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Impact d'une sensibilisation à  la communication non-verbale, la gestuelle et la gestion des agencements didactiques dans la formation des enseignants débutants de Français Langue Etrangère

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par Sarah Maillard
Le Mans Université - Didactique des Langues, Politique Linguistique et TICE  2016
  

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B. Les gestes dans l'enseignement

Ayant abordé les principes de la communication et leur lien avec l'enseignement, il semble important, avant d'entrer dans le détail de la gestuelle, de définir les termes enseigner, transmettre, former... utilisés dans ce mémoire comme mot-valise. Nous nous reposerons ici sur les théories du behaviorisme, du constructivisme et du socioconstructivisme : enseigner, c'est à la fois transmettre des connaissances et accompagner les apprenants durant le processus d'acquisition et de construction de ces connaissances. Les actes « enseignement » et « apprentissage » sont pensés conjointement tout au long de ce mémoire.

Un accent plus important est mis sur la perception de l'apprentissage tel que défini par Vygotski (1976) et Bruner (1996), dans le sens où la culture a une grande place dans l'enseignement : la culture forme l'esprit. Par ailleurs, le développement va du social à l'individuel : l'interaction semble donc importante pour le développement personnel. Dans cette perspective, la communication est fondamentale, et le rôle de l'enseignant est changeant.

La communication dans la salle de classe ne passe pas uniquement par le vecteur de la voix, comme nous l'avons évoqué précédemment : les gestes de l'enseignant sont tout aussi importants que ses mots. Et, tout comme les mots que l'on peut catégoriser, selon des classes grammaticales, des fonctions... des chercheurs (Birdwhistell (1952, 1970), Tellier & Stam (2002), Ekman (1971, 2004)) se sont efforcés de catégoriser ses gestes. La partie suivante tentera de présenter ces catégorisations, et leur emploi dans l'enseignement, dans le contexte de la salle de classe.

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1. Catégorisation des gestes

a) L'analyse Kinétique

Dès les années 50, l'anthropologue américain Birdwhistell est intéressé par l'étude de la façon dont les gens communiquent par les gestes, la posture et les mouvements. Dans son ouvrage de 1970, Kinesics and Context: Essays on Body Motion Communication, reprenant les idées de ses premiers travaux parus en 1952, Introduction to Kinesics: An Annotation System for Analysis of Body Motion and Gesture, il avance ainsi l'idée que « body motion is a learned form of communication, which is patterned within a culture and which can be broken down into an ordered system of isolable elements» (introduction, p. XI). Si le concept de communication par le corps est un sujet connu du grand public dès la fin des années 60, il aura fallu pour y parvenir que Birdwhistell réalise un gros travail d'analyse de vidéos et de photos de personnes en contexte social - c'est à dire en situation d'interaction - et d'analyse de leurs mouvements afin de mettre en avant des éléments de communication habituellement peu clairs. Il avance ainsi l'idée que tous les mouvements sont « porteurs de sens » et que le comportement non-verbal peut s'analyser comme la grammaire.

Dans la décomposition des gestes proposée par Birdwhistell, qui a pour but la création d'un système de gestes, la plus petite unité possible est le kinème (qui rappelle ainsi le morphème en linguistique). Les variations d'un kinème sont appelées allokines et kines . Ces variations sont de l'ordre de l'intensité, de la fréquence, de l'étendue ou de la durée du geste. Mais ces structures plus complexes existent : on retrouve ensuite, toujours en parallèle avec la linguistique, le kinémorphème (qui rappelle ainsi le morphème), puis les constructions kino-morphiques plus complexes. Les kinèmes forment la classe d'analyse microkinésique, et les secondes strates, la classe d'analyse macrokinésique. Je propose ainsi le schéma ci-dessous afin de pouvoir visualiser cette classification.

Figure 3. Schéma de la classification des kinèmes

Bien que Birdwhistell précise que les geste sont issus de schéma culturel (« which is patterned within a culture » p.XII), il est à noter que ce système de gestes ne prend pas en compte des facteurs d'universalité dans le geste (geste qui serait propre à toutes les cultures). Ce sont les travaux de Paul Ekman, qui travaille sur le lien entre les émotions et les expressions du visage, qui amènent l'idée de l'universalité du geste (1971, 2004), notamment en se référant aux expressions du visage (les froncements de sourcils...), mais ces travaux sont peu concluants.

De fait, le lien entre geste et milieu culturel spécifique apparaît de nombreuses fois dans les travaux de Birdwhistell. Il évoque ainsi le fait que les les gestes - ou morphes - sont liés au contexte (nous reviendrons sur cette notion de contexte avec Hall, 1966) : on les emploie rarement isolément. De plus, ils sont caractérisés par leur facilité à être mémorisé facilement, ce qui induit une transmission facilitée dans un milieu donné. Ainsi, la configuration de ces morphes semble être liée à un contexte spécifique, culturellement chargés, où les liens entre les émetteurs / récepteurs doivent être pris en compte.

b) Typologie des gestes

En 1992, McNeill propose une typologie de ces gestes, où il statue que « gestures and language are one system » (p.2) inspirée des travaux de Kendon (1972, 1980, 2000, 2004),

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dans lesquels il fait la découverte du lien essentiel entre le discours parlé et les mouvements. L'intérêt de McNeill est dans la classification, l'organisation, et non dans la découverte.

