II - Le contentieux de l'exercice de l'autorité
parentale
225. Le grief de circoncision peut être invoqué
par le demandeur en appui de trois séries de demandes, ayant attrait aux
modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il s'agit de
demandes en changement de la résidence habituelle de l'enfant ; en
modification du droit de visite et d'hébergement de l'autre parent et
d'interdiction de sortie du territoire avec l'enfant sans l'accord des deux
parent.
226. En réponse à la demande de changement de
résidence habituelle de l'enfant, les juges donnent peu d'importance au
grief de circoncision et refusent de modifier les mesures prises par le juge
aux affaires familiales (A). La même indifférence est
constatée en matière de sortie du territoire (C). Mais il semble
que ce grief soit très influent sur les droits de visite et
d'hébergement du défendeur (B).
A - La résidence habituelle de l'enfant
227. En application de l'article 373-2-1 du Code civil, la
jurisprudence considère que : « La résidence de l'enfant
est déterminée par le juge aux affaires familiales qui
apprécie souverainement les éléments versés au
débat, les résultats de l'enquête sociale
contradictoirement débattus, au regard de la stabilité de la
situation des parents, de l'équilibre actuel de l'enfant et de la
nécessité de ne pas modifier une nouvelle fois les conditions de
vie de l'enfant »130.
228. Les arguments tirés de la pratique religieuse ne
sont pas toujours considérés
129Sociologie judiciaire du divorce, préc.,
page 73.
130Civ 1ère, 6 février 2008 , AJ fam.
2008. 208, obs. F. C.
59
comme pertinents par le juge. Le contentieux des «
Témoins de Jéhovah » atteste de la fluctuation des
décisions. A ainsi été approuvée « la
modification, par la cour d'appel, de la résidence habituelle de
l'enfant, qu'elle fixe chez le père en raison des convictions
religieuses de la mère, Témoin de
Jéhovah»131. Dans un sens contraire, il a
été jugé que : « l'arrêt de la cour
d'appel, fondé sur une appréciation générale et
abstraite de la situation résultant de l'appartenance de la mère
aux Témoins de Jéhovah, caractérise une différence
de traitement discriminatoire entre les deux parents et constitue une atteinte
au droit de la mère au respect de sa vie familiale
»132.
229. Contrairement à certains griefs portant sur la
pratique religieuse (comme celle des « Témoins de Jéhovah
»), le juge semble peu préoccupé par le grief de
circoncision, lorsqu'il statue sur la résidence habituelle de l'enfant.
Il préfère en effet ignorer ce grief et maintenir les mesures
prises par le juge aux affaires familiales (maintenir le statu quo).
Les totalité des décisions statuant sur la résidence de
l'enfant vont dans ce sens du maintient du statu quo (CA Paris 24
février 2000* ; CA Toulouse 5 mars 2009* ; CA Versailles 10 juin 2010* ;
CA Lyon 28 septembre 2009*). Ainsi, le parent hébergeant continuera a
faire résider l'enfant chez lui, alors même qu'il l'a circoncis
sans en aviser l'autre parent.
230. Mais les motivations judiciaires divergent d'une cour
d'appel à l'autre. Ainsi, la cour d'appel de Paris déboute le
père de sa demande de fixation de la résidence de l'enfant chez
lui, en énonçant qu' « il est établi que
l'opération chirurgicale subie par l'enfant à son insu
était sans gravité (...) et que le père en a
été informé a posteriori » (CA Paris 24
février 2000*).
231. La cour d'appel de Toulouse ignore le grief de circoncision
et juge que « la nécessité de maintenir une
stabilité récemment acquise conduisent à la
nécessité, dans l'intérêt de l'enfant, de maintenir
sa résidence habituelle au domicile de la mère » (CA
Toulouse 5 mars 2009*).
232. La cour d'appel de Versailles prend d'abord le soin de
rappeler que « le lieu de résidence habituelle de l'enfant doit
être apprécié au seul vu de l'intérêt de
l'enfant, âgé de 6 ans et demi ». Elle juge ensuite que
« la circoncision effectuée malgré (le désaccord
du père) ne justifie pas davantage, à elle seule, dans le
contexte précédemment évoqué, de changement de
résidence de l'enfant, étant précisé qu'il incombe
à la mère de ne pas renouveler à l'avenir ce type
d'initiative, constitutive d'une atteinte aux droits de l'autre parent
» (CA Versailles 10 juin 2010*).
233. Enfin, l'arrêt, un peu à part, rendu par la
Cour d'appel de Lyon, confirme la décision du juge de première
instance, alors même que ce dernier s'était fondée sur le
grief de circoncision (la mère a ordonné l'intervention sans
l'accord du père) pour fixer la résidence habituelle de l'enfant
au domicile du père (CA Lyon 28 septembre 2009*).
234. Par conséquent, que la circoncision fautive ait
été prise en compte ou non en pre-
131Civ 2ème, 13 juillet 2000, RJPF 2000,
10/33, note Valory ; RTD civ. 2000. 833, obs. Hauser ; et CEDH 29 novembre
2007, Req. N° 37614/02 D. 2008. 2843, note Muzny.
132CEDH 16 décembre 2003 Req. N° 64927/01
: D. 2004. 1261, note F. Boulanger.
60
mière instance, pour statuer sur la résidence
habituelle de l'enfant, il apparaît que le juge d'appel tient à
respecter, en tout état de cause, l'appréciation souveraine du
juge aux affaires familiales.
|