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L'usage et l'appropriation des réseaux sociaux par les jeunes: Le cas de FACEBOOK

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par Julia Denat
Institut de la communication - Université de Lyon 2  - Master 1 Communication des Organisations  2016
  

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II.2. Facebook, un outil de revendication d'une identité

travaillée

II.2.1. Les photos de profil et de couverture : un enjeu identitaire

Ci-dessus, nous avons pu évoquer l'importance de dégager la meilleure image de soi vis à vis de sa liste d'amis pour revendiquer l'identité souhaitée.

Dans cette partie, j'approfondirai l'analyse de cette stratégie plus ou moins réfléchie et contrôlée que mettent en place les usagers de mon échantillon, tout en évoquant les dispositifs qu'ils leur permettent de travailler et de revendiquer leur identité via Facebook.

Pour commencer, tous les interviewés utilisateurs de Facebook ont, sans exception, émis qu'ils choisissaient une `' jolie `' photo de profil sans pour autant évoquer la photo de couverture, celle qui apparait en bandeau en haut d'une page Facebook. C'est alors que je me suis posée la question de ce que signifiait pour eux le terme `' jolie `'. C'est par ce qu'ils ont, en grande majorité, évoqué qu'ils choisissaient leur photo de profil en fonction des autres utilisateurs du réseau social composant leur liste d'amis, que j'ai compris que `'jolie» signifiait aussi `'jolie pour les autres». La photo est donc le premier élément à prendre en compte pour leur identité. Celle-ci n'est pas choisie sans réflexion ainsi que la photo de couverture. Pour faire le lien avec les analyses précédentes, c'est aussi le premier détail qu'ils évoquent dans leur quête d'informations sur autrui.

Lorsque l'on visite le profil d'une personne sur Facebook, avec le prénom et le nom, la photo de profil et la photo de couverture sont, en effet, les premiers éléments que l'on peut trouver. Il est donc important pour les usagers de travailler cette première image de soi qu'ils renvoient. Ce n'est pas pour autant que les interrogés ont tous évoqué la photo de couverture.

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J'en conclu que la principale photo qui reste la plus importante car, surement plus personnelle, est la photo de profil qui en général ressemble à une photo d'identité et qui fait apparaitre la majorité du temps la personne à qui le profil appartient. Un des interviewés avoue sans hésitation qu'il choisit cette photo par rapport à sa liste d'amis :

« Je choisi ma photo en fonction des gens quand même, je choisi une jolie photo donc dans ce cas c'est comme un peu une vitrine de mon identité »

Par ce témoignage, le concerné allie `'photo» à `'identité», comme si une apparence physique projetée par une photo dévoilait l'identité d'une personne. Nous pouvons analyser la grande importance qui est apportée par une simple photo et comment elle est interprété par les usagers au risque de détenir des informations très subjectives sur la personne concernée. Le rapport à la photo d'une page Facebook se compare à la photo sur un CV.

Pour marquer l'importance du choix de la photo de profil, un des interviewés évoque :

« Moi quand j'utilise Facebook, c'est plutôt un usage personnel que professionnel pour entretenir une relation avec mes amis. [...] Les critères de mon choix de photos de profil sont un peu bizarres. (rire) D'abord, il faut qu'elle me plaise et que je me trouve jolie dessus tout en pensant que je vais garder la même pendant 3,4 ou 6 mois, histoire de ne pas paraitre égocentrique à changer ma photo tous le temps. »

Avec cette réponse, nous pouvons encore une fois, analyser l'importance de l'image renvoyée à sa liste d'amis qui prend le dessus sur son envie personnelle comme une autocensure qu'il s'impose à lui-même. Contrairement aux autres enquêtés, l'individu réfléchi au choix de sa photo par rapport au nombre de fois qu'elle effectuera l'action de la changer dans le but de ne pas donner l'image d'une personne égocentrique.

De plus, par la marque d'une pause dans son discours pour rire, je peux observer une gêne occasionnée lorsqu'il annonce les raisons de son choix de photo. De cette information nous pouvons en déduire qu'il ressent un peu de honte de faire

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ces choix par rapport à autrui, d'autant plus qu'avant de divulguer cette information, il avoue faire de Facebook un usage personnel dans lequel il reste en relation avec ses amis. Ce paradoxe démontre à quel point le regard d'autrui reste tout de même important dans notre société même dans la vie virtuelle.

Nous pouvons aussi souligner ce que l'individu entend par le terme `'amis `' et qu'inconsciemment, il utilise la définition de Facebook et de la liste d'amis qui, pour autant, n'est pas obligatoirement la définition courante d'un proche que l'on côtoie, que l'on connait bien et à qui l'on inspire confiance mais quelqu'un que l'on ne connait pas forcément ou que l'on a croisé rarement dans sa vie. Cette information est appuyée par la démonstration de son choix de photo de profil et par le rire qui exprime sa gêne.

La décision des termes `'liste d'amis» et `'amis» de la part de Facebook, ne me laisse pas indifférente quant aux conséquences du rapport à ces mots sur les individus. Ce choix anodin du design de la plateforme laisse présager l'intention de l'intériorisation du virtuel, encore une fois, face à la réalité.

Comme l'enquêté précédent, une usagée de 25 ans va aussi loin dans le choix de sa photo de profil dans le but de dégager deux messages.

Tout d'abord comme les autres, elle choisit une photo de profil dans le but d'envoyer des informations sur son apparence physique, afin de se présenter sous son `'meilleur jour». Lorsqu'elle évoque sa photo de profil durant l'entretien elle affirme :

« Moi j'annonce directement la couleur, sur ma photo de profil je suis affichée avec mon mec comme ça pas besoin de m'ajouter ou de venir me parler pour me draguer. »

Par ce témoignage l'interviewée renvoie un message implicite en plus du premier message explicite qui démontre qui elle est physiquement.

En effet, elle met en oeuvre toute une stratégie pour informer les visiteurs de sa situation amoureuse à travers sa photo de profil. Par ce comportement, elle

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divulgue qu'elle a clairement conscience de l'usage de Facebook par d'autres utilisateurs `'espions `' à la recherche d'informations sur autrui.

C'est d'ailleurs l'enquêtée qui fait l'objet d'une analyse antérieure de la sous partie évoquant les usagers passifs. Lorsqu'elle a évoqué que son patron lui avait fait la remarque qu'il avait pu voir des photos de son profil Facebook, elle fut surprise mais pas pour autant inquiète.

« On dit que ça n'a pas d'importance mais quand votre patron vous fait ce genre de remarque ça surprend. Je peux vous dire que je me suis connectée directement après qu'il m'ai dit ça et j'ai bloqué tous mes paramètres de sécurité afin que plus personne ne se trouvant pas dans ma liste d'amis ne puisse m'espionner. »

Cette information, divulgue aussi que l'interrogée à conscience que Facebook est utilisé pour la recherche d'éléments sur autrui. Comme je l'ai évoqué, le premier intérêt des curieux est la photo. Peut-être parce qu'une simple photo peut divulguer de nombreux éléments sur la personne concernée.