Kendon définit le concept de gestes porteurs de sens comme un continuum ou spectre, allant de la gesticulation (« gesticulations » en anglais) à la langue des signes (« sign language »), puis de la gestuelle (« language like gesture »), de la pantomime (« pantomime ») et enfin de l'emblème (« emblem »). Cette classification fera cas d'école (McNeill, 1992, 2000, 2005 ; Singleton et all, 1995). Ces gestes peuvent s'analyser selon quatre axes de continuum, apportés de la manière suivante (Kendon, 2004, Boutet, 2010) :

1) un axe de relation à la parole (présence obligatoire ? absence obligatoire) où l'on voit décroître la présence de la parole plus l'on se rapproche de la langue signée ;

2) un axe de relation aux propriétés linguistiques (absence ? présence) où l'on observe l'apparition de propriétés linguistiques plus l'on se rapproche de la langue signée, puisqu'elle est pourvue d'une structure définie de manière conventionnelle ;

3) un axe de relation à la convention. Cette notion de convention est plus présente dans la langue des signes ;

4) un axe de relation à la sémiose, c'est à dire le sens. Les gestes de la langue signée étant établie par convention sont fractionnés, là où les gestes de la gesticulation peuvent être moins porteur de sens, ou porter un sens plus global, général, clair uniquement pour l'émetteur.

Nous reprendrons ici le schéma proposé par Boutet et All. afin de permettre une meilleure compréhension de ces continuums :

Figure 4 : Schéma des 4 continuums comme proposé par Kendon, d'après Boutet (p.56)

Quant à la typologie des gestes à proprement parlé, je souhaite retenir la version augmentée proposée par Tellier et Stam (2010) car issue d'une étude de terrain axée sur l'enseignement. Tellier travaille en effet à comprendre l'importance de la gestuelle dans l'enseignement, notamment auprès des enfants (2006), et son travail de catalogage, en collaboration avec Stam, permet une cartographie plus exacte des gestes de l'enseignement. Les gesticulations, gestuelles, pantomimes et emblèmes s'organisent donc, d'après Tellier et Stam, de la manière suivante :

Gestes déictiques

gestes qui servent à pointer, montrer du doigt

Gestes iconiques

gestes qui servent à illustrer un concept concret

Gestes

métaphoriques

gestes illustratifs d'un concept abstrait

Battements

gestes rythmant la parole, sans contenir de sens

Emblèmes

gestes culturels, conventionnels

Butterworth

gestes de recherches lexicales

Geste interactifs

gestes adressés à un interlocuteur pour la gestion de l'interaction

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Gestes avortés

 

gestes esquissés mais non terminés

Nous avons également évoqué dans notre partie sur la communication non verbale les gestes de contact de l'enseignant envers lui-même que nous citons ici pour signifier que nous avons conscience de leur existence, mais leur intérêt dans la pratique enseignante est plus limitée.

Si Tellier et Stam proposent ainsi une catégorisation des gestes de l'enseignement, la question de la pertinence de ces gestes se posent : pourquoi sont-ils importants dans l'enseignement ? Quel est leur rôle exact ? Ont-ils une véritable efficacité ? Afin de répondre à ces questions, notre prochaine partie traitera de la gestuelle comme pratique de transmission.

2. La gestuelle comme pratique de transmission

Le geste comme pratique de transmission est un élément important de la pratique enseignante dans les approches actionnelles et communicatives, comme peuvent le montrer les travaux cités ci-dessus. Il semble évident que le geste seul n'est pas le seul vecteur de transmission dans la salle de classe ; nous avons abordé le concept de la communication, et bien que les études concernant la prosodie dans l'enseignement ne soit pas nombreuses, il semble (Tellier, 2006) que la répétition mécanique des mots ne permet pas un bon apprentissage, la tonalité, le découpement et le rythme des mots pourraient donc jouer un rôle clef. Nous nous accordons donc ici à penser que si le geste est important dans l'enseignement, nous n'oublierons pas de garder à l'esprit le caractère multimodal de cet enseignement (Mondada, 2012 ; Jewitt and All, 2001). Afin de mieux comprendre le rôle du geste dans la pratique de transmission, nous nous intéresserons tout d'abord à son rôle dans la formation linguistique, puis à son utilité dans la pratique enseignante.

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a) Le geste, formateur du langage

Le lien entre le parler et la gestuelle a donné naissance à des hypothèses dans les sciences du langage sur lesquelles il peut être intéressant de s'arrêter un instant. Le « Lexical Retrieval Hypothesis » (Alibali, 2000 : 594) propose l'idée que le geste aide à accéder aux savoirs lexicaux car il est lié à des connaissances encodées dans l'espace (Krauss & Al, 2006 : 14). Le geste a donc un rôle clef dans le processus de communication en donnant «forme» aux énoncés. Les gestes aident ainsi à accéder aux savoirs : ils font plus qu'aider à comprendre un message, ils ont un rôle important pour l'émetteur. En effet, privé de la possibilité d'utiliser des gestes, des locuteurs montrent parfois avoir plus de difficultés à répondre à une question (Frick-Horbury & Guttentag, 1998 : 10).

