Partie II- La résolution judiciaire des
litiges
130. De la confrontation entre la difficulté pratique
à s'accorder sur la circoncision de l'enfant et l'obligation
légale de trouver un terrain d'entente, vont naître des conflits.
Une typologie du contentieux permet de dégager les différentes
manifestations de ces conflits.
131. Le choix a été fait de diviser le
contentieux en deux grandes catégories , fonction de la
réalisation ou non de l'événement litigieux (la
circoncision de l'enfant). Les actions engagées avant la circoncision de
l'enfant seront qualifiées d'actions « préventives ».
On parlera aussi de conflits ou de litiges préventifs. Les actions
engagées après la circoncision de l'enfant seront
qualifiées d'actions « rétrospectives ». On parlera
aussi de conflits ou de litiges rétrospectifs.
132. Force est de constater que les solutions
apportées par les juges depuis plus de 40 ans sont, à certains
égards, insuffisantes, parfois même inadéquates, que ce
soit en réponse aux litiges préventifs (chapitre I), ou
rétrospectifs (chapitre II).
Chapitre I - La résolution des litiges
préventifs
133. Ces décisions représentent environ 45% du
contentieux. Elles attestent de l'angoisse que peut engendrer le choc culturel
entre les parents. L'analyse de ce contentieux est d'autant plus enrichissante
qu'elle renseigne sur les actions ouvertes au parent opposé à la
circoncision de l'enfant, mais subissant des pressions ou des menaces de la
part de l'autre parent favorable à la circoncision ; ou encore sur
l'impact que peut avoir une simple crainte exprimée par un parent, sur
les droits de l'autre.
134. Les demandes visées peuvent être
regroupées en deux catégories : 1/ Demande d'autorisation ou
d'interdiction de faire pratiquer la circoncision. Il est alors demandé
au juge de prendre directement position sur la question de la circoncision. 2/
Demande de modification des modalités d'exercice de l'autorisation
parentale, afin d'empêcher indirectement une circoncision de l'enfant non
voulue par l'un des parents.
135. En réponse à la première
série de demandes, les juges paraissent mal à l'aise et
s'abstiennent de trancher le litige (section I). La réponse à la
seconde série trahit, quant à elle, une grande
imprévisibilité de la règle de droit (section II).
Section I - Les contentieux de l'autorisation et de
l'interdiction de faire circoncire l'enfant
136. Un époux saisi le juge, en vue soit de faire
interdire à l'autre parent de faire circoncire l'enfant, soit d'obtenir
l'autorisation de prendre seul la décision de le faire
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circoncire. Le juge devra alors trancher le litige afin de
sortir la famille de l'impasse dans laquelle elle se trouve, tout en respectant
l'autonomie familiale et la liberté de culte (c'est-à-dire sans
porter de jugement sur les convictions religieuses des parents).
137. Les solutions jurisprudentielles sont rendues en
interprétation de l'article 371-1 du Code civil. Cet article,
combiné aux conventions internationales, impose aux parents comme au
juge de rechercher l'intérêt de l'enfant dans toute
décision le concernant. Mais les juges se contentent de rappeler les
règles de l'autorité parentale (I), sans s'interroger sur ce
qu'exige réellement l'intérêt de l'enfant . Cette carence,
en contradiction avec les textes législatifs, est critiquable (II).
I - Une jurisprudence exclusivement fondée sur les
règles de l'autorité
parentale
138. Les juges du fond, en réponse aux demandes
préventives, se bornent à énoncer que l'enfant ne pourra
être circoncis sans l'accord de ses deux parents. En se réfugiant
ainsi derrière les règles de l'autorité parentale (A), ils
ne tranchent pas le litige qui leur est soumis (B).
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