Pourtant, cette analyse superficielle peut être complétement faussée et subjective. Cet intérêt pour les photographies où l'image est partagée par toutes générations confondues dans nos sociétés modernes à l'heure du numérique. Cette promotion superficielle et d'autant plus publicisée par les marques qui font de nos sociétés, des sociétés de l'image.

Pour prendre un exemple récent, j'évoquerai les dernières stratégies de communication lors des dernières élections présidentielles qui qui ont de grandes similitudes avec les campagnes publicitaires préconisant la mise en avant de l'image et la mise en arrière de la réflexion objective pour approfondir certains sujets. On s'arrête sur l'image et on ne va pas plus loin. C'est ainsi que les photos sur Facebook semblent prendre un intérêt superficiel et subjectif comme une vitrine de chaque individu qui a pour but d'être jugé sur la qualité ou non que la photo renvoie.

La seule interviewée ayant évoquée la photo de couverture est âgée de 23 ans. Celle-ci, choisit sa photo de couverture en fonction de sa photo de profil. En effet, l'esthétisme est important pour elle.

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« Il faut impérativement que ma photo de profil soit assortie à ma photo de couverture. Par exemple, si ma photo de profil est en noir et blanc, alors ma photo de couverture sera en noir et blanc. »

Dans ce cas, nous pourrions aussi analyser que l'usager va plus loin dans son choix de photo et divulgue aussi un message implicite sur son caractère ou sa personnalité. A travers ce sens de l'esthétisme, nous pouvons interpréter cet usage en pensant que cette personne a un certain rapport à la coordination et l'organisation juste à travers les premières photos que l'on peut voir sur son profil.

Dans ce cas, aussi nous pouvons émettre l'hypothèse que l'âge et le fait qu'elle soit étudiante peut être un des facteurs qui influence son comportement stratégique par rapport aux photos qui apparaissent en premier sur son profil.

Ces témoignages et cette analyse démontre la réflexion d'Irwin Altman, énoncée dans la première partie de ce mémoire.

Celle-ci postule que la réflexivité de chaque individu sur Facebook demeure mais celui-ci ne perd jamais à l'esprit que sa subjectivité va être publicisée. Nous retrouvons ce postulat dans tous les usages de Facebook chez les interrogés. 1

Aussi, `' l'extériorisation et la simulation de soi `' évoquées par Dominique Cardon sont bien entendu refléter dans ce choix de la photo de profil.

Nous pouvons, ainsi, confirmer l'analyse du sociologue qui avance que le design et l'identité sur cette plateforme présentent un caractère beaucoup plus stratégique sur des informations subjectives comme les photographies. Le calcul de la meilleure impression d'eux même ou, dans d'autres cas, l'impression qu'ils souhaitent renvoyer, renvoie donc à tout un calcul stratégique même envers les moindres détails à commencer par la photo de profil et la photo de couverture.

1 ALTMAN Irwin, op.cit. p.23

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Les photos ne sont toutefois pas le seul élément à prendre en compte pour l'image que les individus revendiquent. Comme le dit Dominique Cardon :

« Il est utile de décomposer les différents traits qu'un individu peut être amené à rendre visible sur les réseaux sociaux. »

Il catégorise cette pratique non pas par `' une gestion de la face» mais `'au management des impressions `' d'où l'importance de l'opinion de la liste d'ami.

C'est alors aussi par les autres usages, que les utilisateurs de Facebook travaillent ce management des impressions. Par le partage les `'likes» et les commentaires. Ils se permettent ou non de divulguer des informations sur leur identité.1

Tout au long de cette analyse d'entretiens je mettrai en lumière ces postulats qui sont en permanence présents dans les usages des interviewés comme en témoignent divers éléments provenant des entretiens. C'est donc toujours une image de soi plutôt qu'une explication de soi que renvoient les jeunes usagers de Facebook.

Par ailleurs, tous ces calculs mis en exergue ci-dessus, sont plus ou moins réfléchis selon le profil des individus.

En effet, selon l'âge ou la catégorie socioprofessionnelle dont ils sont issus, des comportements et des réflexions différents sur leurs usages apparaissent.

Cependant, tous travaillent plus ou moins stratégiquement l'image qu'ils renvoient par ces deux photos importantes qui donnent un premier caractère subjectif qui développe une opinion sur le profil concerné aux visiteurs.

1 CARDON Dominique, op.cit. p.24

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II.2.2. L'opportunité de mettre en avant une nouvelle version de soi

Malgré tout ce travail autours de l'image renvoyée d'eux-mêmes, les personnes interrogées estiment que leur profil renvoie une image fidèle d'eux-mêmes. Tous, ont évoqué que Facebook était une vitrine virtuelle, ou un dispositif numérique permettant de divulguer leur E-identité.

« C'est tout moi, ça représente bien mon identité. Quand je regarde mon mur je me dis : `'ah beh ouais c'est moi ça !» Je m'y reconnais totalement. »

Sans hésitation, les 7 utilisateurs de Facebook que j'ai interrogé, ont répondu ce genre d'affirmation.

Toutefois, certains des interviewés vont plus loin dans cette explication de revendication identitaire. Pour trois d'entre eux, la plateforme peut leur permettre de démontrer une autre version d'eux même qu'ils n'auraient pas l'occasion d'illustrer si explicitement dans la vie réelle.

Un individu de 18 ans s'exprime sur la facilité de pouvoir révéler des aspects de leur personnalité par rapport à une rencontre physique.

« Il y a deux aspects de moi sur Facebook. Moi, la fille qui fait la fête et celle qui s'engage plus sérieusement sur la cause animale. [...] J'utilise Facebook, justement, pour faire passer des messages que je ne fais pas passer en réalité. »

Par ce témoignage, nous pouvons remarquer que Facebook permet aux individus de s'exprimer librement sur leur personne sans attendre un contexte adéquat pour évoquer certains traits de personnalité comme cela se produirait dans la vie réelle.

Le réseau social permet la liberté d'exprimer ce que l'on est et ce que l'on veut revendiquer de soi dans l'instantanéité et au moment où nous le décidons. Les barrières de la vie réelle disparaissent. Certains usagers s'autorisent donc, par le biais, de Facebook, à s'exprimer sur eux et sur ce qu'ils pensent.

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Une autre interviewée, quand je lui ai fait la suggestion que Facebook était un dispositif qui lui permettait de mettre en image son identité virtuelle, m'a répondu que oui est que c'était même beaucoup plus facile qu'en vrai. Elle poursuit même en ajoutant que ce réseau social lui permet de `'se créer une personnalité». Je l'ai donc questionné sur ces termes afin d'en savoir plus.

Elle entend par là, qu'elle choisit ce qu'elle permet de rendre public ou non ainsi que sa photo de profil en fonction de l'image qu'elle veut donner tout en prenant en compte que des professionnels peuvent voir son profil et elle en joue. Elle va adapter le contenu qu'elle publie en fonction de ce qu'elle est réellement tout en ayant conscience que son profil peut être examiné à des fins professionnelles.