L'« Information Packaging Hypothesis » (McNeill, 1992) statue quant à elle que le geste aide à former la pensée, il reflète une image mentale qui est activée au moment où le geste est réalisé, geste ayant ainsi un rôle important dans la planification conceptuelle du message à verbaliser. Lorsque l'on demande à des participants de décrire un chemin et un mouvement ( « a path and a motion » ) en un geste et une phrase puis en deux gestes et une phrase, la richesse verbale des participants augmente lorsqu'ils n'ont à utiliser qu'un seul geste (Kita & Mol, 2012).

Par ailleurs, le lien entre geste et parler est renforcé par l'étude de Marianne Gullberg (2008) où les gestes utilisés par des apprenants d'une L2 changent de manière systématique à mesure que s'enrichit le vocabulaire (« Overall, gestures change systematically with semantic development both in children and adults » p.117), étude pertinente pour le sujet de ce mémoire.

En établissant que le geste est important pour la production verbale, et que les gestes changent au fur et à mesure qu'augmente le « niveau » de langue parlé par un locuteur apprenant une L2, nous ne déterminons pas pour autant que le geste est un outil de transmission important dans la classe. Néanmoins, attester de son importance dans la communication verbale est une première étape.

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b) Le geste comme renfort à l'enseignement

Il ne sera pas question, dans cette sous-partie, de proposer des idées d'utilisation du geste dans l'enseignement, mais seulement de poser le constat de l'usage et de l'efficacité du geste dans l'enseignement. En effet, les gestes permettent de lier le social et le psychologique (Vygotsky, 1978), et peuvent être perçus comme des outils efficaces en ce sens, notamment dans l`environnement de la salle de classe.

De plus, ils peuvent être utilisés par l'enseignant afin de s'assurer de la compréhension qu'un apprenant a d'un sujet (Corts et Pollio, 1999). Mais leur usage ne se limite pas uniquement aux enseignants : ils peuvent également être utilisés par les apprenants comme des ressources supplémentaires pour comprendre l'enseignant (Corts et Pollio, 1999).

En effet, il peut sembler important de noter que dans l'enseignement, les gestes iconiques réalisés par l'enseignant sont plus faciles à s'approprier pour les apprenants que la langue (Roth & Lawless, 2002), car ils renvoient à des images et ne nécessitent pas de traduction : ils sont encodés dans l'espace, ce qui par ailleurs renvoie à la Lexical Retrieval Hypothesis présentée dans ma partie précédente.

On peut également noter que des études (Goldin-Meadow, Kim & Singer, 1999) tendent à montrer que les enfants sont moins susceptibles de répéter un énoncé s'il n'est pas accompagné de gestes, et sont encore moins susceptibles de répéter cet énoncé s'il est accompagné d'un geste semblant mal adapté. Cela ne se remarque pas uniquement chez les enfants (LeBaron et Streeck, 2000 ; Roth, 2001 ; Alibali, Kita & Young, 2000) : les étudiants tendent à réutiliser les gestes utilisés par leurs enseignants.

Les gestes sont importants pour transmettre des idées ou expliciter des concepts comme c'est le cas dans l'enseignement des sciences (Roth, 2001 ; Goldin-Meadow, Nusbaum & Kelly, 2001), mais dans l'enseignement des langues, les geste sont également un renfort bienvenu pour le formateur ou l'enseignant (Goldin-Meadow & Alibali, 2013).

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La thèse de Marion Tellier (2006 : 2), issue des recherches de Cicurel (2005), « prend pour hypothèse centrale que le geste pédagogique n'est pas un artifice superflu mais bien une pratique de transmission », pratique d'autant importante pour l'enseignement-apprentissage des langues étrangères. Par ailleurs, la gestuelle varie au fur et à mesure de la progression de l'apprentissage d'une LE (Özyürel, Kita & Allen, 2005 ; Gullberg, 2008)

3. Conclusion

Les geste semblent former un langage à part entière qui, comme la langue verbale, peut être catégorisé, découpé, classé, étiqueté... Mais au delà de cette simple discrimination du geste et de la définition qui en est faite, nous avons voulu ici démontrer que le geste dans l'enseignement n'est pas qu'une pratique accidentelle, issue des maniérismes ou des habitudes des formateurs, mais peut-être un outil à part entière dans la formation des apprenants, outil d'autant plus important que preuve est faite de son importance sur l'apprentissage des apprenants : les apprenants réutilisent les gestes de leur formateur, ils s'en servent comme d'une ressource supplémentaire, ils leur permettent d'accéder au sens....

Cette importance du geste dans la pratique de transmission est l'un des point central de ce mémoire, mais nous verrons dans cette dernière partie qu'un geste seul n'a pas de sens, même dans la salle de classe, même en gardant à l'esprit la typologie des gestes, hors de son contexte.

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C. L'Espace et le corps

Ce cadre théorique a longuement donné des précisions sur les éléments du non-verbal, tels que les expressions du visage, la posture.. le paraverbal, tel que l'intonation, les latences... Il a également permis de présenter une catégorisation des gestes et leur utilisation dans l'enseignement. Les précisions apportées lors de notre partie sur la double contrainte ont permis d'apporter également des éléments soulignant l'importance du contexte dans la mise en place de ces éléments non verbaux. Cette partie veillera à répéter l'importance du contexte et donner des éléments de catégorisation d'autres éléments non-verbaux présents dans la salle de classe, notamment en terme de mobilier, et de porter un regard attentif sur la présence du corps et la prise en compte du corps dans la salle de classe.

