. Mais ceux d'aujourd'hui (de la deuxième
génération) ne seront pas épargnés pour autant : le
conflit au Proche-Orient, la montée du communautarisme en France, la
discrimination de la religion musulmane qui a franchi un pas
supplémentaire avec les événements du 11 septembre 2001
aux États-Unis, sont autant de sujets susceptibles de rejaillir un jour
ou l'autre sur leur couple.
111. Nous ajouterons à ce constat le rôle
joué par les médias dans l'exagération des tensions entre
l'Orient et l'Occident.
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