Par ce témoignage, nous pouvons analyser que Facebook est un support dont elle semble connaitre très bien le fonctionnement et l'usage qu'en font les internautes.

Sa stratégie est donc d'inverser les rôles et de rendre son profil attractif en prenant en compte le fait que l'espionnage est un usage fréquent sur Facebook notamment de la part des professionnels. Elle met en place une alliance entre sa personnalité réelle tout en faisant attention à mettre en avant le côté qui pourrait intéresser un professionnel. C'est en se mettant à la place de l'individu espion qu'elle calcule sa stratégie de revendication identitaire sur le réseau social comme si elle mettait en lumière un CV virtuel plus personnel.

Cette analyse exprime une stratégie plus poussée que l'on pourrait comparer à `'l'arroseur arrosé». Pour autant, elle avoue ne pas cacher sa personnalité et dit pouvoir s'exprimer plus facilement sur des aspects personnels qui n'apparaitraient pas en premier lieu dans la vie réelle.

Par cet usage nous pouvons analyser que l'interrogée ne prend pas en compte, exclusivement, sa liste d'amis et son entourage comme récepteur de ce qu'elle revendique sur son mur et son profil Facebook contrairement à la majorité des interviewés.

De plus, elle avoue connaitre parfaitement le fonctionnement de l'algorithme de Facebook et connait sa puissance, d'où sa stratégie d'utilisation.

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Un des interviewé qui n'utilise presque pas Facebook affirme que pour lui le réseau social n'illustre pas forcément son identité. Il ajoute :

« Sachant que j'ai Facebook depuis longtemps et qu'aujourd'hui je ne publie rien ; d'ailleurs je crois que j'ai la même photo de profil depuis trois quatre ans ; je pense pas que mon profil soit cohérent avec ma personnalité. En fait, c'est comme si il reflétai moi à l'époque donc pas au même âge avec peut être plus les mêmes centres d'intérêt... enfin je sais pas mais je pense vraiment pas que ça soit un reflet de mon identité à part avec ma photo de profil ou mon nom peut être. »

Dans ce témoignage l'usager évoque le fait que Facebook divulguerait une autre version de lui que celle qu'il est aujourd'hui dans la vie réelle.

En effet, en disant qu'il n'utilise plus trop Facebook et que sa photo date de trois ans, on pourrait penser que les informations qu'il y a sur son profil ne sont pas vraiment fidèles à ce qu'il est aujourd'hui. Facebook illustrerait donc une version de lui plus jeune, à l'époque où il utilisait le réseau social plus fréquemment en publiant un minimum d'éléments ou en partageant et en utilisant la mention `'j'aime».

Un autre usager témoigne que Facebook lui permet de se divertir tout en jouant un rôle sur l'identité qu'il revendique. Il s'en sert aussi pour se moquer des autres utilisateurs.

« Quand je commente quelque chose en général c'est pour identifier toujours le même ami. Des fois, en plus de l'identification, je mets un message que je travaille toujours sur le ton de l'ironie ou de l'humour pour justement piéger les gens et ne pas divulguer ce que je pense réellement, mais mon ami me comprend. En fait, je fais en sorte que le commentaire puisse être compris dans deux sens complètement contradictoires pour qu'on ne sache pas ce que je pense réellement à part mon ami qui me connait bien. Parfois, il arrive que sous les publications publiques des gens s'introduisent dans la conversation et ça nous fait tellement rire car ils sont vraiment sérieux, et ils partent dans des débats complètement débiles, dans ce cas j'essaie de leur faire comprendre qu'ils sont ridicules toujours ironiquement et je coupe très court

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à la discussion parce que ce n'est pas mon délire de m'afficher sur un réseau social avec mon ami. »

Par ce témoignage, encore une fois nous pouvons analyser que l'utilisateur fait en sorte de ne pas dévoiler ses centres d'intérêts notamment en politique. Le caractère subjectif de ces commentaires peut laisser penser à une autre version qu'il témoigne sur le réseau social pour les personnes qui ne le connaissent pas vraiment. L'usager met donc en place une stratégie pour se divertir en choisissant qui peut comprendre et qui ne peut pas comprendre de quel côté il se positionne tout en choisissant dans quel rôle il se positionne.

« Il m'est arrivée que quelqu'un de ma liste d'amis croit vraiment des trucs qui vont à l'encontre de mes opinions réelles. J'ai encore plus rigolé avec mon ami car c'est vraiment mal me connaitre. Un jour aussi j'ai partagé un article du Gorafi, un journal satirique qui reprend l'actualité en livrant des informations complètement fausses mais dont l'écriture pourrait provenir d'un article officiel, en gros ils sont très forts sur l'écriture et peuvent parvenir à semer le doute dans l'information qu'ils donnent. Quand j'ai partagé cet article j'étais choqué de voir des gens de ma liste d'ami y croire et commenter. »

Dans ses dires l'usager démontre encore une fois que Facebook est un divertissement dans lequel il aime bien piéger les gens. Par son usage de Facebook, nous pouvons démontrer qu'il s'amuse à illustrer une version de lui qui n'est pas forcément lui au quotidien dans la vie réelle.

Aussi, son comportement prouve qu'il a une certaine conscience de celui des usagers sur le réseau social et qu'il s'amuse de cet usage en piégeant les autres utilisateurs de Facebook même ceux de sa liste d'amis.

Par ce comportement, l'enquêté divulgue qu'il ne prend pas Facebook au sérieux et qu'il joue un rôle et se moque de l'aspect sérieux que les individus évoque sur le réseau social. Dans ce cas, celui-ci, révèle des informations subjectives qui peuvent faire penser à une autre version de lui qu'il renvoie sur le réseau social. Ce comportement lui permet de cacher son identité réelle, son opinion et ses centres d'intérêts jusqu'à un certain degré.

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Par ces quatre analyses nous pouvons mettre en lumière que l'image renvoyée de son identité sur Facebook est plus ou moins travaillée par rapport à plusieurs éléments.

Pour tous les interrogés, le récepteur est au centre de la stratégie de la version de soi que l'on veut divulguer dans le cas où l'usager met en place toute une stratégie pour valoriser son image par rapport à ce qu'il a envie de démontrer de lui.

Certains, utilisent principalement Facebook pour se divertir sans être sérieux dans ce qu'ils démontrent. Dans ce cas l'usager met en place une stratégie tout en aillant la conscience du comportement des autres sur le réseau social et en joue pour se moquer d'eux. Cet usage demande une certaine capacité à prendre du recul.

Dans ces deux cas, les enquêtés démontrent une certaine maturité et une conscience des possibilités de Facebook au-delà de leur entourage ce qui leur permet de mettre en place une stratégie plus poussée en terme d'identité virtuelle.