1. Le contexte de la salle de classe

Tout au long de ce mémoire, nous avons parlé de « l'environnement particulier de la salle de classe » sans le définir ni donner plus de précisions, or, dans le contexte de l'apprentissage d'une langue étrangère, la salle de classe est un environnement avec ses spécificités propres : c'est un espace que l'on peut contrôler.

Il semble évident, dès lors que l'on envisage les nombreux paramètres à prendre en compte dans l'étude de la salle de classe dans le cadre de l'apprentissage d'une langue étrangère, que la salle de classe soit un sujet étudié dans le domaine de la recherche-action. C'est un lieu de « pratique exemplaire » (Cicurel, 2002 : 3), dans lequel, dans les années 60-70, on étudie l'efficacité des nouvelles approches et méthodes d'enseignement. Portés par le souhait de valider scientifiquement telle ou telle méthodologie d'enseignement, la classe « devient alors le lieu d'actualisation de la méthode dominante » (Cicurel, ibid.), on cherche à y trouver « la méthode universelle » (Cicurel, ibid.). On peut trouver des points positifs et des

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points négatifs à cette utilisation de la salle de classe comme d'un laboratoire, et on pourrait également souligner le fait que l'observation fausse, de fait, les résultats.

Mais la salle de classe n'est pas qu'un environnement de pratique exemplaire : c'est aussi et avant tout un lieu de formation, dans lequel le triptyque apprenant-enseignant-sujet d'étude se retrouve. Là aussi, la formation comme composante de la salle de classe, c'est à dire le fait de transmettre ou d'acquérir des connaissances, des compétences ou des savoirs, a été longuement étudiée, et on peut citer comme exemple l'utilisation de la Grille de Flanders (1960), qui, dans la lignée de l'utilisation de la salle de classe comme lieu de pratique exemplaire, souhaitait cartographier les « moments de la classe ». Nous gardons de cette conception de la salle de la classe la notion d'interaction, fondamentale dans l'environnement que nous concevons ici comme la « salle de classe », et raison pour laquelle nous avons longuement discuté du principe de la communication et définit la pratique de formation du point de vue du socio-constructivisme de Vygotski et Bruner.

La classe est un lieu socialisé (Cicurel, ibid). S'il y a certes, sous ces interactions, des impératifs (institutionnel, formatif, ...), et l'interaction sous sa forme collective est de plus en plus prise en compte. On a notamment pu observer (Mondada, 2012) des éléments comme les tours de parole, la participation des apprenants (place, hésitations, marques diverses d'interaction...), la présence de l'affect dans l'échange (la présence du moi dans les interventions), des marques de l'activité langagière (reprise, autocorrection voire correction d'un pair)... Ces interactions ne font plus uniquement de la classe un lieu de formation ou d'apprentissage, mais également un lieu de socialisation. Cette socialisation prend peut-être place sous la direction du formateur, ou de l'enseignant, mais elle évolue en fonction des individus formant le groupe.

La salle de classe comme lieu d'interaction, subit des contraintes extérieures variées : Hall (1966) dans La Dimension Cachée précise que la culture, pour nous, ici, la culture des apprenants est un facteur important à prendre en considération dans les interactions. Elle conditionne des éléments tels que la distance entre les corps - sur laquelle nous nous

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arrêterons plus tard - mais nous apporte également des éléments intéressants de gestion de l'espace. Nous veillerons à définir ces éléments dans nos parties suivantes.

2. La distance entre les corps

L'enseignant a de nombreux rôles dans la salle de classe, notamment auprès des apprenants. Ce contact constant avec les apprenants peut être l'objet de moments de tension, notamment lorsque des éléments méconnus, d'ordre culturel par exemple, existe : nous nous pencherons ici sur la notion d'espace entre les corps.

La prise en compte du corps dans l'enseignement est un élément important du présent mémoire. Hall précise que les distances entre les corps varient selon les cultures : des personnes issues de culture nordique, ou japonaise, se toucheront peu en situation d'interaction, alors que des personnes d'origine arabe se toucheront plus souvent. Il faut également noter que la prise en compte de la culture des apprenants, ou des cultures des apprenants, doit veiller à ne pas suivre les stéréotypes comme ceux présents dans les travaux de Hall. SiLa Dimension Cachée de Hall met surtout en avant les besoins architecturaux liés à la proxémie, il est indéniable que cet élément de communication interpersonnelle est un sujet d'étude intéressant dans le cas de l'enseignement-apprentissage, et plus particulièrement des langues. Appliquée à la sociologie, et plus particulièrement au comportement organisationnel, la proximité physique est importante pour les travaux en collaboration, et le concept a été repris dans des études plus récentes attraits à la communication non verbale en cours, c'est à dire la proxémie d'apprentissage (terme issu des travaux de Sofiane Issaadi et Alain Jaillet, 2017).

