B - Le droit de visite et d'hébergement
235. L'article 373-2-1 alinéa 2 du Code civil dispose
que : « L'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut
être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves
». Par ailleurs, la gravité des motifs invoqués doit
être souverainement appréciée par les juges. La Cour de
cassation a ainsi confirmé la suspension du droit de visite et
d'hébergement du père « en raison des pressions morales
et psychologiques liées à ses convictions religieuses - exigence
du port du voile islamique -, sans qu'il y ait là atteinte à
l'article 9 Conv EDH »133.
236. Le contentieux de la circoncision et du droit de visite
et d'hébergement regroupe sept décisions de justice (Civ
1ère 26 janvier 1994* ; CA Metz 11 mars 1997* ; CA Paris 13
janvier 2000* ; CA Orléans 14 mars 2006* ; CA Riom 17 avril 2007* ; CA
Lyon 7 mai 2009* ; CA Versailles 17 septembre 2009*).
237. Il convient de citer d'emblée la solution
dégagée par la Cour d'appel de Lyon, le 7 mai 2009*, afin de
l'isoler par la suite : « Le droit de visite et d'hébergement
usuel du père doit être maintenu, aucun élément ne
s'y opposant. Le fait que le père ait pris la décision de faire
circoncire l'enfant cadet révèle certes une difficulté
tenant au respect de l'autorité parentale conjointe, mais il convient de
relever que la mère ne s'était pas opposée à la
circoncision de l'aîné ». La solution est claire : le
fait pour un parent de profiter de son droit de visite et d'hébergement,
pour faire circoncire l'enfant à l'insu de l'autre parent, ne permet pas
à lui seul de réduire lesdits droits.
238. Mais cette solution est isolée dans le
contentieux. Les six autres décisions rendues ne permettent pas de la
confirmer, ou de dégager un principe jurisprudentiel. En effet, une
partie de ces autres décisions semblent être des décisions
d'espèce. Le grief de circoncision est noyé au milieu d'autres
griefs (1). Dans la seconde partie de ces décisions, le grief de
circoncision n'est pas noyé, mais l'intervention ne s'est pas
déroulée dans des conditions « normales », et a
donné lieu à des complications (2).
1. Le contentieux noyé
239. Dans un arrêt rendu en date du 11 mars 1997*, la
Cour d'appel de Metz a jugé qu' « il n'y a pas lieu de priver
d'un droit de visite et d'hébergement, dans des conditions normales, le
père de double nationalité française et marocaine,
enseignant dépendant du ministère de l'éducation
nationale, dès lors que rien ne permet d'affirmer qu'il a l'intention de
résider au Maroc, et d'y emmener définitivement l'enfant et cela
bien qu'il ait violé l'interdiction judiciaire d'emmener l'enfant au
Maroc et de le faire circoncire. Il n'y a en outre pas lieu de le contraindre
à déposer ses passeports ainsi qu'un cautionnement lorsqu'il
exerce le droit de visite et d'hébergement, de telles mesures
étant contraires à la liberté d'aller et de venir. De plus
il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir
133 Civ 1ère 24 octobre 2000, Bull. civ. I, n° 262
; RDSS 2001.151, obs. F. Monéger ; RTD civ. 2001. 126,obs, Hauser.
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des relations avec ses deux familles et on ne peut
reprocher au père la pratique de sa religion. Il convient dès
lors de supprimer l'interdiction faite au père d'emmener son fils
à l'étranger ». Dans cette affaire, la demande de la
mère tendant à priver le père de son droit de visite et
d'hébergement, en se fondant sur la circoncision non
désirée de l'enfant, est intimement liée à une
crainte d'enlèvement de l'enfant au Maroc.
240. Dans une deuxième affaire, la Cour d'appel de
Paris a accueilli la demande de la mère tendant à maintenir la
limitation du droit de visite et d'hébergement du père. Mais
cette décision semble plus fondée sur la mauvaise situation
financière du père, que sur la circoncision litigieuse : «
Bien que l'enfant ait été heureux de voir son père,
dont le droit d'hébergement a été supprimé en
raison de la circoncision de l'enfant à l'insu de la mère sans
raison médicales, le droit de visite demeure limité à deux
après-midi par mois dans le cadre d'une association compte tenu d'une
situation matérielle des plus incertaines notamment en ce qui concerne
son logement » (CA Paris 13 janvier 2000*).
241. Dans la troisième affaire, la Cour d'appel de
Riom a « refusé pour motifs graves » le droit de
visite et d'hébergement demandé par le père. A nouveau, la
cour ne semble pas s'appuyer sur la conflit autour de la circoncision de
l'enfant. La motivation des juges semble surtout porter sur les poursuites
pénales à l'encontre du père :« Doit être
refusé pour motifs graves le droit de visite et d'hébergement
demandé par un père dès lors qu'il apparaît des
pièces de la procédure que ce dernier, mis en examen du chef de
viol aggravé et d'agressions sexuelles sur mineur, présente des
troubles de la sexualité, à la limite de la pédophilie. Le
respect de la présomption d'innocence ne doit pas faire échec
à l'intérêt supérieur de jeunes enfants qui se
trouveraient seuls avec ce dernier pendant l'exercice des droits
demandés » (CA Riom 17 avril 2007*).
242. Enfin, dans la dernière affaire, la Cour d'appel
de Versailles décide de maintenir en l'état les modalités
d'exercice du droit de visite et d'hébergement du père,
malgré le fait qu'il ait pris unilatéralement la décision
de faire circoncire l'enfant en Algérie. Mais cette solution est surtout
motivée par la volonté de renforcer les rapports existant entre
le père et son fils, en récente amélioration (CA
Versailles 17 septembre 2009*).
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