Facebook peut aussi permettre à l'émetteur de dévoiler un aspect de lui-même qu'il serait contraint de démontrer dans sa vie réelle à son entourage.

Enfin, le dernier cas illustre l'usager qui ne se sert pas vraiment de Facebook car pour lui ce n'est pas important. Il ne réfléchit pas à la version de soi qu'il renvoie sans la mettre à jour car il n'est pas actif sur le réseau social. Ici aussi, l'individu entre dans un jeu de rôle d'une autre version de lui que la plateforme lui permet de revendiquer.

Ce constat peut me permettre d'affirmer que les informations récoltées sur Facebook peuvent être plus ou moins biaisées et d'autant plus très subjectives.

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II.2.3. Le sentiment du contrôle et de la maîtrise de son identité virtuelle

S'il y a bien un élément qui est présenté tout au long de cette analyse d'entretien, c'est la liste d'amis.

En effet, pour tous les usagers de Facebook, la liste d'amis reste importante et en tête dans chaque usage du réseau social. Ce constat reprend l'analyse de Danah Boyd et Nicole Ellison qui relèvent que la liste d'ami sur Facebook serait le principal outil de navigation sur un réseau social et que la plateforme permettrait aux utilisateurs de voir et de croiser leurs listes de relations avec celles créées par d'autres.1 Je peux, donc, affirmer qu'à plusieurs reprises dans cette partie les usagers se comportent sur Facebook plus ou moins en fonction des individus qu'ils ont dans leur liste d'amis.

Il est important de savoir aussi qui ils ont dans leurs listes d'amis. Pour les sept interrogés, cette liste comporte autant des personnes de leur entourage proche, voire très proches que des connaissances qu'ils ont croisées une fois ou deux ou même jamais dans certains cas. La liste d'amis des plus âgés des interrogés, comprend entre 200 et 400 personnes, dont ils ont à l'esprit lors de leur usage qu'une petite partie qui les intéressent réellement.

Lorsque un interrogé de 18 ans m'a donné le nombre de personnes qu'il avait dans sa liste d'amis après avoir fait un tri récemment, j'ai pu comprendre que son usage de Facebook n'est plus vraiment un usage personnel mais beaucoup plus public que certains autres car il compte exactement 666 amis.

« J'ai fait un tri, il y a pas longtemps parce que j'avais beaucoup trop d'amis, maintenant j'en ai 666. »

Pour cet interviewé qui dit avoir fait le tri et avoir maintenant 666 amis dans sa liste nous laisse penser qu'il accepte des ajouts de personnes qu'il ne connait pas

1 BOYED Danah et ELLISON Nicole, op.cit., p.23

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vraiment comme des amis selon la définition de Facebook et non d'après le terme commun.

Il est probable que l'individu n'est que quelques personnes de cette liste en tête lorsqu'il fait quelque chose sur Facebook, sachant que c'est le même interrogé qui dit faire attention à ce qu'il met par rapport à sa future vie professionnelle. Paradoxalement, il se permet aussi d'insulter en commentaires les gens dans des commentaires politiques, selon ses envies.

Ce comportement laisse l'impression d'être peu réfléchi en terme de stratégies. L'hypothèse que cet individu n'a pas forcément le contrôle de ce qu'il laisse paraitre à ses 666 amis qui suivent son profil peut donc être évoquée.

On pourrait systématiquement penser que les interviewés contrôlent, ou pensent contrôler leur image par rapport à leur liste d'amis mais ce n'est pas automatiquement le cas, car pour cela, il faudrait qu'ils aient en têtes tous ces individus à chaque fois qu'ils réfléchissent à leur action sur le réseau social. Lors des entretiens, un grand nombre de contradictions entre leurs dires et leurs actions s'est manifesté et plus particulièrement chez les plus jeunes (15 ans à 20 ans). Peut-être est-ce dû à un manque de maturité.

Lorsque, ensuite, je leur ai demandé s'ils avaient leur parents sur Facebook, juste deux individus m'ont dit que oui, qu'ils faisaient partie de leur liste d'amis. Cet élément reprend la théorie de la `' culture de la chambre `' d'Hervé Glaverec 1. Facebook est une plateforme sur laquelle les adolescents peuvent s'exprimer hors du cocon familial. Les parents sont donc tenus à l'écart de la liste d'amis de leur enfant.

Tous les interrogés affirment ne pas accepter les inconnus qui demandent un ajout dans la liste d'amis. Un va même jusqu'à signaler l'ajout lorsque c'est quelqu'un qu'il ne connait pas du tout ou s'il n'a aucun ami en commun avec lui.

« Il m'arrive de bloquer ou de signaler ceux qui m'ajoutent et que je ne connais pas quand c'est des gens d'un autre pays et qu'il y a aucun rapport avec moi. »

1 GLAVEREC Hervé, op.cit., p. 18

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Après de nombreuses plaintes, Facebook a mis en place des paramètres de sécurité et de confidentialité poussés afin que chacun ait plus ou moins le contrôle de montrer ce qu'il veut à qui il veut. Tous les interrogés ont émis qu'ils avaient donc le contrôle de l'image qu'ils renvoient, du moins c'est ce que l'entreprise Facebook laisse à croire.

« Déjà mon mur si tu n'es pas mon ami tu ne peux pas le voir et je pars du principe que chacun, à côté de sa vie professionnelle, a sa vie personnelle et je ne vois pas où peut être le mal. Je ne publie rien et surtout pas n'importe quoi en plus alors peu importe. Puis j'ai bien réglé mes paramètres de sécurité et de confidentialité donc je gère qui peut me retrouver ou à qui je veux montrer des choses. »

Dans ce témoignage l'interrogé semble être sûr de lui à propos du contrôle de son mur et de son profil Facebook. Pourtant, après cette réponse, plus tard dans l'entretien celui-ci indique :

« Il m'est arrivé un truc l'autre fois. Je suis sortie faire la fête et j'ai vu un gars puis quelques jours après je l'ai eu en suggestion d'ami... Je ne savais pas comment ça se faisait il n'avait pas mon nom, ni moi mais je l'avais quand même en suggestion et ça m'a fait un peu peur. »

Son incompréhension peut paraitre contradictoire avec ce qu'il a annoncé un peu avant, quand il affirme qu'il contrôle son image sur Facebook ou qu'il connait la fonctionnalité du réseau social. Lorsque l'interrogé dit que son profil est bloqué, il pense que son prénom et son nom sont obligatoires pour le retrouver car il est surpris que quelqu'un qui ne connait ni son nom, ni son prénom soit en suggestion de ses amis.

Cette analyse, peut me permettre de postuler que l'usager concerné pense qu'il contrôle Facebook par lui-même sans pour autant estimer les possibilités de l'algorithme du réseau social. Le fait que Facebook ait développé ses paramètres de sécurité en laissant choisir le moindre élément à son utilisateur peut engendrer la pensée que l'utilisateur peut tout contrôler lui-même.