Ces travaux mettent par exemple en lumière le lien entre proximité entre l'enseignant et les apprenants et autonomie dans le travail réalisé : « Plus il est loin de l'espace de l'enseignant, et/ou moins la table est accessible, plus les étudiants sont en situation d'échanges, d'élaboration, et d'autonomie par rapport aux consignes. A l'inverse, plus on en est proche, moins on est interactif avec les autres, et moins on est autonome, c'est à dire que

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l'on respecte davantage les consignes de l'enseignant. » Les apprenants les plus proches semblent ainsi vouloir se protéger de l'enseignant.

Au delà des déplacements, la proxémie sous-tend aussi les contacts physiques. Quid du toucher direct dans le contexte de la formation ? Nous avons abordé la question des gestes comme des éléments de transmission, des éléments formateurs du langage, mais le geste dans la formation peut également être une source de réconfort pour les apprenants (Barrière Boizumault et Cogérino, 2010). Le document source de l'affirmation précédente est issue de travaux sur les enseignants d'EPS, dont la pratique est centrée autour du corps : le tabou culturel autour du toucher, ainsi que les croyances et les peurs des enseignants, en rendent l'encouragement délicat et peu de littérature sur le toucher en classe de langue existe.

Pourtant, il s'agit bien là d'un toucher relationnel de réconfort, et non pas d'une intrusion dans l'espace intime des apprenants : une main sur l'épaule, une tape sur le dos... Ce type de gestes dans le milieu de la classe peut être un vecteur de transmission... ou de blocage dans l'apprentissage. Cette remarque s'appuie sur le constat de Felouzis qui statue que la réussite de l'élève n'est pas uniquement raison de l'institution, mais également une question de relations apprenants / enseignants, relation qui peut bénéficier d'une certaine relation « physique ».

Par ailleurs, la proxémie que Hall définit comme « l'ensemble des observations et

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théories que l'Homme fait de l'espace en tant que produit culturel spécifique » (Hall, 1966 : 13), prend sa valeur en situation d'interaction (donc entre des personnes). Il existe, dans cet espace personnel, plusieurs sous-espaces : intime, personnel, social et public. Nous choisissons, en fonction des personnes, de partager ou non notre espace. Une intrusion dans un sous-espace par une personne non-autorisée est une source de malaise (d'où l'importance de la prise en compte de la culture des apprenants et une attitude prudente vis à vis du toucher

3 A noter que n'ayant pas trouvé de convention particulière quant à l'utilisation des termes proxémie et proxémique, j'utiliserai dans tout le présent document le mot «proxémie» comme un nom commun et «proxémique» comme un adjectif.

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en formation). Nous pouvons ajouter à ces sous-espace verticaux un espace supplémentaire horizontal, qui transmet - de manière simplifiée - l'idée de domination.

3. Les agencements didactiques

Foester (1990 : 81) précise que « toute tâche pédagogique demande à l'enseignant une réflexion préalable sur l'organisation spatiale adéquate à l'interaction verbale recherchée et à la mise en place de celle-ci ». En nous appuyant sur ses propos et sur l'organisation des espaces de Hall, nous nous concentrerons tout d'abord sur l'importance de l'organisation spatiale d'un lieu d'enseignement, puis nous aborderons l'idée des déplacements aux seins de cet espace.

a) Organisation spatiale

Nous avons abordé précédemment de manière très succincte l'influence des déplacements de l'enseignant sur les interactions des apprenants en précisant que plus l'enseignant est proche d'un groupe d'apprenants, moins les interactions sont riches (les apprenants semblants ainsi se protéger de la présence de l'enseignant en gardant le silence). En reprenant le concept de proxémie de Hall, nous pouvons également préciser qu'il existe trois catégories d'espace : les espaces à organisation fixe (dans le cadre de la salle de classe, nous prendrons l'exemple des murs, du sol, des fenêtres...), les espaces à organisation semi-fixe (les tables, les chaises...) et enfin, à organisation dynamique ou informelle, qui concerne ici la distance interpersonnelle.

Dans son analyse proxémique de classes mexicaines, Anne-Catherine Didier (2014 : 111) met en avant l'importance de la gestion du mobilier dans une salle de classe : en cas d'absence de variation dans l'espace, le cours est figé. La mobilité encourage la prise de parole.

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Pour illustrer cette affirmation, Didier prend l'exemple des organisations du mobilier et souligne la différence entre des formations sociofuges, qui encouragent l'isolement des élève entre eux, et les formations sociopètes, qui encouragent les interactions et les échanges entre apprenants. Ces deux types de configuration prennent la forme d'agencement des tables en îlot ou d'agencement en rangées : les apprenants dans les agencements en îlot peuvent interagir plus facilement car la configuration-même encourage les échanges, tandis que les agencements en rangée ont pour objectif d'isoler l'apprenant et de l'encourager à se concentrer sur l'enseignant.

Par ailleurs, Kozanitis (2005 : 1) précise que les situations d'apprentissage (dans le cadre de l'approche communicationnelle et, par extension, les approches « récentes/modernes ») devraient être « propices au dialogue en vue de provoquer et résoudre des conflits socio-cognitifs », situation dans laquelle les interactions devraient être primordiales et où « l'aménagement physique devrait permettre un apprentissage collectif » (Didier, 2014 : 110). Ces suppositions tendent à être affirmées par l'analyse proxémique de Didier et permettent de mettre l'accent sur un point fondamental de ce mémoire : les méthodologies et approches nouvelles nécessitent une sensibilisation aux concepts ci-évoqués.

Pourtant, l'organisation spatiale seule ne permet pas d'encourager les interactions, même si elle est un facteur important.

b) Mobilité

La proxémie de Hall a, comme nous l'avons montré, sa place dans de nombreux éléments conjoints à l'action didactique, qui se définit comme « ce que les individus font dans des lieux (ou institutions) où l'on enseigne et où l'on apprend » (Sensevy, 2007 : 12-42). La description proxémique va par conséquent de paire avec la notion de transition didactique (Forest, 2008), et nous nous appuierons ici sur la configuration de Forest pour décrire les types de déplacement de l'enseignant dans la salle de classe.

Il existe tout d'abord les déplacements pédagogiques, qui sont en relation étroite avec les activités de cours. Ensuite, il existe les déplacements non-pédagogiques, qui n'ont pas de

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lien avec les activités et qui sont soit spontanés, soit contrôlés par l'enseignant. Enfin, la dernière catégorie de déplacement concerne les déplacements dits « rituel », qui ont donc un rapport avec les rituels et les habitudes de l'enseignant. On peut noter parmi ces déplacements rituels un retour quasi systématique des enseignants à leur zone de confort.

Si le terme « zone de confort » a surtout une valeur psychologie, la zone de confort est également « un état conductuel dans lequel une personne opère dans une relation d'anxiété-neutre, utilisant une gamme limitée de conduites afin de produire un niveau de performance steady, en général sans un sens de risque » (White, 2009 : 3). La « zone de

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confort » est une sorte de « base », un point de départ et d'arrivée, par lequel l'enseignant passe. Il peut s'agir de manière assez commune de la partie entre le bureau et le tableau, mais les « zones de confort » changent en fonction de l'organisation de l'espace et des habitudes des enseignants.

4. Conclusion

La catégorisation des espaces et des déplacements n'a pas qu'un objectif sommatif : il s'agit également d'étudier les effets des déplacements sur les apprenants et sur la pratique. Dans notre partie précédente, nous avons cité les travaux de Sofiane Issaadi et Alain Jaillet, et la manière dont la proximité de l'enseignant influence la fréquence des interactions des apprenants. Nous ne pouvons nier que tout comportement de l'enseignant a une relation étroite avec la transmission des savoirs aux apprenants. De fait, la sémiose didactique est à la fois proxémique - dans la gestion de la distance - matérielle - dans le type de matériel utilisé et dans les agencements didactiques - mais également langagière. Nous nous sommes ici concentrés sur les aspects non verbaux de cette sémiose, en tentant de mettre en exergue le lien entre ces concepts et les approches nouvelles. Notre partie suivante veillera à articuler toutes les notions évoquées au cours de ce mémoire avec un élément fondamental dans la formation et dans la pratique des enseignants : les représentations.

4 « The comfort zone is a behavioural state within which a person operates in an anxiety-neutral condition, using a limited set of behaviours to deliver a steady level of performance, usually without a sense of risk »

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D. Représentations sociales et pratiques enseignantes

Nous avons longuement discuté de l'interaction, de la gestuelle, de la culture (des apprenants, de l'enseignant, d'apprentissage ...) dans ce cadre théorique, et nous avons également souhaité mettre en relation pratiques enseignantes et approches d'enseignement modernes. L'objectif de ce mémoire n'est pas atteignable sans un cadrage final attrait aux représentations et à la formation enseignante. Afin de présenter de la manière la plus claire possible le concept des représentations sociales et les éléments importants de la formation enseignante, nous nous appuierons entre autres sur les travaux de Moscovici (1961), Jodelet (1985, 1991), Charlier (1989) et Baillauquès (2001). Nous terminerons enfin par parler de l'évolution des savoirs et des pratiques professionnelles en nous appuyant sur les travaux de Perrenoud (2001, 1994), Schön (1983) et Elbaz (1983).

1. Les représentations sociales

Le principe des représentations est introduit à la fin du XIXème siècle par Emile Durkheim (1912 : 22), qui donnera alors naissance à la psychologie sociale, discipline capable de lier le social à l'affectif et au symbolique. Cette idée de symbolique et d'affectif se retrouve dans notre exposition du sens et à l'importance de la gestuelle. Durkheim propose une organisation possédant deux types de représentations : les représentations collectives et les représentations individuelles : « La société est une réalité sui generis ; elle a ses caractères propres qu'on ne retrouve pas, ou qu'on ne retrouve pas sous la même forme, dans le reste de l'univers. Les représentations qui l'expriment ont donc un tout autre contenu que les représentations purement individuelles et l'on peut être assuré par avance que les premières ajoutent quelque chose aux secondes ».

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Afin de définir plus précisément ce qu'est une représentation sociale, je m'arrêterai un instant sur la définition de Jodelet (1984 : 257) : « Le concept de représentation sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l'opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. » La représentation est donc « une forme de pensée sociale », ainsi qu'une « modalité de pensée pratique orienté vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l'environnement social, matériel et idéal ». En tant que pratique orientée vers la communication, les représentations sociales « présentent des caractères spécifiques sur le plan de l'organisation des contenus, des opérations mentales et de la logique ».