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Or, il s'avère que dans le second récit, l'individu ne comprend pas comment cette suggestion d'ami ait pu être faite.

Par ce constat, je peux évoquer qu'il ne connait pas forcément le principe de Facebook qui est rattaché à Google et donc à la géolocalisation que les algorithmes ont retracé avec cet individu pour, ensuite, lui faire une suggestion d'ami via son profil Facebook.

Trois des interviewés disent ne pas comprendre qu'ils aient des ajouts de personnes étrangères. Ce détail confirme aussi que les usagers n'ont pas forcément conscience de la puissance des algorithmes et qu'ils ne contrôlent pas totalement leur profil.

En effet, en partageant certaines publications qui ont été partagées un grand nombre de fois les individus permettent un tracé de leur profil qui peut être répercuté dans le monde entier en très peu de temps. Cet effet qui reprend `'Le phénomène des petits mondes»1 de S. Milgram, peut avoir des conséquences inimaginables.

Si les internautes ne vérifient pas la source des publications, il suffit d'une mention `' j'aime `', d'un commentaire ou d'un partage pour que des inconnus retrouvent leur profil sans forcément les connaitre.

Pour résumer, les usagers de Facebook pensent être contrôleurs de leur identité virtuelle sur ce réseau social mais, parfois, contre leur grès ou par manque de connaissance des fonctionnalités de Facebook, il s'avère qu'ils donnent de nombreuses occasions de pouvoir retrouver leur coordonnées ou leurs profils via un simple clic.

Connaissant la puissance et la fonctionnalité de Facebook avec le EdgeRank et le PageRank de Google, que j'ai détaillé dans la première partie de ce mémoire, si la traçabilité peut se faire par ces moyens, même si les paramètres du réseau social laissent l'impression de pouvoir contrôler sa sécurité et son identité, nous pouvons

1 MILGRAM Stanley, op. cit., p.25

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penser qu'il existe des failles qui peuvent permettre à des individus inconnus de pouvoir récolter des informations personnelles sur chaque profil.1

Ce détail stratégique élaboré par l'entreprise dans la sécurité, comme la définition des termes `'liste d'amis» provenant du design, donne l'impression d'être contrôleur total de son profil.

Avec ces témoignages nous pouvons affirmer que, malgré ce que les individus pensent connaitre du fonctionnement de Facebook, des lacunes demeurent et ne leur permettent pas d'avoir le contrôle total de leur identité virtuelle sur le réseau social même si les paramètres de sécurité et de confidentialité sont plus élaborées qu'à la création de Facebook en 2004.

II.3. Les individus ont-ils conscience des conséquences de leurs usages ?

II.3.1. L'acceptation ou non de l'exploitation de ses données personnelles

La majorité des interviewés ont émis qu'ils étaient conscients de divulguer des informations personnelles en utilisant Facebook.

Lorsqu'ils ont évoqué cette réponse les interrogés argumentent qu'ils ne publient jamais rien, donc qu'ils ne donnent pas de réelles informations.

« Sur toutes les informations que je donne ça me fait pas peur. En fait, je sais que l'Etat a déjà toutes ces informations. Et alors ? Ils vont faire quoi ? Rien. Je fais partie, comme tout le monde, des gens qui utilisent internet en plus je ne publie jamais rien alors je m'en fiche un peu... »

Par cette réponse, l'interrogé est conscient que ses données sont enregistrées et peuvent être utilisées.

1 Le PageRank et le EdgeRank sont les algorithmes de Google et Facebook définies avec les fonctionnalités du réseau social, op.cit., p.22

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Cependant, il n'est pas inquiet et se rassure en disant que tout le monde utilise internet, donc qu'il n'est pas le seul à divulguer des données privées. Il se déculpabilise par l'annonce de généralités.

Toutefois, l'individu ajoute qu'il ne publie rien et qu'il ne risque pas grand-chose. Il est vrai que publier régulièrement peut-être un risque supplémentaire, mais nous avons pu analyser précédemment que les partages, les commentaires et les mentions `' j'aime `' ainsi que la géolocalisation peuvent permettre la récupération de données.

De plus, l'usager évoque l'Etat directement en ce qui concerne les détenteurs de ces coordonnés personnelles. Je peux penser par ce témoignage, que l'individu se sent donc suivi virtuellement quoi qu'il fasse. Cette personne accepte et trouve même normal qu'il n'existe plus vraiment de vie privée.

D'autres enquêtés expliquent, au même sens que ci-dessus, qu'ils ont conscience que leurs données personnelles peuvent être exploitées contre leur gré, mais que c'est le risque lorsqu'ils s'inscrivent sur Facebook.

Dans ce cas, ils acceptent majoritairement l'exploitation de leurs données. Leurs arguments sont souvent portés sur la théorie que beaucoup de monde utilise internet et les réseaux sociaux aujourd'hui. Beaucoup d'entre eux répètent que leur entourage les a assez prévenus sur les risques. Ils évoquent que nous sommes au 21ème siècle et qu'internet fait partie de notre société, c'est un fait qu'il faut l'accepter. La possible exploitation de leurs données personnelles est un fait totalement accepté et intégré.

Instagram et Snapchat pratiquant plus ou moins les mêmes fonctions implicites que Facebook sont aussi en mesure d'exploiter les données de leurs usagers. Pourtant, lorsque j'ai interrogé les plus jeunes utilisant exclusivement les applications ci-dessus, ils m'ont avoué que Facebook était plus dangereux en termes d'exploitations que les deux autres plateformes.

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« Snapchat ou Instagram sont plus personnels dans l'utilisation que Facebook je trouve. En gros, ce que tu publies c'est clairement en petit comité et ça peut pas trop être partagé sur un mur commun comme sur Facebook. Du coup, je trouve que ces applications sont moins complexes et plus personnelles, donc il y a moins de risques que l'on prenne nos données personnelles quoi. »

Par les fonctionnalités de ces deux applications les interrogés se disent plus maîtres et contrôleurs de leur identité virtuelle que sur Facebook. Sur ces applications, selon leurs dires, le croisement de leur liste d'amis, par exemple, ne se fait pas et n'est pas non plus regroupé sur un fil d'actualité commun sur Facebook. Un design quelque peu différent suffit à donner l'apparence d'une plus grande intimité sur ces plateformes.

Pourtant, sachant que les utilisateurs révèlent des données personnelles sur ces réseaux sociaux, il est logique que les entreprises des plateformes soient les premiers détenteurs des informations que les usagers décident de divulguer, sans qu'il soient tous conscients dans quel but ces données peuvent être enregistrées.

Le design et les dispositifs de Facebook, leur donnent l'impression d'être plus maîtres de leur identité virtuelle sans qu'ils aient l'impression de divulguer des informations personnelles à l'entreprise Facebook.

De plus, les individus sont susceptibles de révéler leurs données personnelles à n'importe qui veut et a les capacités de rechercher des informations moins évidentes à trouver comme les entreprises qui retracent les profils des consommateurs afin de s'adapter à leur cible pour les pousser à la consommer.