Pourtant, les représentations sociales ne sont pas inertes : elles sont, d'après Fischer (1987 : 118) « [...] un processus, un statut cognitif, permettant d'appréhender les aspects de la vie ordinaire par un recadrage de nos propres conduites à l'intérieur des interactions sociales.» De fait, les représentations sociales ont deux composantes : l'une, centrale, est potentiellement inerte, et est entourée d'un tampon, négociable, qui sert de barrière avec la réalité (Abric, 1984). En périphérie de cet ensemble noyau/tampon se trouvent des éléments de classification qui permettent un rattachement de l'objet social à la représentation sociale.

Par ailleurs, Searle (1983) met en lumière un lien entre représentation et communication : analyser les conditions de la compréhension et de l'échange linguistique nécessite l'existence d'un arrière plan culturel, la présence d'un savoir tacite... éléments qui, dans les représentations, sont sociaux. En effet, les représentations sont caractérisées par trois aspects interdépendants : leur élaboration se fait par et dans la communication, la (re)construction du réel, et la maîtrise de l'environnement par son organisation.

Les représentations, d'après Moscovici (1961, 1984) reposent également sur deux processus, qui agissent dans la formation des représentations sociales et dans leur fonctionnement : Tout d'abord, un processus d'objectivation, qui définit la façon dont un sujet sélectionne certaines informations pour les transformer en images significatives, qui sont généralement moins riches en informations mais plus importante pour une compréhension

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générale de l'objet-cible. Ensuite, le processus d'ancrage « permet d'accrocher quelque chose qui est nouveau à quelque chose qui est ancien, et donc qui est partagé par les individus appartenant à un même groupe » (Guimelli 1994 : 14). Le processus d'ancrage permet une actualisation ou un enrichissement de la zone tampon et de la zone périphérique au noyau des représentations.

2. Représentations en didactique des langues et formation enseignante

Les représentations sont un concept fondamental pour les spécialistes de l'apprentissage, et cette notion a été approfondie dans une perspective didactique par des chercheurs tels que Giordan et De Vecchi (1987) : en didactique des langues, l'apprentissage est un concept spécifique qui ne s'articule pas uniquement autour de la notion d'assimilation de savoirs, mais également l'acquisition d'usages, notamment en relation avec l'interaction. Dans notre partie sur les gestes, nous avions déjà spécifiés qu'enseigner ne se limitait pas à transmettre un savoir : c'est un processus d'accompagnement des apprenants, cela est donc bien évidemment le cas aussi en classe de langue. Cette importance de l'interaction en didactique des langues rend les facteurs sociaux, économiques, idéologiques et affectifs fondamentaux (Castellotti & Moore, 2002). Les représentations sont un éléments structurant du processus d'appropriation langagière : les représentations sur la langue maternelle, la langue cible... conditionnent les stratégies d'apprentissage mises en place par les apprenants.

Dans la classe, des études montrent l'existence de culture de communication spécifique (Beacco, 2001 : 58-80), organisées par des habitus scolaires, des routines et construits partiellement sur les représentations partagées entre les apprenants et les enseignants sur les rôles supposés de chacun (Castellotti & Moore, 2002). Les études réalisées sur les représentations des enseignants et leurs pratiques effectives (Brunel, 1990) soulignent par ailleurs que les étudiantes choisissent, dans le cadre de leur cours, des modèles libéraux, mais que leurs pratiques en cours restent traditionnelles : Cette présupposition des rôles supposés de chacun peut par ailleurs être une explication du constat de Brunel sur les différences entre

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théories de classe et pratiques effectives des enseignants en matière de méthodologie, ce qui souligne l'importance des représentations des enseignants.

Castellotti & Moore, dans leur conclusion, en soulignent le caractère fondamental:

« Les représentations sont constitutives de la construction identitaire, du rapport entre soi et les autres et de la construction des connaissances. Les représentations ne sont ni justes ni fausses, ni définitives, dans le sens où elles permettent aux individus et aux groupes de s'auto-catégoriser et de déterminer les traits qu'ils jugent pertinents pour construire leur identité par rapport à d'autres. Elles sont ainsi à considérer comme une donnée intrinsèque de l'apprentissage, qu'il convient d'intégrer dans les politiques linguistiques et les démarches éducatives. Ces démarches doivent pouvoir réconcilier des tensions a priori contradictoires entre un besoin d'auto-centration et de rattachement au connu, et l'indispensable ouverture que nécessite l'appropriation des langues. » (p.21)

Les représentations sont donc importantes pour les apprenants, dans le cadre de leur apprentissage des langues, mais qu'en est-il de ces représentations pour les enseignants ? Pour les enseignants, les représentations sociales sont des « instruments cognitifs d'appréhension de la réalité et d'orientation des conduites » (Charlier, 1989, p.46), et « peuvent être considérés comme des moyens à partir desquels ils structurent leurs comportements d'enseignement et d'apprentissage » ( ibid). Nous considérons ici les enseignants comme des professionnels, capable d'évaluation et d'auto-évaluation, d'attitude critique et de prise de décision (Baillauquès, 2001), mais également capables d'apprendre tout au long de leur carrière (Donnay et Charlier, 1990).