Les plus jeunes des individus interrogés (15- 20 ans) ont l'impression d'envoyer des informations sur eux, juste à un cercle restreint qui fait partie de leur entourage, même quand ces applications sont plus personnelles que Facebook, car elles partagent un fonctionnement tacite similaires à celui Facebook. La grande différence avec Facebook est que ces applications proposent un design et une logique dans laquelle l'utilisateur peut se sentir au centre des fonctionnalités par l'effet personnel qu'elles engendrent, permettant à celui-ci de se sentir contrôleur de son profil.

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Un autre individu, plus âgé cette fois (24 ans), évoque qu'il ne lui pose aucun problème de divulguer sa date de naissance, son nom ou son adresse mail sur le réseau social. Il ajoute :

« Même dans la vie réelle c'est facile de trouver les coordonnées de quelqu'un, il faut arrêter tout ce cinéma autour d'internet et des réseaux sociaux. C'est bon on est au 21ème siècle I »

Ce qui le dérange le plus, serait de voir une photo de lui réutilisée pour un autre usage par une autre personne, c'est pourquoi il a bloqué tous les paramètres de confidentialité et va même vérifier de temps en temps sur Google en tapant son nom et prénom pour regarder si des photos lui appartenant n'apparaissent pas dans les images Google.

Par ce comportement, nous pouvons remarquer que l'individu reste lucide et connais les risques de Facebook tout en prenant en considération qu'il n'est pas dominant face à la plateforme mais qu'il est susceptible d'être une `'victime» du réseau social car tout simplement il l'utilise et qu'il est donc impossible pour lui de tout contrôler.

Un autre interviewé, âgé de 25 ans, a conscience de donner des informations personnelles à Facebook, il fait partie des personnes étant passives sur le réseau social. Il ne publie rien, ne commente presque pas et ne partage rien, justement car il est conscient de cette récolte de données de la part de Facebook ou de Google qui permettrait à quelqu'un ayant les capacités de retrouver ses données.

C'est l'une des causes de l'utilisation moindre de Facebook de la part de cet usager. Le réseau social ne lui sert juste à regarder l'actualité, d'ailleurs sa liste d'amis compte moins de 100 personnes afin de restreindre les individus à qui il donne des informations. C'est aussi l'un des rares interrogés qui ne clique jamais sur les publicités que Facebook lui propose. D'ailleurs, le réseau social lui en propose peu, et des publicités qui ne l'intéressent pas surement par manque d'informations sur son profil et donc sur ses centres d'intérêts.

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Cet usager contrôle ses données en utilisant à minima les fonctionnalités que Facebook lui propose. C'est pour lui une sécurité car il a conscience qu'en faisant une action minime il peut permettre à quiconque le veut de récupérer des données personnelles à son sujet. Ce même individu évoque :

« Toute manière Facebook ne me sert pas à grand-chose et je pense supprimer mon profil très prochainement. Parce que, toute manière, à partir du moment où tu utilises Facebook forcément tu acceptes de divulguer des informations personnelles sur toi faut pas se voiler la face. Moi j'aime pas trop, mais bon, aujourd'hui, avec tous les gens qui utilisent ce genre de réseau social on sait très bien qu'on peut être pisté à tout moment surtout avec les attentats qu'on a eu ces dernières années et c'est normal. »

Par ce témoignage l'usager a donc bien conscience que le contrôle de ses données ne dépend pas forcément de lui et qu'il y a des limites.

De plus, c'est l'un des rares interrogés qui évoque le contexte actuel de la France et les attentats terroristes que l'Europe subit. Il a donc conscience que ces données peuvent être exploitées à tout moment et trouve ça normal, il accepte donc cet usage de ces données par rapport au contexte que subit la France.

En majorité, nous pouvons conclure que les utilisateurs de Facebook, acceptent plus ou moins l'exploitation de leurs données par Facebook.

Toutefois, ils ne savent pas exactement pour quelle raison et par qui ces données personnelles sont exploitées, certains évoquent l'Etat, d'autres des inconnus et d'autres Facebook.

Il est pourtant évident que Facebook, l'entreprise elle-même, est la première réceptrice à exploiter les données personnelles de ses utilisateurs. Dès lors que nous créons un simple profil, nous sommes consciemment ou non en train de divulguer des informations personnelles telles que le nom, le prénom, la date de naissance.

Peu de personnes interrogées ont évoqué Facebook comme exploiteur de ces données.

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Pourtant, ce même comportement dans la vie réelle serait surement mal perçu par les individus. Une fois de plus, cette barrière entre la vie privée et la vie publique semble s'effacer dans le monde virtuel.

Le second argument que les interrogés énoncent, est le fait que `'tout le monde utilise Facebook donc tout le monde accepte l'exploitation de données personnelles alors pourquoi pas moi ?» .

Dans ce cas, les utilisateurs ont conscience de l'exploitation de leurs données et l'acceptent car pour eux c'est le contexte d'une époque, celle des nouvelles technologies de l'information et de la communication et on ne peut y échapper

Avec cet argument, un utilisateur évoque l'envie de supprimer son profil car cette exploitation de données le dérange. Le fait de pouvoir être suivi ou que l'on retrace son profil lui parait évident dans le contexte actuel de notre société mais, pour autant, il envisage de supprimer son compte par son utilisation minimale de Facebook et par cette connaissance d'exploitation des données personnelles. Dans ce cas l'exploitation de données est moins acceptée par l'utilisateur.

II.3.2. Une conscience et une connaissance approfondies de Facebook chez les plus âgés

Depuis, le début de cette partie, nous pouvons analyser une connaissance plus ou moins développée de Facebook de la part des individus interrogés. Je peux affirmer que les fonctionnalités explicites du réseau social sont connues par tous étant donné que chacun utilise la plateforme à sa manière et les dispositifs qu'elle propose. C'est souvent sur la liste d'amis qu'ils sont utilisés, en ayant toujours comme arrière-pensée que telle ou telle personne peut voir ce qu'ils font sur le réseau social. Ils étudient les répercussions de leurs usages de la plateforme sur d'autres individus faisant partie de leur liste d'amis.

Toutefois, nous pouvons remarquer certaines lacunes sur la connaissance des possibilités que Facebook engendre par ces utilisations. J'ai évoqué ci-dessus l'incompréhension de la suggestion d'ajouts d'inconnus voire d'étrangers à des utilisateurs. Cette incompréhension provient d'un manque de connaissance de

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l'algorithme de Facebook et plus généralement des réseaux sociaux et d'internet. Cet élément ressort le plus souvent du témoignage des plus jeunes interviewés de mon échantillon, soit les 17, 18, 20 ans. Certains ajoutent :

« Des fois, quand je fais du shopping en ligne sur Google, après quand je me connecte sur Facebook il y a des publicités sur mon mur d'actualité je retrouve les produits que je suis allé voir sur les sites en ligne, je ne comprends pas comment ça se fait. »

Je m'aperçois, encore une fois, que les usagers n'ont pas conscience du fonctionnement du EdgeRank et du PageRank que Facebook et Google mettent en place.

Les utilisateurs prouvent ici, qu'ils s'arrêtent à la connaissance des fonctionnalités les liant les uns aux autres et l'image qu'ils renvoient à leur liste d'amis sans pour autant penser aux autres opportunités que Facebook accorde aux lobbies ou aux institutions.

Un autre témoignage m'a interpelé par la façon dont la personne parait sûre d'elle sur l'image qu'elle renvoie et semble assumer totalement qui elle est sur Facebook en allant plus loin dans ses revendications tout en ayant l'impression de contrôler son image. L'individu concerné a 18 ans et c'est aussi l'usager qui m'a répondu être parfaitement conscient du fonctionnement de Facebook et avoir le contrôle de son profil. Cette même personne, a aussi, évoqué ne pas comprendre pourquoi des individus étrangers lui envoyaient des demande d'ajout à sa liste d'amis. Nous pouvons souligner, ici, une contradiction faisant référence à ses capacités sur les connaissances du fonctionnement de Facebook assez minimes. De plus, l'individu ajoute :

« Professionnellement je fais attention à ce que je mets, plus ou moins sur Facebook. C'est sûr qu'il faut faire attention. Par exemple, si tu es nazie (rire), non mais faut voir les choses en grand I Si t'es un nazie tu ne vas pas mettre `'Ouais je suis nazie, je suis pour Hitler `' sur Facebook. Après, j'assume tout à fait l'image politique et mes opinions que je démontre. Moi je m'en fou, je vais te dire que j'ai voté Marine Le Pen et j'étais à fond pour elle, je l'assume totalement. »

Ce témoignage, assez paradoxal, peut évoquer un manque de connaissance du réseau social et peut être de maturité dans son comportement.

En effet, cette même personne étant pour la défense des animaux fait ce discours. Etant assez surprise de ses réponses pendant tout l'entretien, j'ai donc eu à faire l'effort de cacher mon jugement pour qu'il continu ses témoignages. L'analyse du comportement que j'ai pratiqué me permet de démettre l'hypothèse que cet individu est l'un des plus influençables par le biais du réseau social. En effet, son usage de Facebook et le discours qu'il tient sont contradictoires.

En évoquant qu'il fait attention à ce qu'il dit sur Facebook en proposant l'exemple d'Hitler mais en dévoilant son opinion politique tout en défendant la cause animale, me laisse observer que l'individu possède des connaissances obsolètes même en terme de culture générale. Ceci me permet d'interpréter que c'est le profil type de l'usager qui pense contrôler son profil mais qui, contrairement à ça, peut facilement se laisser « piéger » par l'algorithme de Facebook.

« La probabilité qu'il m'arrive un danger sur Facebook est la même que celle d'avoir un accident de voiture ... Je ne suis pas naïf au point de parler à n'importe qui sur Facebook et j'arrive à identifier les personnes ou les éléments malsains, il suffit de bloquer ou de signaler. Je connais le fonctionnement de Facebook et j'assume ce que je divulgue sur moi. Donc non, je ne suis pas un parano au point de penser tous les jours à ça. »

Par ces dires, contrairement aux précédents témoignages, nous pouvons remarquer une certaine lucidité de l'usager et sa connaissance des risques qu'il met en jeu en utilisant la plateforme. L'interrogé a une prise de recul sur Facebook et dédramatise l'usage du réseau social en le comparant à la vie réelle. Il est alors pour lui évident qu'il divulgue des informations personnelles. Il en a conscience semble maîtriser son profil par la connaissance qu'il a du fonctionnement du réseau social. Cet individu fait aussi l'objet d'une précédente analyse qui évoque que ses connaissances et sa maturité lui permettent de divulguer une autre version de lui sur la plateforme.

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Toutefois, un des interrogés de 25 ans évoque :

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« Oui, je connais Facebook, oui je sais que Facebook a un certain contrôle sur mon comportement mais c'est pas pour autant que je ne maîtrise pas mon profil et mon image sur ce réseau social. Je sais, par exemple, comment fonctionnent les suggestions d'amis. Si quelqu'un va souvent sur ton profil sans être dans ta liste d'amis. Il y a de grande chance que ça soit quelqu'un qui fasse partie de ton entourage ou qui est ami avec quelqu'un de ta liste au second ou troisième degré. C'est logique, quand tu connais le fonctionnement de Facebook. Puis, Facebook enregistre que la personne a tapé plusieurs fois ton nom dans la barre de recherche donc il te le suggère en ami. Ils ne sont pas très futés les gens qui le font si c'est pour espionner c'est grillé.(rire)»

Par cet argument nous pouvons clairement analyser que l'usager est totalement conscient de la puissance de Facebook et qu'il est dans l'incapacité de tout contrôler notamment son profil et son image à 100%.

Cependant, par sa connaissance des possibilités de Facebook, l'interrogé est capable d'anticiper le comportement des autres usagers et donc de faire attention à son usage sur le réseau social afin de divulguer le moins d'informations possible à son sujet.

Il ajoute aussi, qu'il regarde toujours la source des publications qu'il consulte et s'abonne qu'au page dont il connait les sources. Ce qui lui permet une certaine sécurité même s'il partage, commente ou « like » les publications provenant des sources officielles qu'il connait. Dans ce cas, pour cet usager nous pouvons dire qu'il contrôle aisément son identité virtuelle et son profil sur Facebook par sa, connaissance de la puissance du réseau social et la logique de son algorithme.

De plus, cet enquêté fait aussi l'objet d'une analyse de la version de soi qu'il revendique en amont de cette observation dans une autre partie de cette recherche. Dans celle-ci, j'ai mis en lumière que l'usager jouait un rôle sur le réseau social en travaillant une image neutre de lui. Pour cela, il utilisait l'ironie pour utiliser le réseau social avec humour afin de rester neutre sur sa réelle personnalité.

Par ces deux observations, je peux mettre en lumière que son comportement fait émerger une maturité et une lucidité qui lui permettent de déjouer les effets

puissants que Facebook engendre chez les individus les plus influençables. Dans ce cas, par sa maturité, l'usager se trouve dans la posture de pouvoir contrôler son identité et son profil virtuel sur la plateforme.

II.3.3. Facebook : un outil marketing encore mal connu de la Génération Y

Avec le recul et la conscience du fonctionnement des algorithmes de Facebook et Google provenant de ma recherche, j'ai aujourd'hui acquis une meilleure vision des possibilités de Facebook.

Ce réseau social qui promeut la possibilité d'établir des relations et des interactions, dans le milieu privé des usagers est aussi utile pour d'autres communautés et institutions qui ne sont pas forcément prisent en compte par les interrogés. Précédemment, j'ai relevé que beaucoup des utilisateurs ne mentionnaient pas Facebook comme premier détenteur de données personnelles.

Lorsque j'ai interrogé les individus pour savoir s'ils lisaient la politique de confidentialité du réseau social, lors des mises à jour régulièrement proposées, il s'avère qu'aucun des enquêtés n'a répondu positivement. Ils valident donc unanimement la politique de confidentialité de Facebook sans pour autant en prendre connaissance.

Par cet, acte il est possible d'affirmer que pour ces utilisateurs la politique de confidentialité du réseau social n'est pas importante, nous pouvons donc imaginer qu'ils la connaissent plus ou moins.

Pourtant, il est évident que ce grand texte expliquant les dispositifs de Facebook et comment fonctionne la confidentialité, peut permettre aux usagers de pouvoir contrôler leur profil en adaptant un comportement susceptible de protéger leurs données personnelles.

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Toutefois, la plupart des individus ont évoqué :

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« Des fois, quand je fais du shopping en ligne sur un site, après, quand je vais sur Facebook j'ai des publicités sur les articles que j'ai regardé ou sur le site concerné, quand ça me plait je clique oui. C'est pratique quand même. »

Dans ce témoignage, l'interviewé évoque sa satisfaction quand il trouve une publicité sur son mur Facebook. Celui-ci va jusqu'à y cliquer dessus pour visionner le site. Un lien existe entre sa recherche Google et le réseau social et il semble en être content sans pour autant se poser la question de comment cette publicité est arrivée jusqu'à son mur Facebook.

Pourtant, s'il prenait cette conséquence en compte il pourrait comprendre qu'il existe le même lien entre les personnes qu'il ne connait pas d'où la suggestion d'un individu dont on ne connait aucune coordonnée ou l'ajout d'étrangers.

De plus, connaissant un minimum les dispositifs de Facebook qui engendrent la traçabilité des profils par la liste d'amis et les interactions, il est logique que ce fonctionnement ne se limite pas qu'à l'entourage.

Au titre de leur usage personnel, les internautes semblent oublier la capacité de Facebook sur la traçabilité des profils par le biais de l'enregistrement des usages et des données personnelles de chaque utilisateur.

D'ailleurs lors d'un chat entre Marc Zuckerberg, le fondateur de Facebook, et un ami étudiant en 2010, le célèbre créateur avoue ne pas comprendre ce manque de réflexions de la part des usagers de la plateforme :

Marc : « I have over 4.000 e-mail, pictures, adresses. » His friend : « What ? How'd you manage that one ? » Marc : « People juste submitted it. I don't know why... They « trust me. » Marc : « Dumbs fucks. »1

1 Extrait d'un chat entre Marc Zuckerberg et un ami étudiant au début de Facebook, 13 mai 2010, Bisness Insider :

Marc : « J'ai plus de 4 000 e-mails, photos et adresses. » Son ami : « Quoi ? Comment tu as réussi à obtenir ça ? » Marc : « Les gens me les ont juste donné. Je ne sais pas pourquoi... Ils me font `'confiance.» » Marc : « Putains d'abrutis. »

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Par ce dialogue, je peux analyser le caractère moqueur de Marc Zuckerberg par l'insulte `'putains d'abrutis».

En effet, le fondateur ne comprend pas le comportement des usagers et ne s'en cache pas. Le fait que les internautes divulguent leurs données personnelles à un parfait inconnu semble si aberrant qu'il parait dénué de sens.

Pourtant ce comportement semble être complétement intériorisé par tous les usagers interrogés, d'où leur dévaluation des risques de l'influence des marques à la consommation sur le réseau social.

En effet, à plusieurs reprises dans cette partie nous avons pu étudier une mauvaise prise de conscience sur la puissance et les opportunités que Facebook offre aux institutions autres que l'entourage ou la liste d'amis des individus. Par la fonction implicite de traçabilité des profils, Facebook permet d'être un support pour les marques afin de s'adapter à leurs cibles.

Les usagers ne prennent pas cette fonction en considération et ne se focalisent que sur leur entourage sans comprendre certains faits. L'individu évoquant son incompréhension lorsqu'il reçoit des invitations de personnes étrangères ayant aucun lien avec son entourage ou celui qui évoque qu'il a eu en suggestion une personne croisée en soirée sans pour autant lui avoir donner son nom et son prénom prouve ce manque de lucidité et d'analyse.

Par ces indices, les interrogés auraient pu avoir les capacités de comprendre le pourquoi du comment tout en essayant d'analyser les fonctionnalités implicites de Facebook qu'ils utilisent eux-mêmes pour espionner ou enquêter sur leur entourage.

En évoquant l'Etat et leur entourage, nous retrouvons une certaine opposition entre deux extrêmes chez certains des individus, prouvant qu'ils ont conscience de divulguer des données personnelle à une institution beaucoup plus importante que les communautés proches.

Pourtant, ils n'ont pas eu la capacité de s'interroger sur d'autres institutions et communautés qui apparaissent sur le réseau social au quotidien sans penser que ceux-

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ci sont aussi dans la faculté de recueillir des données personnelles afin d'établir des profils propices à la consommation de telle ou telle marque.

Par ce comportement se rapportant à eux en tant que personne et l'engagement qu'ils prennent pour proposer l'image qu'ils souhaitent à leur entourage, nous fait prendre conscience de l'individualisme qui règne dans notre société moderne.

Depuis le début de cette analyse, nous pouvons voir que l'image que l'on renvoie et le comportement engendré dont l'objectif est une promotion de sa propre identité sous son meilleur jour, démontre un certain égocentrisme dans le comportement des usagers interrogés. La perception de mon image par autrui est tous ce qui importe.

L'individualisme et ce rapport à soi et à autrui traduit un manque de recul et de vision plus large qui, pour la plupart, à tendance à se retourner contre eux alors qu'ils ont tous les éléments en main de comprendre le fonctionnement et la puissance de Facebook.

Le paradoxe central de cette analyse, postule que les individus sont individualistes mais aussi interdépendants sur la plateforme. C'est autrui, qui est dans la position du jugement de chaque profil. C'est donc en pensant à autrui que les individus calculent leur stratégie identitaire sur le réseau social et le plus souvent par rapport à leurs pairs.

C'est dans ce comportement que nous retrouvons plus ou moins d'autocensure chez les usagers.

Ce manque de prise en compte des capacités de Facebook sur les conséquences autres que sur leur entourage, paraît être quelque chose d'anodin et de peu important.

Pourtant, vivant dans une société de consommation dans laquelle les marques ont compris ce manque de prise en compte des jeunes individus utilisateurs de Facebook il est évident que le marketing digital a su faire sa place auprès de cette cible et a su prendre les devants pour s'y adapter.

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Le constat relevé par cette analyse est que par leur comportement individualiste, beaucoup d'individus n'élargissent pas leur vision et ne s'arrête qu'à la frontière de leur cercle proche sans prendre en compte que ceux qu'ils font sur Facebook d'autres peuvent le faire aussi et plus efficacement car eux, ont été sujets de cette prise de conscience.

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