Mais quelles qualités (ou défauts, ou traits particuliers) font d'un enseignant un enseignant ? Les rares sondages réalisés (Singly, enquête pour MEN-DEP, 1993) montrent que pour la plupart des sondés, il suffit de connaître la matière pour pouvoir l'enseigner or, nous savons parfaitement que cela n'est pas le cas : la conception de l'enseignant s'élabore à partir de la culture des sujets : on se repose sur des positions culturelles (statut de l'enseignant, attirance du métier, ...), on projette son expérience (l'enseignant qu'on a aimé, qu'on a détesté...) Ces spécificités sont liés à des fonctions particulières des représentations :

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cognito- idéologiques et cognitives, que Gilly (1980) s'est efforcé de rendre quantifiables et qualitatives.

3. Formation et évolution des pratiques professionnelles

Paquay ((dir.) 2001 : 13), en se reposant sur des modèles dont celui de Donnay &

Charlier définit qu'un professionnel - comme un enseignant, est capable de :

- analyser des situations complexes, en référence à plusieurs grilles de lecture ;

- de faire de façon à la fois rapide et réfléchie le choix de stratégies adaptées aux

objectifs et aux exigences éthiques ;

- de puiser, dans un large éventail de savoirs, de techniques et d'outils, les moyens les

plus adéquats, de les structurer en dispositif ;

- d'adapter rapidement ses projets en fonction de l'expérience ;

- d'analyser de façon critique ses actions et leurs résultats ;

- enfin, de par cette évaluation continue, d'apprendre tout au long de sa carrière.

La formation des maîtres tent de mieux articuler théorie et pratique en soulevant l'idée peut-être idéaliste de transformer l'école en transformant les maîtres. Perrenoud (1994 : 15) encourage, dans la formation des enseignants, à travailler sur ce qui est réellement mis en place en classe : « La personne, la culture, l'habitus, l'inconscient, la séduction, le pouvoir, la négociation et non seulement des savoirs didactiques désincarnés ». Pour Ferry (1983), cela passe avant tout par un travail sur soi, idée étayée par les théories de Schön (1983) traitant du paradigme de l'enseignant réflexif. Pour Schön, la pensée professionnelle est conçue comme une réflexion dans l'action basée sur des cognitions en situation.

Cette approche réflexive de la pratique professionnelle est déterminante pour l'évolution de ces pratiques. Pour citer Baillauquès (2001 : 32) « La réflexion du praticien sur son travail qui implique une réflexion sur lui-même est un engagement critique dans une auto-estimation. L'une et l'autre de ces réflexions définissent une démarche de retour sur des représentations de la pratique et de soi-même en sa pratique. Elles en réfèrent à des normes comme à des idéaux et à des attentes chez l'individu et en sa communauté culturelle. Elles en

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interrogent le vis-à-vis ; elles suscitent, relativement à une connaissance plus précise des réalités (personnelles, professionnelles), des remaniements, des renoncements à des images, à des valeurs, à des croyances, à des convictions de savoir. »

La pratique réflexive permet d'articuler les savoirs professionnels (d'après le modèle de Malglaive, 1990 : savoirs théoriques, pratiques, procéduraux et savoir-faire) et les compétences professionnelles qui, pour Schön (1983) se construisent sur l'expérience. En andragogie, partir de ces expériences, de ces pratiques plutôt que des savoirs savants, permet de résoudre le problème de la transposition didactique (Perrenoud, 1996 : 59-76). En effet, les savoirs acquis en pratique professionnelle semblent axés action et décision, et ne sont pas ainsi constitués uniquement de savoirs opératoires, mais également de savoirs discursifs et positifs (Elbaz, 1983).

Cet ensemble de savoir ne définit pas pour autant tout ce qui englobe l'agir de l'enseignant, ou l'agir professoral (Cicurel, 2011 : 52) : « L'agir professoral est une pratique qui met en oeuvre des compétences diverses portant sur la langue, l'interaction, l'appropriation langagière, les savoirs d'expertise, mais on découvre qu'il fait émerger la capacité d'un professeur à distinguer des types d'action, l'aptitude à nommer ce que l'on fait, à ranger les actions dans une catégorie existante et à opérer des généralisations (normalement je ne fais pas cela) à la fois sur son propre agir, mais aussi sur le groupe (les Chinois adorent la grammaire). »

Cet agir professoral et les savoirs évoluent au fur et à mesure de la carrière des enseignants, et au fur et à mesure du suivi de potentielles formations. Dans son étude de cas, Elbaz met en avant les évolutions professionnelles des enseignants et souligne des changements principaux dans quatres domaines. En premier lieu, elle souligne une évolution de la conception de l'objet savoir non plus comme un produit fini mais comme un processus ; en second lieu, un changement de la perception du temps : le temps n'est plus une ressource rare mais quelque chose de propice à la réflexion ; ensuite, Elbaz note une évolution dans la tension nerveuse des enseignants. Enfin, la perception de l'espace a changé : d'abord défensifs, les enseignants deviennent plus ouvert à autrui.

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III. Protocole de Recherche

La définition de la problématique, des hypothèses de travail, de l'élaboration des outils et de l'exploitation des données de cette recherche s'appuient sur les travaux de Dumont et Calvet (1999), Blanchet et Gotman (2007), Singly (2008) et Berthier (2002), ainsi que des cours de méthodologie de la recherche universitaire et de la rédaction du mémoire proposés à l'Université du Mans par Bretegnier et Bourdet.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon